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Doit-on s’inquiéter du rebond des dossiers d’insolvabilité au Canada?

Une femme réfléchit devant une fenêtre.

Les dossiers d'insolvabilité ont bondi de 12 % au Canada l'an dernier, avec une hausse marquée des faillites d'entreprises.

Photo : Shutterstock / Rommel Canlas

Après un certain repli durant les deux premières années de la pandémie, le nombre de cas d’insolvabilité d'entreprises et de consommateurs canadiens a augmenté de 12 % en 2022 par rapport à l’année précédente.

En tout, 103 586 dossiers d’insolvabilité ont été déposés l’an dernier, contre 92 572 en 2021, selon le Bureau du surintendant des faillites du Canada. Ce bilan annuel reste toutefois bien en deçà des années prépandémiques.

« Malgré la hausse de 12 %, on est encore loin des niveaux de 2019. On s'attend à ce que ça continue de monter. »

— Une citation de  Robert Hogue, économiste en chef adjoint, Banque Royale du Canada (RBC)

Selon lui, il n’y a pas de raison de s’inquiéter pour l’instant. C'est le reflet d'une économie qui commence à ralentir. On s'attend à une récession au cours de 2023. Il y aura sûrement éventuellement une hausse du chômage qui va contribuer aussi un peu plus à ça, dit-il.

Sophie Desautels, syndique autorisée en insolvabilité, souligne qu’en 2020 et 2021, les Canadiens ont pu profiter d’un soutien financier des gouvernements — comme la Prestation canadienne d’urgence — et d’un certain répit sur le remboursement de leurs dettes. Ils ont d’ailleurs moins dépensé en général en raison des confinements.

Il y avait une grande liquidité dans les ménages canadiens, explique-t-elle. Alors, c'est ce qui a expliqué la baisse durant la pandémie des dossiers d'insolvabilité.

« Le contexte de l'inflation actuelle et la montée des taux d'intérêt font en sorte que les gens ont de la difficulté à dormir et ça crée un sentiment d'anxiété généralisé. »

— Une citation de  Sophie Desautels, syndique autorisée en insolvabilité chez Raymond Chabot Grant Thornton

La syndique dit remarquer, dans la dernière année, beaucoup plus de saisies de salaire. Cette procédure légale donne le droit à un créancier de saisir votre revenu pendant une certaine période afin de récupérer, par exemple, un prêt non remboursé ou un loyer impayé.

C'est certain qu'on s'en va vers une augmentation des dossiers d'insolvabilité, dit-elle.

Fayza Abdallaoui, éducatrice financière à Toronto, affirme que les hausses de taux d’intérêt peuvent prendre du temps à se faire sentir et que les Canadiens attendent souvent trop longtemps avant d’entamer un processus officiel de redressement financier.

Parfois, les gens n'ont pas le courage de regarder leurs chiffres en face, dit-elle. Ils sont au bord du précipice, ils commencent à recevoir des appels pour des retards de facture, mais ils tardent à aller chercher de l'aide.

L'éducatrice financière Fayza Abdallaoui.

Fayza Abdallaoui, éducatrice financière à Toronto, conseille aux gens de passer leur budget et leurs dépenses au peigne fin et de chercher de l'aide beaucoup plus tôt, au besoin.

Photo : Radio-Canada

Les faillites représentent environ le quart (24,5 %) des dossiers d’insolvabilité enregistrés l’an dernier parmi les consommateurs.

Mais par rapport à 2021, cette option est moins populaire : les particuliers choisissent davantage de négocier une proposition de consommateur, soit un accord officiel avec leurs créanciers visant à rembourser leurs dettes.

Une faillite implique, en revanche, que leurs emprunteurs cèdent certains actifs, comme une maison ou une voiture, afin de se libérer de leurs obligations de remboursement de dettes.

Lors d'une faillite, cependant, un individu ne va pas nécessairement perdre tous ses biens, souligne la syndique Sophie Desautels. Il est possible d'en arriver à un plan de remboursement en fonction de sa situation financière, selon elle.

