Rio Tinto : pas d’énergie supplémentaire sans garantie d’emplois, plaide Julie Dufour

La mairesse de Saguenay, Julie Dufour
Photo : Radio-Canada / Andréanne Larouche
La mairesse de Saguenay, Julie Dufour, réagit à son tour à l’étude du Groupe performance stratégique (GPS) qui prévoyait la perte de 1800 emplois directs et de milliers d'emplois indirects avec l'arrivée éventuelle de la technologie Elysis dans les alumineries du Québec.
Cette étude avait été commandée par la Table régionale de concertation sur l’aluminium du Saguenay–Lac-Saint-Jean en 2021 mais n’avait pas été rendue publique.
Elysis est un procédé de fabrication d'aluminium sans émissions de gaz à effet de serre.
Toujours en développement, cette technologie nécessite un moins grand nombre d’anodes, des conducteurs fabriqués au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Rien n’a été précisé pour l'avenir, d’où les craintes de pertes d’emplois.
Julie Dufour réitère que le gouvernement Legault doit refuser toute vente supplémentaire d'électricité à Rio Tinto si cette entreprise ne compense pas les emplois perdus à cause de l'arrivée de nouvelles technologies. Elle rappelle la nécessité d'annoncer la construction d'une nouvelle aluminerie pour remplacer les vieilles cuves précuites de Jonquière, où des annonces sont toujours attendues pour des cuves AP60 additionnelles.
Donc, ça prend une annonce claire d'une usine de remplacement. Il y a quelque chose qui est non négociable : on est en sobriété énergétique, on va se chicaner les blocs énergétiques. C'est clair que s'il y a plus d'énergie libérée pour Rio Tinto et qu'il y a moins d'emplois, je pense qu'on va avoir droit à tout un tintamarre régional
, a prévenu la mairesse.
Elle indique d'autre part qu'elle va contacter la mairesse d'Alma pour élaborer une stratégie commune face à Rio Tinto. Elle ne réclame pas non plus un observatoire, comme le suggèrent les députés du Bloc québécois Mario Simard et Alexis Brunelle-Duceppe.
L'observatoire et une table, c'est très différent. L'observatoire, c'est de payer pour avoir des données. D'ailleurs, le gouvernement fédéral peut s'en payer un si ça lui tente : ce n'est pas typique ou fermé à une table. Je vais rencontrer la mairesse d'Alma prochainement. On va se parler toutes les deux. On est les deux villes les plus touchées et je vous dirais que le leadership régional, on le fera entre élus. Mais s'il y a des députés fédéraux et provinciaux qui veulent s'ouvrir une table, ça nous fera plaisir d'aller s'asseoir avec eux
, a-t-elle ajouté.
Elle a réitéré dernièrement que le conseiller municipal Kevin Armstrong avait été délégué par résolution pour représenter Saguenay à la Table régionale de concertation, qui ne s'est pas réunie depuis l'été 2021.
Appui de Donat Pearson
Le président du Syndicat national des employés de l'aluminium d'Arvida (SNEAA), Donat Pearson, va dans la même direction que Julie Dufour. Il invite le gouvernement du Québec à exiger la création de nouveaux emplois avant d'accorder l'électricité et les permis requis à Rio Tinto pour implanter la technologie Elysis dans ses installations.
Donat Pearson martèle que Rio Tinto doit remplacer la vieille usine d'Arvida pour sauver les 250 emplois qui y sont reliés.
Les salles de cuves précuites sont appelées à fermer. Mais présentement, ce qu'on veut, c'est du remplacement, des nouvelles technologies. On est conscients que ça amène moins d'emplois, mais il faut justement faire une transition, permettre de déplacer ces emplois-là en coulée et en fabrication d'anodes avec de nouvelles installations
, a-t-il indiqué.
L'opposition à Québec critique
Pour ce qui est des partis d'opposition à Québec, ils accusent le gouvernement Legault d'improviser dans le dossier de l'octroi d'électricité supplémentaire à des entreprises comme les alumineries. Le chef intérimaire du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Tanguay, réitère que le gouvernement devrait lancer une consultation nationale sur l'énergie.
La gestion énergétique du Québec comme on gère un dépanneur, ça fera. On ne peut pas décider dans tel dossier, on prend telle direction : ça prend une vision. C'est pour ça que nous, au Parti libéral, ça fait maintenant plusieurs semaines qu'on a demandé une consultation nationale sur l'énergie, une commission nationale sur l'énergie, pour faire le tour du Québec
, a-t-il plaidé.
De son côté, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre-Plamondon, réclame un plan qui ne pénalisera pas les travailleurs.
Ça fait deux, trois ans qu'on leur dit "planification juste, transition juste". Comment est-ce qu'on protège les travailleurs? Comment est-ce qu'on s'assure qu'on a réfléchi à quels secteurs permettent, lorsqu'il y a une perte d'emploi potentielle, de trouver des emplois équivalents ou de meilleurs emplois dans des technologies d'avenir?
a demandé le chef du PQ .
Le défi de la transition
Plus tôt cette semaine, des propos du chef de la direction de la division aluminium de Rio Tinto, Ivan Vella, tenus lors d’une séance de questions-réponses avec des actionnaires en novembre dernier, ont été rapportés. Il a dit reconnaître que la transition des usines actuelles vers Elysis représentait tout un défi en raison de leur âge. Je ne dis pas que nous ne pouvons pas le faire, mais c’est quelque chose que nous devrons analyser avec rigueur
, a-t-il dit.
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Selon son dernier rapport trimestriel, Rio Tinto a vendu son aluminium 3300 $ US la tonne en 2022, en hausse de 15 % comparativement à l'année précédente. L'entreprise n'a toujours pas fait connaître sa performance financière pour 2022, mais la division aluminium avait réalisé un bénéfice net de 2,5 milliards de dollars américains en 2021.
Le déploiement éventuel n'inclut pas les trois premières cuves format production actuellement en construction à l'aluminerie d'Alma. La multinationale rappelle que ce projet relève de l'entreprise Elysis et non pas de Rio Tinto. Elysis est une coentreprise de Rio Tinto et d'Alcoa, mais elle a été financée en grande partie par Québec et Ottawa. Québec possède 3,5 % des parts.
Rio Tinto a assuré que le premier déploiement se fera au Québec, sans préciser où.
D'après un reportage de Gilles Munger