Nationalisme, chemin Roxham et âge de la retraite : la semaine politique en trois temps
Le premier ministre du Québec François Legault n'a pas obtenu ce qu'il voulait de son homologue canadien Justin Trudeau.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
L'enjeu des transferts en santé a peut-être enfin connu son dénouement, alors que la question du chemin Roxham demeure à l'avant-scène politique.
Dure semaine pour le nationalisme de la CAQ
François Legault a semblé abattu par la dernière proposition du gouvernement fédéral en matière de santé, qui n’investira finalement que 46 milliards $ additionnels au cours des 10 prochaines années, et ce, à l'échelle de tout le Canada. Il est vrai qu’à côté des 280 milliards $ réclamés par les provinces pour la même période, indexation en sus, l’offre fédérale ne fait pas le poids.
Dès le printemps dernier, et tout au long de la campagne électorale, le chef de la CAQ
avait demandé aux Québécois un mandat fort pour lui donner un rapport de force face au gouvernement fédéral. De deux choses l’une : soit 90 députés ne suffisent pas, soit la stratégie n’était pas la bonne.En point de presse mercredi, François Legault a laissé entendre que tout n’était pas perdu, mais on se demande encore ce qui pourrait infléchir la volonté du gouvernement Trudeau. Le gouvernement québécois ne s'est d'ailleurs pas aidé en déclarant dans les heures ayant suivi le dévoilement des chiffres qu'il avait suffisamment d'argent, quoi qu'il arrive, pour financer entièrement le plan de réforme du ministre Christian Dubé.
François Legault dit maintenant compter sur la prochaine campagne électorale fédérale pour mettre de la pression sur les partis fédéraux, mais la conjoncture pourrait difficilement lui être plus favorable qu’actuellement. S’il ne parvient pas à obtenir ce qu’il souhaite d’un gouvernement minoritaire, dépendant pour sa survie d’un Nouveau Parti démocratique lui-même favorable à de meilleurs transferts, on voit mal ce qu’il pourrait obtenir d’un gouvernement fraîchement élu ou réélu et, qui sait, majoritaire.
Surtout que M. Legault a lui-même admis lors du même point de presse que la santé ne sera pas nécessairement le seul enjeu sur la base duquel les électeurs feront leur choix. Sans parler du peu de succès qu’il avait eu à influencer les Québécois lorsqu’il les avait incités, au dernier scrutin, à ne pas voter pour les libéraux de Justin Trudeau.
Si seulement la santé était le seul dossier où il y a impasse. Le souci pour le premier ministre québécois, c’est qu’en dépit de la rhétorique, il n’a pas plus de résultats à faire valoir au chapitre de l’immigration, ou encore, de la protection du français.
Malgré la multiplication des interventions de la ministre Christine Fréchette, rien ne garantit que le Québec obtiendra quelque pouvoir additionnel que ce soit du gouvernement fédéral ni que celui-ci agira bientôt pour freiner l’afflux de migrants au chemin Roxham. Quant au projet de loi C-13, censé renforcer la protection du français partout au Canada, l'opposition demeure vive au sein même du caucus libéral fédéral, comme l'ont démontré les interventions de certains députés de la Chambre des communes ces derniers jours.
Questionné en chambre par Québec solidaire autant que par le Parti québécois, François Legault a contre-attaqué en mettant en doute la crédibilité du projet indépendantiste. C’est sans doute de bonne guerre, mais cela ne saurait faire oublier que c’est François Legault lui-même qui avait promis aux Québécois que son approche nationaliste permettrait au Québec de faire des gains à l’intérieur du Canada. Parions que les partis d'opposition reviendront à la charge.
La surprise de la semaine
Le ministre des Finances, Eric Girard, a semblé étonné de voir que la proposition de Retraite Québec visant à hausser de 60 à 62 ans l’âge minimal d’admissibilité à la prestation du Régime de rentes du Québec (RRQ) reçoive un accueil aussi glacial en commission parlementaire.
Même le Conseil du patronat doute qu’il s’agisse d’une bonne idée! L’organisation souhaite que les Québécois restent plus longtemps sur le marché de l’emploi, mais croit que le gouvernement devrait offrir des incitatifs fiscaux aux travailleurs plutôt que de changer les paramètres du RRQSi j'ai bien compris, vous êtes pour et contre la proposition. [...] Vous la soutenez, mais vous êtes contre. Ça fait que je suis surpris.
Le commentaire a semblé amuser le député de Québec solidaire Haroun Bouazzi. Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié l'échange que vous avez eu avec le ministre [...] qui souligne, effectivement, que les crédits, les incitatifs fiscaux sont spécialement agréables pour vous, étant donné que ce n'est pas vous qui les payez
, a-t-il dit, irrévérencieux, à M. Blackburn.
L’explication alambiquée
Depuis la reprise des travaux parlementaires, le Parti québécois cherche à attirer l’attention sur l’afflux de migrants qui ne tarit pas au chemin Roxham. S’il est vrai que l’inaction du gouvernement fédéral suscite la réprobation de l’ensemble de la classe politique québécoise, les pistes de solution mises de l’avant par le PQ n’en restent pas moins difficiles à saisir, sans parler de leur réalisme incertain.
Après avoir évoqué l’idée d’envoyer la Sûreté du Québec (SQ) fermer le chemin, le chef Paul St-Pierre Plamondon a eu du mal à clarifier ses intentions mardi : Je n'ai pas dit que la SQ intercepterait les gens, j'ai dit qu'elle a compétence pour fermer le chemin, le bloquer. Donc, à ce moment-là, le chemin Roxham devient une enclave gérée par le fédéral et les donateurs du PLC , mais il devient inutilisable parce qu'on a compétence en matière de chemins.
Admettant qu’il serait difficile d’empêcher les migrants de traverser la frontière, Pascal Bérubé a plutôt évoqué, jeudi, l’idée de mieux les informer. Si l'audace du PQ
a payé sur la question du serment au roi l’automne dernier, se démarquer sur la question du chemin Roxham s'annonce beaucoup plus délicat.