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Sous les huées, le conseil municipal autorise la démolition de la maison brune à Rimouski

La maison brune de l'avenue de la Cathédrale.

La résidence du 304, avenue de la Cathédrale, connue comme étant la «maison brune», sera démolie.

Photo : Radio-Canada / Samuel Ranger

Le conseil municipal a autorisé lundi soir la démolition de la « maison brune » située au 304, avenue de la Cathédrale, à Rimouski, devant plus d'une cinquantaine de citoyens venus contester cette décision. La séance a dû être suspendue pendant plus d'une trentaine de minutes après l'adoption de cette résolution alors que les personnes présentes huaient de colère.

Dans le préambule de la résolution, le conseil rappelle entre autres que selon la Ville, le bâtiment est dans un état de vétusté avancé et que le rénover reviendrait à le détruire.

Le préambule indique aussi que la construction d'une nouvelle résidence bifamiliale en remplacement de la maison brune aura pour effet de créer des logements supplémentaires et n'aura pas d'impact significatif sur le voisinage et l'environnement.

Le conseil y reconnaît aussi que plusieurs mentions d'opposition ont été transmises à la Ville et que celles-ci ont principalement trait à la protection du patrimoine, au manque de logements et à la perte d'un lieu de partage et de culture étudiante.

Enfin, toujours dans le préambule de la résolution, le conseil municipal affirme qu'il est d'avis que la démolition du bâtiment tient compte de l'intérêt public.

« Ce n'est pas une décision qui a été prise avec gaieté au cœur, c'est évident. »

— Une citation de  Guy Caron, maire de Rimouski

D'un côté, ce qu'on a, nous, c'est une évaluation du bâtiment, qui est dans un état de vétusté avancé et qui pourrait éprouver certains problèmes de salubrité à court terme, si ce n'est pas maintenant. Et le permis de démolition a été demandé avec un projet de remplacement pour remplacer l'unité actuelle, le 304, avenue de la Cathédrale, par deux unités. À ce moment-là, le permis de démolition a été approuvé avec certaines conditions, dont, entre autres, [celle] de reloger les locataires de l'édifice, a expliqué le maire de Rimouski, Guy Caron.

Des pancartes en opposition à la démolition de la maison brune sont affichées devant les places laissées vides par les conseillers municipaux sortis de la salle pendant la suspension de la séance.

La séance du conseil municipal de Rimouski a été suspendue pendant un peu plus d'une trentaine de minutes lundi soir. Le conseil considérait que le décorum n'était plus observé puisque des citoyens manifestaient leur opposition à la démolition de la maison brune.

Photo : Radio-Canada / Marie-Christine Rioux

Les huées du public venu assister à la séance du conseil municipal ont commencé lors de la lecture de la résolution qui autorise la demande de démolition formulée par le propriétaire du 304, avenue de la Cathédrale.

Les citoyens présents souhaitaient que le conseil reporte sa décision, mais celui-ci a procédé au vote comme prévu à l'ordre du jour.

Plusieurs personnes ont dénoncé le fait que la résolution ait été adoptée avant qu'elles n'aient pu s'exprimer au micro puisque la période de questions allouée au public a lieu à la toute fin des séances.

Suspension de la séance

Après plusieurs avertissements de la part du maire pour demander à la foule de se calmer, le conseil a considéré que le décorum n'était plus observé et a pris la décision de suspendre la séance, qui a repris après l'arrivée d'agents de la Sûreté du Québec.

Les policiers sont restés dans le couloir de l'hôtel de ville, mais leur présence a semblé calmer les esprits.

À la reprise de la séance, la période de questions a eu lieu et 15 citoyens ont pris la parole.

Certains d'entre eux ont dénoncé ce qu'ils appellent une « ruinoviction », soit une éviction provoquée par le manque d'entretien d'un édifice par son propriétaire, ce qui mène à la démolition du bâtiment.

Marie-Ève Lajeunesse-Mousseau dans la salle du conseil municipal de Rimouski.

Marie-Ève Lajeunesse-Mousseau habite la maison brune et a offert un plaidoyer empreint d'émotion en faveur de sa préservation.

Photo : Radio-Canada / Marie-Christine Rioux

Vous avez fait l'erreur de penser qu'une maison, ça se calcule, puis ça se mesure, ce qui est déjà grossier, mais en plus, vous avez fait des erreurs de calcul. Puis, vous avez oublié d'inclure les coûts environnementaux, patrimoniaux et humains de la démolition de la maison brune, a soutenu une des colocataires de la maison brune, Marie-Ève Lajeunesse-Mousseau, qui a livré un vibrant témoignage. Elle a dit ne pas se sentir importante aux yeux du conseil municipal.

