L’idée d’un parc linéaire à l’est du Vieux-Port refait surface

Dans l'est de Montréal, une zone industrielle longeant le fleuve pourrait être transformée en parc.
Photo : Radio-Canada / Philippe-Antoine Saulnier
Les résidents du quartier Sainte-Marie, juste à l'est du pont Jacques-Cartier, à Montréal, rêvent depuis longtemps d'avoir accès au fleuve Saint-Laurent. Seul un petit parc isolé, le long de la rue Notre-Dame, permet de se rapprocher du cours d'eau. Mais les trains stationnés sur les voies ferrées en bloquent la vue et rendent l'endroit peu accueillant.
Regarde comme il est beau, le fleuve! Regarde la couleur, c'est extraordinaire!
, s'exclame Victor Balsis, du groupe de citoyens Les AmiEs du courant Sainte-Marie. Pourquoi on ne peut pas profiter de cela, ici?
Le groupe souhaite remettre sur les rails un projet de parc linéaire, évoqué à quelques reprises depuis une vingtaine d'années, qui s'étendrait le long du fleuve, du Vieux-Port jusqu'à la rue Frontenac environ.
Pour le réaliser, il faudrait toutefois procéder à un important déplacement des voies ferrées qui se trouvent dans le secteur, une avenue que l'administration portuaire et les entreprises de transport ferroviaire ont déjà examinée dans le passé, selon un ancien haut dirigeant du Canadien Pacifique (CP).
Je remets mon chapeau de cheminot
, dit Jacques Côté, qui a été président du Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson, une filiale du CP. Je pense que ça demeure toujours un élément très intéressant.
Inverser la courbe de la voie ferrée
Les trains du CP qui arrivent du centre de l'île de Montréal, par la voie ferrée qui serpente entre les arrondissements de Ville-Marie et de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, empruntent une grande courbe vers l'ouest à la hauteur de la rue Notre-Dame. Ils doivent donc reculer jusque dans le Vieux-Port avant de repartir vers l'est pour atteindre les terminaux de conteneurs situés en aval du boulevard Pie-IX.
Cette courbe pourrait être réorientée vers l'est, de façon à permettre aux trains d'aller directement vers les terminaux. En plus de rendre le transport des marchandises plus efficace, cette solution permettrait de retirer plusieurs des neuf voies ferrées situées entre la rue Notre-Dame et le fleuve. Certaines voies devraient demeurer en place pour garantir l'accès au réseau du CN, mais l'espace libéré pourrait être transformé en parc linéaire.

Vue sur le fleuve, obstruée par des conteneurs.
Photo : Radio-Canada / Philippe-Antoine Saulnier
Les gens pourraient marcher du Vieux-Port [en passant] par le projet Molson, et continuer jusqu'à la rue Bercy
, explique Victor Balsis. Ça ouvrirait le fleuve pour les gens d'Hochelaga qui est juste à côté.
L'idée d'inverser cette courbe a été examinée au tournant des années 2000, pour des raisons opérationnelles, explique Jacques Côté. Le but n'avait alors rien à voir avec la possibilité de redonner aux résidents du Centre-Sud l'accès au fleuve Saint-Laurent. Mais le projet a été rejeté en raison des coûts qu'il aurait représentés, selon l'ancien dirigeant.
Ce qui se passe aujourd'hui, estime Jacques Côté, c'est qu'il y a eu un changement majeur lorsque le port de Montréal a annoncé son intention d'ouvrir un nouveau secteur du port à Contrecœur, spécifiquement pour accueillir le transport des conteneurs internationaux.
Ce nouveau terminal sur la rive sud du fleuve permettrait au port de libérer des espaces sur l'île de Montréal, selon M. Côté. De plus, l'aménagement d'un parc linéaire pourrait servir de monnaie d'échange pour faciliter la réalisation du projet de Contrecœur. On compense, jusqu'à un certain point, les impacts environnementaux par un accès pour les résidents de l'est au Vieux-Port
, explique-t-il.
D’autres villes l’ont fait
D'autres villes nord-américaines ont réussi à redonner accès aux berges à leurs résidents. Des précédents en la matière ont été répertoriés par des étudiants à la maîtrise en urbanisme de l'Université McGill, qui se sont penchés sur le projet des AmiEs du courant Sainte-Marie.

Des conteneurs au bord du fleuve
Photo : Radio-Canada / Philippe-Antoine Saulnier
Il y a des exemples comme CRAB Park, à Vancouver
, explique Stephen Hickson. Il y a beaucoup de précédents dans les autres villes, où on a créé des espaces de qualité pour les gens.
Les étudiants de McGill se sont aussi intéressés au potentiel de développement immobilier de la gare de triage Hochelaga, qui se trouve entre les rues Sainte-Catherine et Ontario. Les trains la traversent, mais les lieux ne sont plus utilisés comme gare de triage. Avec les quelque 20 000 nouveaux résidents qui devraient s'établir dans les projets immobiliers du Centre-Sud d'ici 2035, la gare de triage pourrait être mise à contribution, estime Aaron Bensmihen. Il y a un besoin pour des espaces communautaires, soit des parcs ou même des écoles ou des épiceries.
La Ville de Montréal dit être à l'écoute
Le cabinet de la mairesse Valérie Plante affirme être toujours ouvert à entendre les suggestions des AmiEs du courant Sainte-Marie, des partenaires de longue date
, précise un porte-parole dans un courriel. L'administration Plante rappelle que l'accès visuel au fleuve a fait partie de ses engagements électoraux, et dit souhaiter que le dossier avance.
Le Canadien Pacifique, de son côté, indique que l'entreprise peut participer à des études sur le déplacement de certaines lignes ferroviaires lorsque des collectivités en expriment le souhait. Mais le CP souligne que la question est complexe et qu'elle concernerait tous les ordres de gouvernement.
Dans les prochaines semaines, le groupe de citoyens souhaite soumettre à la Ville différentes idées de réaménagement du parc du Pied-du-Courant, conçues par les étudiants de McGill. Ces propositions visent à rehausser le terrain du parc afin de dégager la vue sur le fleuve, au-dessus des trains.
Les AmiEs du courant Sainte-Marie veulent aussi convaincre le gouvernement fédéral d'intervenir dans le dossier de la courbe du CP et de financer des études de faisabilité sur le déplacement des voies ferrées.