L’élan freiné du hockey féminin au Nouveau-Brunswick

L'équipe des Rockets à l'entraînement.
Photo : Radio-Canada
Le hockey féminin est dans un entre-deux au Nouveau-Brunswick. D’un côté, il n’a jamais été aussi populaire : de nouveaux programmes voient le jour et des joueuses d’ici s’exportent dans les grands circuits canadiens et américains. D’un autre côté, certains déplorent le temps de glace inéquitable, le manque d’équipe élite et le devoir de garder les meilleures joueuses le plus longtemps possible dans la province.
Et puis, les bonnes joueuses comme Julie Cormier doivent voyager. Beaucoup.

Julie Cormier passe de nombreuses heures sur la route pour aller à ses entraînements et ses parties de hockey.
Photo : Radio-Canada
La défenseure des Rockets du Sud-Est doit voyager en Nouvelle-Écosse, à l'Île-Du-Prince-Édouard et même au Québec pour des tournois.
Les séances d'entraînement de l'équipe du circuit élite des moins de 18 ans se déroulent à Moncton et à Bouctouche.
C’est beaucoup de drive, c’est cher pas mal aussi. C’est dur avec l’école, parce que les mardis soirs on arrive juste à comme 23 h et on a quand même besoin de faire nos leçons
, explique l'élève de 12e année à l’école Clément-Cormier de Bouctouche.
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La défenseure a longtemps joué avec des équipes masculines avant de se joindre aux Rockets. C’est une des grosses différences de changer de gars à filles. Les gars, on était pas mal tout le temps par ici pis c’était juste des 10 minutes de drive
, avoue-t-elle.
Julie Cormier croit que c'est un sacrifice .
Si que tu veux jouer à un plus haut niveau t’as pas vraiment grand choix.
De plus en plus populaire
Tout ça alors que le sport n’a jamais été aussi populaire au Nouveau-Brunswick.
En 2007-2008, il y avait 1486 joueuses inscrites dans un programme de hockey mineur, de niveau élite ou scolaire dans la province. Quinze ans plus tard en 2022-2023, ce nombre à presque doublé pour atteindre 2908.
Jennifer Tower connaît bien le milieu. La commissaire au hockey féminin de Hockey NB a trois filles qui jouent au hockey à différents niveaux.

Jennifer Tower est commissaire au hockey féminin pour Hockey NB. Elle déplore la difficulté du partage du temps de glace.
Photo : Radio-Canada
On a eu dans les dernières années une hausse considérable et on augmente nos programmes. Les filles deviennent de plus en plus à l’aise dans le sport, à l’aise dans les équipes féminines et on voit une grande différence
, affirme-t-elle.
La hausse de popularité du sport est ce qui pousse le programme de East Coast Ice, qui offre des camps et des tournois aux joueurs et aux équipes des Maritimes, à offrir pour la première fois du hockey de printemps féminin en 2023.

East Coast Ice va offrir pour la première fois cette année du hockey de printemps féminin en 2023.
Photo : Radio-Canada
Ça fait des années [...] qu’on a des filles qui jouent dans nos programmes de gars. Là pour la première fois on est capable de leur offrir une ligue juste féminine pour elles
, explique Mathieu Martin, directeur des opérations hockey et du développement des joueurs chez East Coast Ice.
Temps de glace inéquitable
Malgré la demande qui ne fait qu’augmenter, l’attribution du temps de glace reste problématique dans certaines régions où il n’est pas distribué de manière égale.
Les filles paient plus pour la glace, elles n'ont pas de glace, on ne peut pas en trouver, ou quand elles en ont, c’est après que les équipes masculines et les équipes [mixtes] ont pris le leur
, indique Jennifer Tower.

