Transferts en santé : voici ce que Higgs compte faire avec 1,28 milliard $ de plus
Blaine Higgs, premier ministre du Nouveau-Brunswick, arrive à la réunion entre les dirigeants provinciaux et le premier ministre Justin Trudeau, mardi à Ottawa.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Le système de santé du Nouveau-Brunswick bénéficiera de 1,28 milliard de dollars en nouveau financement fédéral sur 10 ans si les provinces acceptent la proposition que leur fait Ottawa.
Mardi, le gouvernement de Justin Trudeau a présenté ses offres aux provinces et territoires dans le cadre des négociations pour augmenter les transferts fédéraux en santé : 196,1 milliards sur 10 ans, dont 46,2 milliards de nouveau financement.
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Le N.-B. recevra plus d'argent par habitant que d'autres provinces
Les offres fédérales restent à être entérinées par les provinces. Le premier ministre néo-brunswickois Blaine Higgs indique que son gouvernement en discutera d’ici lundi et prendra une décision.
Dans une entrevue à Radio-Canada mercredi, il a reconnu que les provinces n’ont pas obtenu du fédéral autant qu’elles demandaient, et il semblait avoir accepté l’idée que cela ne changerait pas. Le premier ministre [Trudeau] a été très clair que c’est le montant final, a mentionné M. Higgs. On a ce qu’on a.
Le message que cela nous envoie, c’est que nous devrons trouver une meilleure façon de gérer les soins de santé. Nous allons recevoir moins que ce que nous voulions; ça nous force un peu la main pour que nous gérions mieux et différemment le système de santé, et pour que nous obtenions de meilleurs résultats
, a-t-il dit.
En contrepartie, Blaine Higgs est satisfait que le fédéral ne se limite pas à distribuer l’argent en fonction du nombre d’habitants, mais qu’il inclue à présent dans ses calculs les circonstances uniques de certaines régions du pays.
« Ce qui est reconnu dans l'accord bilatéral, c'est qu'il y a des nuances typiques au Nouveau-Brunswick, qui n'existent pas dans d'autres régions du pays : le vieillissement de la population et l'éparpillement de notre population à travers la province. »
Avant le gouvernement Higgs, l’ancien premier ministre libéral du Nouveau-Brunswick, Brian Gallant, avait lui aussi plaidé auprès du fédéral pour une révision de la formule qui ne se basait que sur le nombre d’habitants, et pour une reconnaissance des facteurs particuliers à la province.
Oui, c'est reconnu. Précédemment, ça ne l'était pas, a dit Blaine Higgs mercredi. On recevra plus par habitant [que d'autres provinces], et c'est probablement la première fois.
Où ira l’argent?
Mercredi, Blaine Higgs a dit vouloir remédier en priorité aux problèmes des listes d’attente et faire en sorte que les délais pour les opérations du genou et de la hanche deviennent meilleurs que la moyenne canadienne.
Il y aura fort à faire : la norme de référence nationale demande que l’attente pour des opérations de ce type ne dépasse pas 182 jours; au Nouveau-Brunswick, les patients attendent parfois plus de deux ans.
Il y aurait environ 700 personnes sur une liste d’attente, selon Blaine Higgs. Celui-ci parle d’augmenter le nombre d'opérations les fins de semaine. Les chirurgiens s’y préparent
, a-t-il affirmé.
M. Higgs aimerait que l’on augmente la cadence des opérations de la cataracte. Il a brièvement mentionné les soins de santé mentale et le traitement des dépendances comme de nouvelles
priorités. Il a aussi insisté sur l’amélioration des dossiers de santé électronique pour rendre le système plus efficace.
Le premier ministre n'a pas évoqué mercredi la question du manque de personnel en santé ni celle de la rémunération des travailleurs. Ça ne peut pas être entièrement dirigé vers les salaires
, s'est-il borné à dire.
Des priorités, mais pas n’importe lesquelles
Le fédéral ne distribuera pas de sommes supplémentaires sans poser de questions. Dans ses accords bilatéraux avec les provinces et territoires, Ottawa leur demande un plan d’action pour faire avancer des priorités communes
identifiées par la province en question et par le fédéral.
