Accueil glacial à l’idée de repousser l’âge d’admissibilité à la rente du Québec

La proposition du gouvernement de repousser l'âge d’admissibilité au Régime de rentes du Québec trouve peu d'appuis dans les mémoires déposés.
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Il semble que le gouvernement Legault trouvera peu d'alliés prêts à défendre sa proposition de repousser l'âge d’admissibilité au Régime de rentes du Québec (RRQ). C'est ce qui ressort de la première journée de consultation publique, mercredi, dans le cadre d'une commission parlementaire qui revient tous les six ans, comme le requiert la loi sur le RRQ.
Bien que certaines propositions, telles que les cotisations facultatives après 65 ans, soient bien accueillies, le report de l’âge auquel une personne peut accéder à la rente anticipée de 60 à 62 ans est à proscrire, selon les premiers mémoires déposés à la Commission des finances publiques.
Tant Force Jeunesse que le Réseau FADOQ, la FTQ
, la CSN et le Comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois sont unanimes : il n’est pas utile de repousser l’âge d’accès à la retraite anticipée à 62 ni même à 65 ans.Pour la CSNforcer un report du début de la rente de retraite du RRQ conduirait inévitablement certains futurs retraités à la pauvreté
, explique la centrale syndicale dans son mémoire. Selon les données de l’observatoire des retraites, 27 % des Québécois de 55 à 64 ans n’ont pas d’épargne autre que ce qu’offre le RRQ .
Retarder la retraite n’est donc pas toujours envisageable pour plusieurs travailleurs âgés, surtout ceux détenant des emplois pénibles, écrit le Réseau FADOQ dans son mémoire. Cette mesure toucherait particulièrement les gens qui ne peuvent continuer à travailler malgré leur bonne volonté
, notamment pour des raisons de santé.
Avec ces propositions de réforme, Retraite Québec dit vouloir accroître la santé financière des Québécois
en forçant le report de l’accès à la rente. En effet, à 62 ans, la pénalité sur la rente est moins grande qu’à 60 ans. Les retraités voient donc une augmentation de leur rente viagère.
Cet objectif de protection des travailleurs contre eux-mêmes
pourrait avoir des effets néfastes sur l’acceptabilité des réformes proposées, soutient le Comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois. Il y a un risque non nul que ce type de proposition polarise et éloigne les changements proposés de leurs objectifs initiaux
, affirment ces experts.
Le gouvernement fait fausse route en voulant repousser l’âge d'accès au RRQLe taux d’emploi des 60 ans et plus est en augmentation continue depuis la dernière décennie, sans que des mesures coercitives de rétention soient mises en œuvre
, soutient la centrale syndicale dans son mémoire, en ajoutant que le gouvernement devrait améliorer les conditions de travail des aînés s’il veut les garder au travail.
Les membres du Comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois :
- Alban d’Amours, ancien président du Mouvement Desjardins
- René Beaudry, Normandin Beaudry, firme en actuariat-conseil et rémunération globale
- Luc Godbout, titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques, Université de Sherbrooke
- Bernard Morency, ex-consultant en retraite au niveau mondial, associé à l’Institut sur la retraite et l’épargne de HEC Montréal
Rendre les cotisations au RRQ facultatives après 65 ans
Pour conserver les futurs retraités sur le marché du travail, Retraite Québec propose de rendre facultative la cotisation au RRQ
pour les travailleurs de plus de 65 ans.Dans son mémoire, le comité d’experts salue cette suggestion et propose même de l’élargir à tous les travailleurs de plus de 65 ans afin de les inciter à demeurer sur le marché du travail. Le Réseau FADOQ souligne d’ailleurs que ces cotisations constituent un frein important au maintien sur le marché du travail
.
Force Jeunesse acquiesce et ajoute qu’une des mesures à préconiser pour garder les gens au travail serait de repousser l’âge maximal pour toucher la rente à 72 ans.
Par ailleurs, les syndicats CSNdes situations où les employeurs pourraient fortement "suggérer" aux travailleuses et travailleurs de ne plus cotiser au RRQ
puisque, du même coup, ils en seraient exemptés. La FTQ , de son côté, ferme la porte. En refusant de payer les cotisations, les travailleurs perdront la contrepartie patronale.
Hausser les pénalités et ajuster automatiquement le régime
Le régime de retraite des Québécois est en excellente posture financière. Cependant, il n’est pas totalement à l'abri des aléas économiques. Afin d’assurer la santé financière du RRQ
à long terme, les pénalités pour le versement anticipé de la rente pourraient être augmentées de 0,05 point de pourcentage, et donc varier de 0,55 % à 0,65 %.Cette hausse des pénalités se bute à un refus catégorique des organismes qui ont déposé leurs mémoires. Les coffres bien garnis du RRQ
ne le justifient pas pour le moment, et la mesure ne ferait donc qu'appauvrir les retraités, selon eux.Par contre, le régime doit s’ajuster aux changements économiques. La majorité des pays de l’OCDE prévoient des mécanismes d’ajustement automatique dépendamment de l’évolution démographique et de la situation financière de leur régime de retraite
, rappelle le comité d’experts.
Advenant un déséquilibre du régime, le comité préconise une approche 50-50. Le fardeau serait ainsi partagé équitablement par les travailleurs (cotisation) et les retraités (baisses des prestations). Cette approche apparaît préférable à l’approche actuelle où la totalité de la différence se répercute sur le taux de cotisation
, souligne également le comité.
D’autres propositions de Retraite Québec seront à discuter lors des consultations qui débutent mercredi. Cependant, une chose est certaine : tous les participants à la consultation publique saluent la bonne gouvernance du RRQ
.Ils signalent au passage le manque de littératie financière de certains Québécois, qui les pousse à faire de mauvais choix financiers. Il faudrait s’attaquer à ce problème, écrit-on.
Pendant trois jours, la Commission des finances publiques entendra des experts, des associations patronales, des syndicats et des organismes sur ses propositions de réforme en vue de relever les défis du 21e siècle, soit la pénurie de main-d'œuvre, la hausse du coût de la vie et l'augmentation de l'espérance de vie.