Québec, un tigre de papier?
Justin Trudeau a présenté une offre en santé qui est « pas mal finale », a expliqué le premier ministre du Québec, François Legault.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Il fallait voir le premier ministre François Legault au Conseil de la fédération l’été dernier, bomber le torse aux côtés de son homologue Doug Ford. « Quand l’Ontario et le Québec se tiennent ensemble, on va aller loin ». Voilà un rappel que, visiblement, toute distance est relative lorsqu’il est question de transferts en santé.
Il aura beau dire que la partie n’est pas terminée, si le chef caquiste est loin d’une chose, c’est de son objectif initial. Il demandait 6 milliards de dollars par année d’argent frais, il pourrait s’en tirer avec un peu plus du sixième de cette somme.
Pas tout à fait ce qu’on appelle une bonne négociation pour Québec. À Première heure, le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos avait un message clair : voilà ce qu’il y a sur la table, tâchons maintenant de nous assurer que l’argent puisse donner un peu d’air au réseau de la santé.
Il a même ajouté qu’Ottawa n’acceptera pas que le financement supplémentaire vienne remplacer l’argent que les provinces et territoires ont promis d’investir dans les prochaines années
. Bref, si le gouvernement fédéral n’impose pas de condition, il a tout de même les provinces à l'œil.
Ottawa dit non, Québec change de ton
C’est mieux que rien
, dit François Legault, qui fait contre mauvaise fortune bon cœur. Il espère, même s’il ne semble pas trop y croire, que Justin Trudeau va changer d’idée : On va continuer de dire que ça a pas de bon sens
.
Dire que le ton s’est adouci est un euphémisme. Il y a un an à peine, Québec demandait, voire exigeait, une augmentation récurrente et sans condition des transferts en santé. Lors de sa mise à jour économique en 2020, les milliards demandés à Ottawa faisaient même partie de la stratégie du ministre des Finances pour renouer avec l’équilibre budgétaire.
Il y a donc de quoi teinter les perceptions. Surtout que cette rebuffade survient après une série d’autres, dans des dossiers que François Legault lui-même avait transformés en enjeux prioritaires. Les poings sur la table n’ont servi à rien lorsqu'il était question que le fédéral s’engage à ne pas s’opposer à la loi 21, à soumettre les entreprises à charte fédérale à la loi 101, ou à fermer le chemin Roxham.
En matière d’immigration, le premier ministre du Québec avait fait du rapatriement des pouvoirs d’Ottawa une question de survie de la nation
. Faute d’obtenir quoi que ce soit, il s’est rabattu sur des demandes plus raisonnables
, comme un meilleur financement ou une plus grande part d’immigrants francophones.
Dans ce contexte, les oppositions ont le beau jeu de semer le doute : François Legault parle fort pour défendre les intérêts de la nation
, mais au-delà des mots? Quel bénéfice pour les Québécois?
Le premier ministre a pris l’habitude, lorsqu’il ne parvient pas à faire des gains à Ottawa, de rappeler ses faits glorieux, soit ses ententes sur le financement des services de garde, du logement social ou de la formation de la main-d'œuvre.
Il n’empêche que ces victoires commencent à dater, pour des enjeux qui n’avaient rien d’existentiel
pour le gouvernement. En politique comme ailleurs, l’arbre sera jugé à ses fruits, surtout dans un deuxième mandat.