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Des lettres de Marie Stuart retrouvées… et décodées en France

Portrait de Marie reine d'Écosse.

Portrait de Marie reine d'Écosse.

Photo : Bibliothèque du Congrès des États-Unis

Radio-Canada

Une cinquantaine de lettres secrètes et codées écrites par Marie Stuart, reine d'Écosse, alors qu'elle était emprisonnée en Angleterre par sa cousine la reine Élisabeth Ire, ont été mises au jour en France par une équipe internationale d’experts du décryptage.

Repères

  • Marie Stuart fut reine d'Écosse de 1542 à 1567, et brièvement de France, de 1559 à 1560.
  • Catholique dans un pays devenu largement protestant, Marie est contrainte d’abdiquer au profit de son fils Jacques.
  • Emprisonnée, elle s'évade en 1568 et rejoint l’Angleterre en quête de l’appui de sa cousine, la reine Élisabeth Ire, pour reconquérir son trône.
  • Elle est plutôt perçue comme une menace – puisqu’elle est considérée par les catholiques comme l'héritière légitime du trône d'Angleterre –, et emprisonnée par Élisabeth Ire pendant 19 ans.
  • Elle est finalement exécutée le 8 février 1587, à l’âge de 44 ans, pour trahison.

Un pan d’histoire retrouvé

La reine a laissé de nombreuses lettres conservées dans diverses archives. Les historiens savaient toutefois, grâce à certaines références, que d'autres correspondances de Marie Stuart manquaient dans ces collections, mais elles étaient considérées comme disparues.

C’était avant leur redécouverte dans les archives en ligne de la Bibliothèque nationale de France par un trio de détectives pour le moins hors de l’ordinaire : George Lasry, informaticien et cryptographe, Norbert Biermann, pianiste et professeur de musique, et Satoshi Tomokiyo, physicien et expert en brevets.

Les codes utilisés par Marie Stuart.

Marie Stuart utilisait des codes pour protéger le contenu de ses lettres secrètes.

Photo : DECRYPT/Lasry/Biermann/Tomokiyo

L’escouade spéciale, associée au projet international DECRYPT dont l’objectif est de décrypter des manuscrits historiques, s’affairait à décoder le système de chiffrement de documents de la première moitié du XVIe siècle classés comme étant originaires de l'Italie.

Le trio de cryptologues a vite compris que le texte n'était pas en italien, mais bien en français. Son utilisation de la forme féminine indiquait qu'il s'agissait d'une femme et des phrases comportant ma liberté et mon fils suggéraient une mère emprisonnée.

Puis est arrivé un mot important : Walsingham. Francis Walsingham était le principal secrétaire et maître-espion d'Élisabeth.

Il est alors devenu clair que l’autrice n’était nulle autre que Marie, reine d’Écosse. Les lettres que nous avons déchiffrées font très probablement partie de cette correspondance secrète perdue, estime George Lasry.

Le travail de déchiffrage de 57 lettres – environ 50 000 mots au total – est publié dans la revue Cryptologia (Nouvelle fenêtre) (en anglais). Ces lettres couvrent une période allant de 1578 à 1584, quelques années avant sa décapitation, il y a 436 ans.

Des mots émergent des lettres codées de Marie Stuart.

Des mots émergent des lettres codées de Marie Stuart.

Photo : DECRYPT/Lasry/Biermann/Tomokiyo

Vie de captive

Ces correspondances de Marie dressent un portrait fascinant de sa captivité alors qu’elle était sous la garde du comte de Shrewsbury. La majorité de ces écrits sont adressés à l'ambassadeur de France en Angleterre à l’époque, Michel de Castelnau Mauvissière, qui était un allié de la reine catholique.

Des historiens pensent que Francis Walsingham a "piégé" Marie Stuart en 1586, en l'amenant à soutenir le complot de Babington pour assassiner Élisabeth Ire, explique George Lasry.

Walsingham avait un espion au sein de l'ambassade de France à Londres depuis 1583. La plupart des lettres de Marie Stuart étaient adressées à l'ambassadeur de Castelnau Mauvissière.

« Nous avons déjà déchiffré des codes secrets de rois et de reines, et ils sont très intéressants, mais avec Marie reine d'Écosse, c'était remarquable, car nous avions déchiffré un grand nombre de lettres inédites et parce qu'elle est si célèbre. »

— Une citation de  George Lasry, cryptographe

Le poids des mots

La reine Marie était trop intelligente pour mentionner un quelconque projet de complot dans sa correspondance, même chiffrée, estime George Lasry.

Pendant sa captivité, Marie a communiqué avec ses associés et ses alliés en déployant des efforts considérables pour recruter des messagers et maintenir le secret.

L'existence d'un canal de communication confidentiel entre Marie et de Castelnau Mauvissière était bien connue des historiens, et même du gouvernement anglais de l'époque.

Mais Lasry et ses collègues décrypteurs apportent de nouvelles preuves que cet échange était déjà en place dès mai 1578 et actif au moins jusqu'à la mi-1584.

Les auteurs de l'étude ont décodé les lettres en utilisant des techniques informatiques et manuelles. Ces écrits montrent les difficultés rencontrées par Marie pour maintenir des liens avec le monde extérieur.

Dans sa correspondance, Marie plaide sa cause avec diplomatie, se livre à quelques ragots, évoque sa mauvaise santé et ses conditions de captivité, et exprime sa détresse après l'enlèvement de son fils, Jacques VI d'Écosse, qui finira par succéder à Élisabeth sur le trône d'Angleterre sous le nom de Jacques Ier.

Elle y mentionne aussi ses négociations avec la reine Élisabeth Ire pour sa libération, qu'elle estime ne pas être menées de bonne foi.

Sa méfiance à l'égard de Francis Walsingham est également manifeste, de même que son animosité à l'égard de Robert Dudley, comte de Leicester et favori d'Élisabeth. Elle exprime également sa détresse lorsque son fils James (futur roi Jacques Ier d'Angleterre) est enlevé en août 1582, et son sentiment d'avoir été abandonnée par la France.

« Je sais que vous avez eu soin, au nom du roi [de France], d’atténuer les éclats de colère de la reine contre moi qui ne lui souhaite que du bien malgré tout le mal que j’ai reçu d’elle. »

— Une citation de  Marie Stuart, juin 1578

Une correspondance qui suscite l'empathie parce que c'est une tragédie. On sait qu'elle va être exécutée, ajoute George Lasry.

Un travail salué

Les historiens ont loué le travail du trio. Cette découverte est une sensation littéraire et historique, a déclaré John Guy, historien britannique dont la biographie de la reine a inspiré le film Marie Stuart, reine d'Écosse sorti en 2018.

Fabuleux! C'est la découverte la plus importante sur Marie, reine d'Écosse, depuis 100 ans, écrit-il dans un communiqué.

Mêmes applaudissements de la part de Steven Reid, historien à l'Université de Glasgow, qui parle de la plus grande découverte sur l'histoire de Marie dans l'ère moderne.

Ces lettres vont permettre d'affiner les connaissances sur la vie et la personnalité de la souveraine, et aider aussi à produire des versions plus exactes de ses lettres chiffrées déjà connues.

Pour Nadine Akkerman, professeure de littérature à l'Université de Leiden au Pays-Bas, c'est comme avoir découvert un trésor enfoui.

Il n'est pas impossible que d'autres lettres de Marie d'Écosse se trouvent dans les archives françaises, estime le trio d'auteurs.

Avec les informations de Agence France-Presse

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