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Analyse

Transferts aux provinces : tout sera bientôt à recommencer

François Legault entouré de sa délégation.

Le premier ministre du Québec, François Legault, quitte la réunion sur les transferts fédéraux en santé des premiers ministres provinciaux avec Justin Trudeau, le 7 février 2023.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Tous auront noté que le Québec recevra bien moins du gouvernement fédéral que ce que François Legault avait réclamé ces dernières années. Et la grosse majorité de la CAQ à l'Assemblée nationale n'aura rien changé. Si la proposition actuelle est entérinée, Québec obtiendra 8,99 milliards de dollars de plus que prévu en 10 ans, alors qu’il en réclamait 6 de plus… par année, indexation en sus.

Les provinces ont certes échappé à la volonté initiale de Justin Trudeau de leur imposer des normes nationales, mais elles sont toutefois loin d’avoir obtenu ce qu’elles souhaitaient le plus.

Derrière les gros chiffres qu’ils avaient mis de l’avant dans le cadre des négociations, les premiers ministres provinciaux voulaient surtout obtenir la certitude que le gouvernement fédéral augmenterait de façon durable sa contribution aux dépenses de santé. L’objectif était d’assurer un financement stable à long terme, à l’abri des aléas politiques.

Or, en dépit de la hausse prévue du transfert canadien en matière de santé (TCS), rien ne garantit que le poids de la contribution fédérale aux dépenses de santé sera durablement rehaussé.

En fait, la proposition fédérale ne prévoit pas véritablement de modification à la formule d’indexation annuelle du TCS. La base du calcul restera la même, sauf qu’on garantira une indexation minimale de 5 % pour les cinq prochaines années. Ce seuil minimal sera atteint en injectant des sommes ponctuelles, dont on ne tiendra pas compte dans le calcul de l’indexation l’année suivante, sauf la cinquième année.

Après cinq ans, on reviendra à la formule de calcul actuelle, qui ne garantit une hausse minimale annuelle des transferts que de 3 %. Rien ne laisse pourtant présager que le rythme de croissance annuel des dépenses de santé ralentira rendu là.

Lors de la séance de breffage destinée aux journalistes, une haute fonctionnaire a fait valoir que les calculs des premiers ministres provinciaux avaient été faits avant la pandémie, que bien des choses avaient changé depuis. Cela est sans doute vrai des finances du gouvernement fédéral, mais on voit mal en quoi un virus qui a poussé le système de la santé dans ses derniers retranchements partout au pays aurait pu amoindrir les demandes des provinces.

Des ententes à durée déterminée

En plus de la bonification du TCS, le gouvernement fédéral propose aussi de distribuer aux provinces 25 milliards sur 10 ans dans le cadre d’ententes bilatérales. Cet argent pourra être utilisé différemment par chaque province, en fonction des priorités de chacune. Le problème, c’est que cette somme ne sera pas intégrée au TCS. Une fois l’entente de 10 ans arrivée à échéance, rien ne garantit que ces montants seront reconduits.

En d’autres mots, les provinces qui choisiront d’offrir de nouveaux services, grâce à cet argent, pourraient devoir les financer elles-mêmes une fois l’entente arrivée à sa fin. Pour éviter d’en venir là, il faudra que le gouvernement fédéral, qui sera alors au pouvoir, accepte de renouveler ces sommes… de quoi donner l’occasion aux partis fédéraux de prendre de nouveaux engagements dans ce champ de compétence provinciale dans les campagnes électorales à venir.

La proposition fédérale prévoit aussi une autre innovation. Habituellement, les transferts fédéraux en matière de santé sont versés aux provinces au prorata de leur population. Ceux qui ont scruté les chiffres du fédéral de près ont toutefois remarqué que le Québec recevra 37 des 196 milliards promis ces 10 prochaines années. C’est 19 % de la somme annoncée, alors que le Québec représente 22 % de la population canadienne.

La différence s’explique par le fait que des sommes minimales ont été prévues pour les plus petites provinces au chapitre des ententes bilatérales. On n’a toutefois pas tenu compte du rythme de vieillissement de la population, qui varie d’une province à l’autre, ce qui aurait pu avantager le Québec.

Quelles suites?

Justin Trudeau avait qualifié de rencontre de travail son entretien avec ses vis-à-vis, mais à voir le peu de temps qu’il leur a consacré, on a plutôt l’impression que le premier ministre canadien s’est contenté de dévoiler à ses homologues le contenu de son offre, sans leur donner beaucoup de temps pour revendiquer davantage.

De l’aveu même de François Legault, la proposition fédérale a toutes les apparences d’une offre pas mal finale et Justin Trudeau n'a rien dit en point de presse qui laisse croire le contraire. Les premiers ministres des provinces promettent d’étudier la proposition sur la table et de se réunir à nouveau dans les prochaines semaines pour décider de la suite des choses. À en juger par leur réaction initiale, plusieurs d’entre eux semblent toutefois déjà résignés à signer. L'objectif de pérennité à long terme attendra.

Le premier ministre ontarien Doug Ford a parlé des sommes promises comme d’un acompte dans le cadre de pourparlers appelés à se poursuivre ces prochaines années. Décidément, la proposition fédérale semble n'avoir rien réglé. Les provinces reviendront à la charge bien avant que l'entente à l'étude arrive à échéance dans 10 ans.

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