Caribou : Unifor craint une baisse de 40 % des approvisionnements si Ottawa agit seul
Une coupe forestière.
Photo : Radio-Canada / Alix Villeneuve
Le directeur québécois du syndicat Unifor, Daniel Cloutier, calcule que l'intention du ministre fédéral de l'Environnement, Steven Guilbeault, de protéger unilatéralement le caribou forestier au Québec causerait une baisse évaluée entre 40 et 50 % de l'approvisionnement forestier.
Le taux auquel M. Guilbeault veut apporter ça, on parle de possiblement 14 millions de mètres cubes de bois qui seraient retranchés si on écoutait les vues de M. Guilbeault. Ça, c'est une véritable hécatombe pour l'industrie
, a dit Daniel Cloutier lors d’une entrevue accordée à l’émission Place publique mardi.
Lundi, il a été rapporté que Steven Guilbeault estime toujours que le territoire du caribou forestier n’est pas protégé efficacement au Québec et qu’il recommandera au conseil des ministres d’intervenir. Le ministre poursuit ainsi le processus légal qui avait été enclenché au printemps dernier afin d’assurer la protection du caribou forestier. Ultimement, l’intervention d'Ottawa pourrait se faire sur une superficie de 35 000 kilomètres carrés pour une période de cinq ans.
Toutefois, Steven Guilbeault a assuré au ministre provincial de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, qu’il ferait preuve d'esprit de collaboration compte tenu des avancements intervenus entre les deux ordres de gouvernement en août dernier.
Le plan de protection de Québec pour le caribou forestier doit être déposé en juin. Ses impacts potentiels dans la région ont récemment été dénoncés par l’industrie forestière et par plusieurs élus.
Ce qu'on se fait parler entre les branches, c'est aux alentours de 1 000 000 de mètres cubes de bois [pour le plan de Québec]. Il faut comprendre qu'au Québec, on coupe à peu près 35 millions de mètres cubes de bois, donc on parle moins de 10 %, peut-être 3 %, alors que 14 millions de mètres cubes de bois tel que c’est priorisé par M. Guilbeault, bien là, on comprend que c'est plus de l'ordre de 40 à 50 %
, a-t-il poursuivi tout en étant conscient que le plan de Québec est toujours sur la planche à dessin.
Il y aurait moyen, selon lui, de minimiser les impacts attendus du plan québécois.
Eh bien nous, chez Unifor, on pense que c'est gérable
, a-t-il assuré.
Environ 2500 membres sont représentés par Unifor dans le milieu de la forêt au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ils sont répartis dans une trentaine d’unités syndicales.
Données scientifiques
Un autre débat est survenu au cours des dernières semaines au Saguenay–Lac-Saint-Jean alors que les données scientifiques sur le déclin du caribou ont été mises en doute par certains intervenants.
Personnellement, je ne suis pas un scientifique, mais les scientifiques qui se sont penchés sur la question pointent dans la même direction. Donc on peut être critique et dire que ce n'est pas encore assez, que ce n'est pas encore assez bien démontré, mais il y a une tendance qui dirige vers là
, a-t-il débuté.
Le rôle potentiel des changements climatiques a été mis en avant, notamment par l’Alliance forêt boréale, pour expliquer la chute de population de certaines hardes, alors que des scientifiques pointent plutôt l’exploitation forestière. Celle-ci, en raison de la prolifération de chemins forestiers, permettrait aux prédateurs du caribou de se déplacer plus facilement.
Est-ce que c’est uniquement l'exploitation forestière qui est la cause du déclin des caribous? Peut-être pas, mais nous, on a l'impression que si on nie complètement la science, eh bien, on perd de la crédibilité, de l'écoute. Au bout de la ligne, donc, on a développé chez nous une approche un peu plus pragmatique, de dire oui, c'est vrai, il y a des conséquences. Maintenant, ces conséquences-là ne sont pas à ce point désastreuses qu'il faut remettre en question toute exploitation forestière
, a-t-il enchaîné.
Il croit qu’un équilibre peut être trouvé en travaillant de concert avec le gouvernement du Québec.
On veut travailler activement avec le gouvernement. Donc, il y a une façon d'aménager ça, de continuer d'utiliser la forêt tout en respectant l'habitat des caribous
, a dit Daniel Cloutier.
Rencontre avec les sections locales
Une rencontre est prévue jeudi avec les présidents syndicaux des sections locales pour réfléchir aux prochaines étapes de mobilisation.
C'est sûr que nos membres sont inquiets, puis on les comprend d'être inquiets. On partage leur inquiétude parce qu’il y a une zone d'incertitude devant nous. Ça, c'est clair
, a mentionné le directeur québécois d’Unifor.
M. Cloutier ne voit pas d’un mauvais œil l’arrivée de travailleurs étrangers afin de pourvoir des postes vacants au moment où des pertes d’emplois potentielles sont avancées par l’industrie.
C'est la pénurie de main-d'œuvre. Elle est là et c'est clair que ce n’est pas juste l'industrie forestière ou papetière qui a besoin d'avoir recours à la main-d'œuvre étrangère. C'est probablement un phénomène qui n'est pas pour se résorber à court terme. [...] Est-ce que les employeurs actuels sont en mesure d'exploiter à 100 % les zones qui leur sont données? Peut-être pas, mais au-delà de la pénurie de main-d'œuvre, il faut quand même assurer aux communautés et à la population en général que l'exploitation va continuer, puis que ça va être des bons emplois, des emplois payants
, a-t-il ajouté.