Que s’est-il passé à l'examen de l'Ordre des infirmières et infirmiers?

Seulement deux des neuf étudiantes finissantes ont réussi l'examen d'entrée l'automne dernier. Habituellement, le taux de succès tourne plutôt autour de 90 %, indique Serge Rochon, le directeur des études du cégep de la Gaspésie et des Îles. (Photo d'archives)
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Le Cégep de la Gaspésie et des Îles veut avoir des explications de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec sur le taux de réussite de ses étudiantes finissantes à l'examen d'entrée, l'automne dernier.
En septembre dernier, le taux de réussite s’est élevé à 22 % en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine. Seulement deux des neuf étudiantes finissantes ont réussi l’épreuve.
Ce sont des résultats décevants mais aussi très étonnants selon le directeur des études Serge Rochon. Il souligne que les taux de réussite sont habituellement beaucoup plus hauts.
Les étudiantes du cégep de la Gaspésie et des Îles ne sont pas les seules à avoir eu des difficultés avec le dernier examen de l'Ordre. Le taux de réussite pour l’ensemble des personnes se présentant pour la première fois à l’examen s’est élevé à 51,4 %, un des plus bas jamais obtenu.
Pour le moment, l'Ordre justifie ce taux d’échec à l’épreuve d’entrée par la pandémie.
Le président de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, Luc Mathieu, plaide que les cours à distance et l’accès difficile aux laboratoires et aux milieux de stages ont perturbé l'apprentissage des étudiantes.
La pandémie a bousculé bien des choses, selon lui : Les écoles étaient en adaptation pour enseigner convenablement. En plus, les campagnes de vaccination ont mobilisé beaucoup d’étudiantes pour qu’elles donnent un coup de main.
D'autres explications?
Serge Rochon doute de cette réponse. On trouve que dans ces explications, la pandémie a le dos trop large parce que ça n’explique pas tout
, lance-t-il. Il observe qu'en 2021, soit en pleine pandémie, les résultats ont été de 100 %.
Selon lui, tout le réseau collégial a besoin d'éclaircissements et veut comprendre ce qui s'est passé.
« Je juge que l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec manque de transparence dans ce dossier. »
En fait, le directeur des études se questionne quant aux intentions de l’Ordre. Il craint que l'admission des infirmières diplômée au baccalauréat soit favorisée au détriment de celles qui obtiennent un diplôme d'études collégiales.
Il rappelle qu'au printemps dernier, l'Ordre a remis un mémoire à l’Office des professions du Québec.
Ce mémoire avait pour but de rendre obligatoire l’obtention d’un diplôme universitaire pour les prochaines professionnelles en soins infirmiers. Alors que nous, on n’est pas d’accord, on estime que la formation collégiale existe depuis la création des cégeps et reste d’excellente qualité
, indique M. Rochon.
Le directeur des études fait valoir que les cégeps sont répartis sur tout le territoire du Québec, ce qui aide au recrutement du personnel infirmier dans nos régions.
Il se dit préoccupé de voir ces mauvais résultats dissuader certaines étudiantes à s’inscrire à la formation collégiale en soins infirmiers.
Une fausse nouvelle selon l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec
Pour le président de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, ces allégations ne tiennent pas la route puisque les examens n'ont pas changé depuis 2018.
L’examen n’a pas changé dans sa forme ni dans sa nature. Les questions et les situations cliniques qui y figurent ont été réfléchies et élaborées par des professeurs collégiaux et universitaires. D’autant plus que les examens restent les mêmes au cégep et à l’université
, souligne-t-il.
Il explique que les examens sont conçus à partir des notions et connaissances qui sont vues au collégial. Celles vues à l’université n’y figurent pas. [...] Si on fait la promotion du baccalauréat, ce n’est pas parce qu’on discrédite le programme collégial, bien au contraire, c’est juste que certaines notions ne sont pas vues au cégep.
Une enquête en cours
Le commissaire à l'admission aux professions poursuit présentement une enquête pour comprendre les causes de ces taux d'échecs très élevés.
Dans un premier rapport rendu public en janvier, le commissaire André Gariépy a évoqué des éléments préoccupants
, affirmant que des candidates et des candidats ont vraisemblablement subi un préjudice
.
Au Québec, près de la moitié des 3000 infirmières qui ont passé l’examen le 26 septembre devront le reprendre pour obtenir leur droit d'exercice.
Depuis 2018, le taux de réussite s’élevait en général entre 71 % et 96 %.