Projet de loi 10 : des appuis avec réserve de la FIQ et de l’APTS dans la région

Julie Boivin est la présidente du Syndicat des professionnelles en soins du Saguenay-Lac-Saint-Jean, affilié à la FIQ (archives).
Photo : Radio-Canada / Myriam Gauthier
La présidente régionale de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Julie Boivin, et la représentante de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Karine Ferland, appuient avec certaines réserves le projet de loi 10 présenté par le ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé, plus tôt mercredi.
Le projet de loi vise à éliminer pratiquement tout recours aux agences privées en santé d'ici 2026.
Les deux femmes estiment que le gouvernement devra faire des concessions dans le cadre des négociations des conditions de travail dans le secteur de la santé.
L’une des conséquences, selon les associations, dans la cessation de recourir aux agences privées, serait le départ des travailleurs d’agences vers d’autres professions qui ne sont pas dans le secteur de la santé. L’objectif visé est donc que les travailleurs qui ont quitté pour des agences reviennent pour le public d’eux-mêmes.
Nos professionnels quittent le secteur public, ils s’en vont vers des agences puis reviennent ensuite dans le secteur public via des agences. Ces personnes-là veulent continuer à pratiquer leur profession, par contre, ce qu’ils veulent, c’est aller chercher ces conditions de travail là qu’ils ont dans les agences. La pression est à tous les niveaux où l’on parle des laboratoires, on parle des services de soutien à domicile, on parle de la protection de la jeunesse. La charge de travail est énorme
, précise Karine Ferland qui représente plusieurs professions au Saguenay-Lac-Saint-Jean comme les ergothérapeutes et les travailleurs sociaux.

Karine Ferland, représentante nationale pour l'APTS du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Photo : Radio-Canada
Dans nos demandes de nos négociations, il y avait vraiment trois volets : il y a la rémunération qui est importante. On doit rattraper l’écart, on doit augmenter les salaires. Il doit y avoir des mesures qui sont faites pour tout le monde et pas au moyen de primes données à un petit groupe qui créent de la division comme on a pu voir dans les dernières négociations. On a besoin de gains pour l’ensemble des professionnelles en soins. On a besoin de revoir aussi la conciliation travail-famille. Aussi l’organisation du travail doit être revue, les ratios c’est important
, précise la présidente du Syndicat des professionnelles en soins du Saguenay-Lac-Saint-Jean (FIQ), Julie Boivin, à l’émission Place Publique.
La représentante de la FIQ souligne qu’une piste de solution se trouverait au niveau de la prévisibilité des quarts de travail.
Lorsqu’on fait notre cours en soins infirmiers, on sait qu’on va travailler jour, soir et nuit. Sauf qu’il faut de la stabilité, présentement ce n’est pas ça qu’on a. Si moi, je sais que je vais avoir un temps complet le soir, je vais organiser ma vie en conséquence. Ce qui est difficile et les postes qui ne se prennent pas présentement, ce sont les postes où je ne suis pas capable de prévoir, une prévisibilité à long terme. Je ne sais pas si je vais travailler de jour ou de soir cette semaine-là et c’est difficile de s’organiser
Un phénomène relativement nouveau
Mme Boivin pointe la pandémie de COVID-19 comme étant le moment où les gestionnaires du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont commencé à embaucher de la main-d’œuvre indépendante.
Avant la pandémie, il n’y avait aucune main-d’œuvre indépendante. Le CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean pendant la pandémie était devant le fait qu’il devait fournir des services et il n’y avait pas assez de gens pis ce n’était clairement pas la période où ils étaient attractifs, alors ils ont décidé d’utiliser de la main-d’œuvre indépendante.
C'était d'ailleurs ce qu'avait reconnu le CIUSSS en novembre 2021, quand des contrats avaient été octroyés à des agences.
Cependant, la région figure actuellement au bas de l’échelle au niveau de la main-d'œuvre indépendante par rapport à la masse salariale totale des établissements du Québec, selon une étude publiée lundi et obtenue par Radio-Canada.
Part de la main-d'œuvre indépendante par rapport à la masse salariale totale des établissements du Québec pour les périodes 2016-2017 et 2021-2022.
- (1) C.R.S.S.S. Baie-James : 3,9 % à 18,5 %
- (2) CISSS de l'Abitibi-Témiscamingue : 2,3 % à 16,2 %
- (17) CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean : 0,1 % à 1,4 %
C’est sûr que si on se compare, on peut se consoler. Il n’y en a pas tant que ça ici, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Sauf qu’il faut faire tout ce qui est nécessaire pour que ça cesse
Un climat de travail nocif
Le climat de travail ne serait pas au beau fixe entre les professionnels provenant de la main-d’œuvre indépendante et les employés du système public.
On a des infirmières et des infirmières auxiliaires pour ma catégorie qu’on voit dans les CHSLD, dans certaines unités de médecine. On en voit à peu près de 180 quarts à 200 quarts qui sont faits dans nos murs par période de deux semaines et ça crée vraiment des différends dans les endroits où elles sont. Ce n’est pas super comme relation avec les collègues quand toi tu es confronté à être obligé de faire des quarts défavorables alors que la main-d’œuvre indépendante prend les beaux quarts de jour. Ça cause des frictions dans les unités de soins c’est certain [...] Ça coûte très cher de la main-d’œuvre indépendante puisque ce sont des fonds publics qui sont alloués-là et il y a des entreprises qui font des profits sur des soins de santé, c’est ça qui est terrible
, conclut Mme Boivin.