Les équipes de hockey féminin doivent faire plusieurs déplacements pendant la saison.
Photo : Radio-Canada
Les équipes élites ont de la difficulté à trouver du temps de glace puisqu’elles ne sont pas rattachées à une association de hockey mineur. Mais leur mise en place est essentielle pour le bon développement des joueuses, selon Mathieu Martin, qui voit la différence dans les autres provinces des Maritimes qui ont ces programmes féminins depuis quelques années.
Un gars qui est vraiment bon avec les gars d’un jeune âge, et il domine, il a de la confiance. C’est la même chose pour une fille. Si elle joue avec des filles, une fille dominante à ce niveau-là, à long terme, quand elle arrive au niveau universitaire, professionnel, ça va beaucoup l’aider parce qu’elle est habituée et qu’elle est en confiance dans cet environnement-là
, décrit l’ancien joueur des Aigles bleus de l’Université de Moncton.
Rareté des équipes élites
Mais ces équipes élites restent rares dans la province. Au niveau M18, il y en a trois, toutes dans le sud du Nouveau-Brunswick, soit à Moncton, à Fredericton et dans la région de Saint-Jean.
Au niveau M13, la première équipe féminine d'élite a été mise sur pied cette année avec le Fury du Sud-Est, qui a intégré la ligue de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le SEFHA Fury s'apprête à participer au Tournoi international de hockey pee-wee de Québec.
Photo : Radio-Canada / Félix Arseneault
[Il faut se] se concentrer sur les plus jeunes, les U7, les U9, les petites, les programmes récréatifs, parce que c’est de là que vient notre talent, et c'est de là que vient l'amour pour le sport
, croit Jennifer Tower.
Selon certains, ce sont des bonnes premières étapes, mais le Nouveau-Brunswick traîne toujours de la patte.
Je suis impliqué depuis une quinzaine d'années, ça n’a pas vraiment progressé
, affirme Donat Poirier, recruteur dans la région des Maritimes. Il croit qu’il manque d’infrastructures dans la province pour assurer le développement du talent local, comme un manque d'équipe élite.
Les parents [des joueuses] se disent : si on n'a pas de chance de jouer parce qu'il y a seulement deux équipes ou trois équipes, on va aller ailleurs on va pas prendre de chance d'attendre à l'automne et se trouver le bec à l'eau à jouer du hockey récréatif plutôt que compétitif
, décrit-il.

Donat Poirier, recruteur dans la région des Maritimes, estime qu'il manque de structures pour faire rester les meilleures joueuses dans la province.
Photo : Radio-Canada
J’ai un appel récemment d’une joueuse qui évolue au peewee AAA garçon. Il n’y a pas d’opportunité pour elle du côté féminin, cette année elle va être bantam. On fait quoi? On déménage ou on reste dans notre région et on joue du hockey récréatif avec les garçons? Ce sont des choix difficiles pour les joueuses et pour les parents
, ajoute le recruteur pour le Cégep André-Laurendeau au Québec.
Il estime qu’il devrait y avoir une équipe pour chacune des quatre régions déterminées par Hockey NB.
Si je pouvais inciter les joueuses à rester ici pour se développer, je le ferais, si la structure était présente.
Retenir les meilleures
Cela force certaines joueuses du nord de la province à déménager. Une situation à laquelle tente de remédier Hockey NB dans les prochaines années.
L’inauguration de ces nouvelles équipes élites pourrait faire en sorte que plus de joueuses restent dans la région.
Les gars ne s’en vont pas à l’extérieur souvent pour jouer dans d’autres programmes parce qu’ils ont les Flyers ici, les Hawks. Je pense que plus qu’on grossit le programme du Rocket, du Fury, plus qu’on grossit le programme midget du Rocket, meilleur que le programme va devenir, meilleure que la ligue va venir aussi, parce que les autres équipes vont suivre
, souhaite Mathieu Martin.

Julie Cormier espère que plus de filles vont se mettre au hockey.
Photo : Radio-Canada
Pendant ce temps, Julie Cormier ne sait pas encore ce qui l’attend après sa dernière année avec le Rocket, mais elle a un souhait pour les jeunes joueuses.
J’aimerais juste de voir le monde continuer à jouer, surtout les filles, le monde commence à savoir qui pouvons faire autant que le gars, so c’est nice de voir ça.