Technologie Elysis : syndicat et élus réagissent

Le procédé Elysis permettra de fabriquer de l'aluminium sans émission de GES.
Photo : Courtoisie
Le président du Syndicat des travailleurs de l’aluminium d’Alma (Métallos), Sylvain Maltais, demande à Rio Tinto de clarifier ses intentions en matière d’emplois dans le contexte de l’implantation de la technologie Elysis.
En entrevue à l’émission C’est jamais pareil, le leader syndical a réagi à un reportage de Radio-Canada, qui évoque le fait que la technologie verte développée par Rio Tinto aura un impact sur la main-d’œuvre à l’usine d’Alma et dans d’autres installations du géant minier.
Sylvain Maltais est au fait des conclusions de l’étude menée il y a deux ans par le Groupe GPS, dirigé par le Saguenéen Roger Boivin, laquelle revient aujourd’hui à l’avant-plan. Ses conclusions démontrent que le développement de l'aluminium vert pourrait faire disparaître des milliers d'emplois bien rémunérés au Québec.
L'analyse de GPS établit le maximum théorique des pertes que pourrait provoquer l'introduction complète de la technologie Elysis à 30 % des emplois directs dans les alumineries de la province.
L’étude avait été rendue publique au moment de sa réalisation, en présence de représentants syndicaux.
Une chose qui est sûre et certaine, c’est que nous, on a une crainte face à ça. On ne peut pas être contre Elysis, mais c’est pour ça qu’on a fait faire cette étude-là. Personne dans l’entreprise ne nous dit à quoi ça va ressembler les emplois avec Elysis. Le tiers des emplois touchent le carbone à Alma. Du côté d’Elysis, je n’ai aucune donnée. On n’a aucune information. Ça va être quoi les nouveaux emplois pour opérer cette technologie?
, s’interroge Sylvain Maltais, qui est convaincu qu’il y aura un impact considérable sur la main-d’oeuvre.
Le président du syndicat souhaite que des emplois de contrepartie
soient créés. Il cite, entre autres, la construction d’une usine de billettes à Alma et l’augmentation de la quantité d’aluminium produite au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il veut aussi obtenir l’assurance que les anodes vertes produites par Rio Tinto soient fabriquées ici en région.
Des alumineries trop vieilles pour implanter Elysis?
Quant aux récents propos du chef de la direction de la division Aluminium de Rio Tinto, Ivan Vella, selon lequel les alumineries du Québec sont trop vieilles et désuètes pour implanter une nouvelle technologie de production d'aluminium vert, Sylvain Maltais s’insurge.
« Pour l’usine que je représente à Alma, je suis en désaccord avec ça. C’est une usine de 20 ans qui est très jeune. Notre usine n’a même pas le tiers de sa vie utile de faite à l’heure actuelle […]. Je suis assez étonné de la sortie de M. Vella. Il va falloir qu’on se la fasse expliquer. »
Il précise que de l’espace est disponible dans la plupart des usines de Rio Tinto au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
L’espace n’est pas un enjeu. Il y en a de l’espace à Arvida. À Alma, il y a clairement de l’espace soit pour Alma 2 ou pour implanter une usine d’anodes. Laterrière, on le voit physiquement. Je douterais qu’il n’y a pas d’espace-là
, a fait valoir Sylvain Maltais, qui entend faire quelques appels au cours des prochaines heures pour mieux comprendre ce qu’avance le grand patron de Rio Tinto.
Réaction de Rio Tinto
Par courriel, Rio Tinto a réagi au reportage de Radio-Canada.
Rio Tinto est profondément engagée dans le développement de la technologie Elysis. Elysis a réussi à produire de l'aluminium sans carbone de haute qualité à partir de son centre de recherche et développement au Complexe Jonquière et ce métal a été vendu et utilisé par plusieurs clients (Apple, AB InBev, etc.),
a déclaré le porte-parole, Simon Letendre.
Il ajoute que Rio Tinto est extrêmement fière que le Saguenay soit le lieu où a été produit le tout premier aluminium sans carbone
.
« Nos employés ont participé au développement de la capacité et de la technologie d'électrolyse pendant de nombreuses décennies. Ils constituent le groupe logique pour mener la transition d'une technologie d'électrolyse conventionnelle à une électrolyse sans carbone utilisant la technologie Elysis. »
Rio Tinto affirme qu'elle cible son premier déploiement dans ses installations au Québec, où elle détient des capacités techniques et opérationnelles de classe mondiale
.
Une étude incomplète, selon Pierre Fitzgibbon
Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec, Pierre Fitzgibbon, a été questionné au sujet du projet Elysis par des journalistes à l’Assemblée nationale, avant son entrée au caucus du gouvernement.
L’étude est totalement incomplète. Je le répète : incomplète [...]. Une firme qui est connue pas tant que ça. C’est très simpliste. Je vais vous donner un exemple et vous allez comprendre rapidement. On a des cuves traditionnelles. Aux 30 jours, on les remplace. Elysis, c’est 30 mois. Les jobs qui ont lieu dans l’usine vont disparaître, mais il va y avoir d’autres jobs qui vont être ailleurs pour faire des cuves. Je pense qu’il faut faire attention. Le rapport est incomplet. L’important, c’est de décarboner. Parce que si on ne le fait pas, ils vont fermer
, a-t-il déclaré.
Pierre Fitzgibbon se dit très à l’aise
avec le projet Elysis. Il en a discuté avec le grand patron de Rio Tinto mardi.
Elysis, si ça se commercialise, et je pense que ça va être le cas, ça va être au Québec en premier
, a assuré le ministre.
Finies les cachettes, dit le Bloc québécois
Les députés bloquistes de la région, Mario Simard (Jonquière) et Alexis Brunelle-Duceppe (Lac-Saint-Jean) croient que le contexte est opportun pour appeler la Table régionale de concertation sur l’aluminium à se mobiliser et à rétablir un rapport de force face à Rio Tinto.
Les députés disent craindre que des décisions cruciales pour l’avenir de la région soient prises sans tenir compte de données essentielles
.
En l’espace de 24 heures, on apprend que la technologie Elysis pourrait ne pas être implantée au Saguenay–Lac-Saint-Jean puisque les installations seraient désuètes, et que plus de 5000 emplois pourraient être menacés par l’implantation de cette même technologie. Comment est-ce logiquement possible de construire l’avenir de la région s’il y a autant d'inconnus? […]. Les élus et partenaires syndicaux ne doivent plus attendre d’être rassurés en cachette par Rio Tinto et plutôt prendre part à des conversations sérieuses avec la multinationale
, a déclaré Mario Simard, qui est porte-parole du Bloc québécois en matière de Ressources naturelles.
Les libéraux réclament une consultation publique
Une fois de plus, la CAQ fait la démonstration qu’elle ne comprend rien aux enjeux énergétiques. Son ministre ne fait que lancer des idées mirobolantes mais qui manquent totalement de cohérence entre elles. On ne peut pas laisser la CAQ décider seule des orientations en matière d’énergie pour le Québec. L’enjeu de la transition énergétique est trop important pour l’exposer à l’amateurisme de François Legault et de son ministre Fitzgibbon
, a déclaré le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Gregory Kelley, dans un communiqué acheminé aux médias.
Il estime qu'une vaste consultation sur l’énergie dans toutes les régions du Québec s'impose.
« La population du Saguenay-Lac-St-Jeandoit enfin être entendue par le gouvernement caquiste. »