Le dernier char Leopard 2 promis par le Canada est en direction de l’Ukraine
Ces chars d’assaut ont entrepris un long trajet entre la base militaire de Gagetown, au Nouveau-Brunswick, et la ligne de front en Ukraine.

Le dernier des quatre chars d'assaut Leopard 2 promis à l'Ukraine a été chargé à bord d'un avion C-17 des Forces canadiennes, jeudi matin.
Photo : Radio-Canada / Jean Brousseau
Le quatrième et dernier char d’assaut promis par le Canada à l’Ukraine s’est envolé pour l’Europe jeudi matin. Une centaine de militaires canadiens ont dû coordonner une opération de transport complexe en moins de deux semaines.
À l’aube, mercredi matin, la base de Gagetown au Nouveau-Brunswick se réveille sous le rugissement d’un char Leopard 2. Des militaires se sont activés autour d’une grande remorque longue de 33 mètres. La chorégraphie est orchestrée au quart de tour : c’est la quatrième fois en quelques jours.
Le monstre métallique de 62 tonnes grimpe sur la remorque avec aisance, propulsé par son bruyant moteur. Ce char d'assaut n'en est qu’au début de son trajet. Les militaires se préparent à dire adieu à un véhicule auquel ils s’étaient attachés au fil des ans.

Le char d'assaut Leopard 2 est chargé sur une remorque à destination d'Halifax.
Photo : Radio-Canada / Louis Blouin
Un peu de nostalgie, mais surtout une très grande fierté
habite le colonel Marc Parent, commandant du Groupe de soutien de la 5e Division du Canada.
L’énergie est très haute depuis l’annonce du 26 janvier. C’est inimaginable de savoir que nous participons à envoyer du matériel de guerre qui va apporter du succès à nos alliés en Ukraine
, explique le colonel Parent.
Depuis l’annonce de la ministre Anita Anand, les militaires canadiens sont forts occupés. Il a fallu choisir les chars à envoyer au sein de la flotte, les préparer pour le combat et coordonner l’opération de transport. Ça fait des années qu’on n'a pas fait ça de manière aussi rapide
, souligne le colonel Parent.

Le colonel Marc Parent, commandant du Groupe de soutien de la cinquième Division du Canada.
Photo : Radio-Canada / Jean Brousseau
Les Forces canadiennes comptent 82 chars de combat Leopard 2. Toutefois, les responsables militaires ne veulent pas dire combien sont fonctionnels et prêts au combat. Chose certaine, l’inventaire est limité. Les quatre chars envoyés en Ukraine servaient à faire de la formation sur la base militaire de Gagetown. C’est pourquoi les militaires ont pu les mobiliser aussi rapidement.
La ministre de la Défense n’exclut pas d’envoyer plus de chars, mais veut d’abord s’assurer que les besoins du Canada sont respectés.
Une course contre la montre
Une fois le char solidement attaché à la remorque à l’aide de grosses chaînes, la première portion du parcours peut commencer. Il faut transporter le char d'assaut jusqu’à l’aéroport d’Halifax où un avion militaire prend le relais.

La parcours entre la base militaire de Gagetown au Nouveau-Brunswick et l'aéroport d'Halifax est de 370 km.
Photo : Radio-Canada / Jean Brousseau
Le long de l’autoroute 2, la pièce d’équipement attire les regards. Des coups de klaxons se font entendre. Des conducteurs ont peut-être deviné où s’en va le Leopard 2.
Le parcours de 370 km se fait à basse vitesse, vu la taille du chargement.
Une fois la destination atteinte, une autre équipe prend le relais. Le char est nettoyé avant d’être embarqué dans l’avion le plus imposant de la flotte canadienne. L’alignement doit être parfait pour éviter tout déséquilibre de l’appareil. Une différence de quelques centimètres peut devenir un danger extrême
, explique le colonel Marc Parent.
L’opération doit être répétée pour chacun des chars, qui sont transportés un à la fois en raison de leur poids.
Jeudi, par un matin très froid et venteux à Halifax, l’équipe dit au revoir au quatrième char canadien à s’envoler vers l’Europe.

Un char d'assaut Leopard 2 arrive à l'aéroport d'Halifax pour le chargement à bord de l'avion C-17 des Forces canadiennes.
Photo : Radio-Canada / Jean Brousseau
Les Forces canadiennes refusent de dire où se posera le C-17 pour des raisons de sécurité. On sait par contre que les chars Leopard 2 traverseront la frontière ukrainienne depuis la Pologne.
L’opération est une course contre la montre, alors que les soldats ukrainiens redoutent une vaste offensive russe au cours des prochaines semaines.

Le reportage de Louis Blouin
Les centaines de chars occidentaux changeront la donne sur le terrain, croit Pierre Saint-Cyr, colonel à la retraite des Forces canadiennes. Les Ukrainiens ont un urgent besoin de moyens techniques qui vont leur donner l'avantage sur le terrain
, souligne-t-il. Le char d'assaut est un véhicule qui sert à la protection des troupes tout en lançant une offensive
, renchérit l’ancien militaire.
Les Leopard 2 offriront une puissance de feu directe incroyable
et une mobilité sur le champ de bataille
, déclare le colonel Marc Parent.
La contribution du Canada peut sembler modeste, mais chaque pièce d’équipement fera avancer les choses, insiste Pierre Saint-Cyr.

Char d'assaut Léopard.
Photo : Radio-Canada / Louis Blouin
Le champ de bataille
La livraison n’est qu’une première étape. Le Canada devra envoyer des pièces de rechange et des munitions. Des militaires canadiens formeront aussi des soldats ukrainiens dans un pays tiers pour opérer les chars.
L’entretien de ces pièces d’équipement complexes sera crucial pour éviter les mauvaises surprises sur la ligne de front. Les militaires devront vérifier fréquemment le bon état des composantes assurant la mobilité et la capacité de tir. Il faut s’assurer que le canon soit bien lubrifié, calibré et nettoyé, tout comme les systèmes de ciblage pour assurer un tir efficace
, détaille Pierre Saint-Cyr.
Le vétéran canadien Terry McAuley, qui a été à la tête d’équipage à bord de différentes générations de chars, se rappelle que ces machines sont capricieuses. Nous avions l’habitude de dire que pour deux heures d’utilisation, il fallait huit heures d’entretien
, souligne le sergent à la retraite.

Terry McAuley, sergent à la retraite, devant un char de type Centurion à la base militaire de Gagetown.
Photo : Radio-Canada / Louis Blouin
À ses yeux, c’est l’esprit d’équipe qui comptera le plus à bord du véhicule. Pour survivre, [les soldats ukrainiens] devront travailler ensemble
, explique-t-il. Ayant servi à la base de Gagetown pendant plusieurs années, Terry McAuley est envahi par un grand sentiment de nostalgie devant le déploiement de chars vers l’Ukraine.
Il se rappelle avoir lui-même participé à l’envoi de chars vers la Bosnie dans les années 1990 pour le maintien de la paix. Ça me manque
, confie-t-il. Je ne connais pas un militaire qui n’éprouverait pas un sentiment de fierté
, affirme Terry McAuley.