La faillite, ce n'est pas la mort financière, dit-elle. La faillite, c'est un renouveau.

La syndique en insolvabilité Sophie Desautels.

Sophie Desautels est syndique autorisée en insolvabilité chez Raymond Chabot Grant Thornton, à Montréal.

Photo : Raymond Chabot Grant Thornton

Hausse marquée des faillites des entreprises

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) tire la sonnette d’alarme, alors que les dossiers d'insolvabilité déposés en 2022 par des sociétés au pays ont bondi de 37 % en un an.

Selon le Bureau du surintendant des faillites, le nombre de cas est passé de 2480 en 2021 à 3402 l’an dernier.

« C'est le résultat d'une reprise économique qui tarde à se faire sentir pour les PME. »

— Une citation de  Simon Gaudreault, économiste en chef de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

En Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick, le nombre de dossiers d’insolvabilité déposés par des entreprises a plus que doublé. La Nouvelle-Écosse, l’Alberta et l’Ontario ont aussi vu des augmentations supérieures à la moyenne nationale.

Selon un récent sondage mené par la FCEI, environ 6 petites entreprises sur 10 ont toujours des dettes liées à la pandémie d’au moins 100 000 $. Ce solde exclut les dettes courantes contractées par ces PME.

Et là, on a les hausses de taux d'intérêt qui viennent s'ajouter et, à cause de l'inflation, nos dépenses de fonctionnement explosent, donc ça crée un cocktail financier pour l'entreprise qui n’est pas très digeste.

Contrairement à ceux des particuliers, la grande majorité (77 %) des dossiers d’entreprises sont des faillites plutôt que des propositions négociées avec les créanciers. Selon l’économiste en chef de la FCEI, ces faillites d’entreprises ne sont que la pointe de l’iceberg.

C'est souvent moins facile pour les PME d'utiliser la faillite, c'est plus compliqué, plus coûteux, ça prend du temps, donc souvent, on va juste fermer, affirme M. Gaudreault, qui réclame toujours une aide financière des gouvernements.

Deux clients entrent dans un immeuble qui abrite un commerce annonçant sa fermeture.

Simon Gaudreault, de la FCEI, affirme que les hausses de taux d'intérêt pèsent lourd sur les petites entreprises endettées en raison de la crise sanitaire.

Photo : Getty Images / Spencer Platt

Les banques augmentent leurs réserves pour mauvaises créances

Face à une récession qui semble s’annoncer, les grandes banques canadiennes ont décidé de relever leurs réserves pour mauvaises créances afin de couvrir les pertes engendrées par des clients qui ne pourraient remplir leurs obligations de remboursement.

Ce ralentissement de l’économie pourrait faire augmenter les cas de faillites et d’insolvabilité au pays, souligne Robert Hogue, économiste en chef adjoint à RBC.

Les institutions financières regardent ça dans le contexte d'un cycle économique, alors elles prennent les mesures qu'elles doivent prendre justement pour s'assurer que leurs états financiers soient solides et durables, affirme-t-il.

C'est sûr que c'est un reflet de ce qui se passe dans l'économie.

Les cinq plus grandes institutions financières du pays ont ajouté en tout, à leurs états financiers de 2022, 4,3 milliards de dollars en provisions pour des pertes sur créances, plus de quatre fois le montant alloué en 2021. Elles citent toutes des perspectives macroéconomiques défavorables pour expliquer ces décisions.

La Banque de Montréal, par exemple, a fait passer ses provisions pour pertes sur créances de 20 millions de dollars en 2021 à 313 millions l’an dernier, citant une réduction des recouvrements. La Banque CIBC, de son côté, a gonflé sa réserve de 158 millions à plus d’un milliard de dollars.

Des logos des banques TD, BMO, CIBC, RBC et Scotiabank.

Les cinq grandes banques canadiennes ont quadruplé leurs réserves pour mauvaises créances, alors qu'elles prévoient un ralentissement de l'économie cette année.

Photo : CBC / Dillon Hodgin

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