Marie-Ève Lajeunesse-Mousseau a aussi mentionné qu'elle aurait voulu être mieux informée des étapes menant à la démolition.

Sa colocataire Audrey et elle-même ont dénoncé le fait qu'elles se retrouveront bientôt sans logis alors que les grands logements se font rares à Rimouski. Elles ont expliqué être cinq personnes à vivre dans cette maison.

« La Ville donne le droit aux propriétaires de démolir un autre grand logement de cinq chambres à coucher avec deux salles de bains pour le remplacer par des logements plus petits qu'il ne sera pas possible de partager à cinq ou six colocataires. »

— Une citation de  Audrey, locataire de la maison brune

Audrey a poursuivi en expliquant que la démolition de la maison brune menace une partie de la culture rimouskoise.

C'est d'autant plus dommage puisqu'il y a à Rimouski une véritable et magnifique sous-culture des "maisons de couleur", un réseau de maisons ou de grands logements qui sont partagés entre cinq et dix étudiants ou jeunes travailleurs qui partagent leurs ressources et s'entraident. Dans les dernières années, plusieurs de ces maisons ont été retirées du marché pour être revendues à gros prix, a-t-elle poursuivi.

Les élus se défendent

Le maire Guy Caron a répondu qu'il compatissait avec les locataires.

Il a toutefois tenu à rappeler que les Villes ne détiennent pas, pour le moment, de pouvoir qui leur permette d'obliger des propriétaires à rénover leurs bâtiments. Elles pourraient éventuellement obtenir ce type de pouvoir de la part de Québec, selon Guy Caron.

Jocelyn Pelletier lors d'une séance publique.

Le conseiller du district de Saint-Robert, Jocelyn Pelletier (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet

Jocelyn Pelletier, conseiller du district de Saint-Robert, où se situe la maison brune, a tenu à se défendre alors que des citoyens ont crié aux conseillers qu'ils étaient inhumains.

Il a affirmé être entré en contact et avoir eu de nombreux échanges avec au moins une des colocataires de la maison.

« Ce soir, je n'accepte pas le fait que vous accusiez le conseil municipal de ne pas vous avoir épaulés là-dedans. J'ai tous les échanges de correspondance. »

— Une citation de  Jocelyn Pelletier, conseiller du district de Saint-Robert

La première fois que vous m'avez écrit, c'est le 15 décembre 2021. Et je vous ai fait de nombreux retours. Je suis prêt à accepter des erreurs qu'on fait au conseil municipal, mais accepter des accusations qu'on est inhumains, puis qu'on n'a rien fait pour vous, écoutez, je suis vraiment déçu d'apprendre ça, a ajouté le conseiller.

Bientôt un comité de démolition à Rimouski

Le conseil a fait part de son intention d'adopter, lors d'une prochaine séance, un règlement qui porterait sur la création d'un comité de démolition.

Ce règlement doit notamment décrire les critères d'évaluation d'une demande de démolition et la procédure à suivre pour obtenir une autorisation.

Il doit aussi prévoir les règles d'acheminement d'une demande et la possibilité de demander la révision d'une décision du comité auprès du conseil municipal.

Le règlement prévoit que le comité soit formé de l'ensemble des élus du conseil municipal.

Le maire Guy Caron a mentionné que la création d'un tel comité était une demande de Québec.

Guy Caron au micro pendant une séance du conseil de Rimouski.

Le maire de Rimouski, Guy Caron, en séance publique (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet

Des citoyens présents lundi soir se demandaient pourquoi le conseil n'adoptait pas ce projet de règlement plus rapidement afin qu'il puisse s'appliquer au cas de la démolition de la maison brune. Ces citoyens arguaient qu'il serait alors possible de demander une révision de la décision.

Une résidente de Saint-Robert nommée Nora a interrogé les membres du conseil à ce sujet.

La démolition de cette maison ne peut pas attendre? La décision ne peut pas attendre en avril 2023 pour qu'on puisse appliquer ce règlement, alors que beaucoup de gens s'y sont opposés? Est-ce que la Ville se dépêche de prendre la décision de démolir cette maison avant l'adoption de ce règlement? a-t-elle demandé.

Guy Caron lui a répondu qu'il était désolé [qu'elle fasse] un procès d'intention là-dessus, [que] ce n'est pas la situation. La situation, c'est que l'an dernier, en 2022, nous avons reçu une demande de permis de démolition [...], et pour une demande de ce type, nous devons avoir une réponse dans un délai raisonnable. On ne peut pas attendre pour deux ou trois mois parce qu'il y a des citoyens qui le désirent.

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