L'idée en arrière de ceci est que les provinces vont nous partager leurs priorités pour comment améliorer le système de santé
, a expliqué mercredi le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, et si on s'entend sur une entente bilatérale avec les provinces, on va augmenter le financement d'une façon assez importante
.
Avec ça, il y aura une transparence en termes de données, en termes de résultats. Les provinces ont assez vite accepté l'idée que si on leur donne un financement supplémentaire, il faut qu'on puisse rendre compte aux contribuables
, a affirmé le ministre fédéral néo-brunswickois à l'occasion d’une entrevue à l’émission La matinale.
Ils n’imposent pas de conditions. Ils les appellent des priorités communes
, a déclaré Blaine Higgs mercredi, à propos des argentiers du gouvernement fédéral.
Je crois qu’il y a un accord général sur ces priorités communes, que ce soit la santé mentale, les soins aux aînés, poursuit M. Higgs. Il y a un but commun avec lequel tout le monde ici est d’accord. Nous voulons cependant l’autonomie de dire que l’on comprend nos cibles, que l’on comprend que l’on devra faire mieux et que c’est notre responsabilité d’y parvenir.
« Ne nous dites pas comment agir, mais entendons-nous sur ce qui doit être fait. Je ne vois pas de problème, personnellement, à y travailler avec le ministre LeBlanc. »
Le premier ministre Higgs était assez constructif, dans le sens que, lui, a toujours dit qu'une transparence en termes d’où sont dépensés les dollars du gouvernement fédéral faisait pour lui beaucoup de bon sens, a déclaré Dominic LeBlanc à l'émission La matinale. Ça va forcer les provinces, les dirigeants des systèmes de soins de santé d'aller chercher de meilleurs résultats pour les patients et pour les gens qui travaillent dans le système.
La balle dans le camp de Higgs, dit l’opposition au N.-B.
À Fredericton, l’opposition croit que le premier ministre progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick doit maintenant utiliser les fonds fédéraux avec justesse.
Le fédéral surveille chaque province pour ne pas qu'elle réduise sa part
et relâche ses propres efforts en santé, a souligné Rob McKee, chef de l'opposition officielle et porte-parole des libéraux du Nouveau-Brunswick sur les questions de santé.
Ça pourrait même mener à d'autres transferts dans le futur. Si on voit que le gouvernement provincial fait [sa] job, en étudiant les données, peut-être on peut faire plus au niveau fédéral
, a suggéré M. McKee.
La création de centres multidisciplinaires, c'est quelque chose qu'on demande depuis longtemps, a indiqué le chef de l'opposition. On a parlé aux experts, on a parlé aux associations professionnelles; ils demandent tous qu'on aille vers des pratiques de médecine familiale collaborative.
Il souligne que cela contribuerait grandement à améliorer les conditions actuelles, où le manque de soins ne laisse qu’un choix, c’est-à-dire des urgences déjà engorgées. Les experts nous disent qu'il faut aller vers ce modèle de pratique.
Megan Mitton, députée de Memramcook-Tantramar et porte-parole en santé du Parti vert du Nouveau-Brunswick, espère que le principe de priorités communes
d’Ottawa convaincra la province de se donner un but clair.
C'est à M. Higgs de nous présenter un plan. On voit des fois des annonces, mais on ne voit pas vraiment un plan de comment ils vont nous faire sortir de la crise
, estime-t-elle.
Je ne veux pas voir que les fonds qui devraient être investis dans notre système de soins publics vont vers les entreprises privées et sortent de notre système public, prévient cependant la députée. M. Higgs, il veut "corporatiser" les soins de santé, et il prend déjà les étapes pour faire ça.
Megan Mitton a elle aussi identifié les centres de santé communautaires comme avenue pour augmenter l’accès aux soins et diminuer la dépendance envers les urgences.
Il y a des besoins énormes pour les soins de santé mentale et le traitement des toxicomanies, ajoute-t-elle. Il n'y a pas assez de ressources dans notre province, mais il y a une crise de santé publique avec ça. Ce n'est pas évident, mais il faut investir des ressources pour s'assurer qu'on ne perd pas plus de gens.
À l’instar du premier ministre Higgs, les deux élus d’opposition sont heureux que le fédéral tienne désormais compte des particularités du Nouveau-Brunswick.
Avec les renseignements de Nicolas Steinbach