Des défis toujours grands pour commercialiser les espèces du Saint-Laurent
Le salon Fourchette bleue s'est terminé mercredi avec des discussions sur la commercialisation des espèces du fleuve. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne
Chaîne d'approvisionnement, sensibilisation du consommateur ou encore communication entre les différents acteurs de l'industrie : les défis pour commercialiser certaines espèces du Saint-Laurent sont encore nombreux.
C'est le constat auquel sont arrivés des intervenants présents au salon Fourchette bleue qui a pris fin mercredi midi à Rivière-du-Loup.
Après une première journée remplie d’annonces, la deuxième était dédiée à la commercialisation des poissons et des fruits de mer du Québec. Un panel sur le sujet et des ateliers y étaient consacrés.
L'enjeu du transport de plusieurs espèces pêchées dans l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent vers les grands centres a été déterminé comme étant un obstacle majeur à la commercialisation de certaines espèces au Québec.
Comment faire pour distribuer des produits de la Gaspésie pêchés la veille dans les grands centres? C’est la question qu’a posée Isabelle Deslandes, directrice de projets pour le collectif la Table ronde, en indiquant que les chefs désirent avant tout travailler avec des produits frais.
Le manque d’expertise en logistique freine la distribution de produits marins frais au Québec, explique Hugues Viau, directeur principal de l’approvisionnement chez Norref, un distributeur de produits marins au Québec.
Le gestionnaire a pris l’exemple de l’oursin, qui se conserve très peu de temps après avoir été pêché. Davantage de collaboration entre tous les acteurs de la chaîne est nécessaire, selon lui, pour envoyer plus facilement et à moindre coût des camions vers le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie à partir des grands centres pour aller chercher de tels produits frais.
Le gouvernement du Québec pourrait intervenir, selon lui, en aidant les entreprises du secteur à bénéficier de conseils en logistique afin d’optimiser les chaînes d’approvisionnement.
Par ailleurs, les différents intervenants sont unanimes : la communication entre les différents acteurs – qu'ils soient restaurateurs, transformateurs ou pêcheurs – doit progresser pour améliorer la commercialisation des espèces du Saint-Laurent à travers la province de Québec.
Le défi d’offrir un produit local, même congelé
Pour Jean-Alexandre Dubé, chef au Riotel de Matane, la question n’est pas tant de pouvoir mettre la main sur des produits frais du Saint-Laurent, mais d'arriver à avoir des produits du Saint-Laurent tout court, qu’ils soient frais ou congelés.
Il explique que le manque de main-d’œuvre devient très contraignant pour ses équipes.
L’été, on sert 300 clients par soir avec une main-d’œuvre qui est non qualifiée. Il faut donc arriver avec un produit qui est prêt à mettre dans l’assiette. Si j’arrive avec un poisson rond, entier, et que je n’ai pas la main-d’œuvre pour le travailler, on n’y arrivera pas
, explique-t-il, en indiquant que la moitié des produits de la mer sur sa carte sont importés.
« Ça me prend absolument un produit travaillé, qu’il soit local ou pas. J’ai pas le choix d’y aller avec des produits importés, parce que ça me prend des produits qui sont transformés. »
Des produits de qualité très peu connus
Pour Pierre-Nicolas Tanguay-Lévesque, capitaine-propriétaire de Matane, de grands efforts d'éducation et de sensibilisation restent à faire auprès du consommateur québécois.
Le turbot ou flétan du Groenland représente la plus grande partie de sa pêche et les trois quarts de ses prises de turbot sont vendues sur le marché québécois.
Selon lui, le Québec doit prendre conscience de la grande qualité de ses produits marins.
Ce même turbot se ramasse sur les tablettes des épiceries en compétition directe avec des produits d’importation, par exemple le tilapia, le pangasius. On a un consommateur qui se présente devant le comptoir et qui n’est pas capable de faire la différence entre le turbot du Québec et les deux autres espèces importées
, explique-t-il.
« On a un réel problème : on a un produit de qualité supérieure ici, mais on a un consommateur qui ne peut pas faire la différence. »
Démystifier le concombre de mer
En Gaspésie, Patrick Denis, directeur général de la Poissonnerie Cloridorme, fait aussi des efforts pour démystifier le produit de son entreprise : le concombre de mer.
Jusqu’à maintenant, 99 % de sa production de concombre de mer salé et séché est expédiée vers la Chine.
L’entreprise a mis au point un genre de bouchées de concombre de mer, sous forme de pop-corn.
La majorité des gens ont déjà vu du concombre de mer sur la plage et l’image qu’ils ont du concombre de mer, c’est le concombre sur la plage. On essaye de faire goûter l’espèce avec notre nouveau produit, le "pop-combre", pour changer cette image du concombre de mer
, explique-t-il.
Patrick Denis dit faire des efforts pour vendre le plus possible au Québec et dans le reste du pays, mais la demande anémique le pousse à se tourner vers la Chine.