Il vaudrait mieux retourner à l’école rapidement après une commotion cérébrale
Le bienfait d’un retour hâtif serait plus grand chez les jeunes les plus symptomatiques, affirment des chercheurs canadiens.

Il n’existe pas de test unique permettant de diagnostiquer définitivement une commotion cérébrale.
Photo : iStock
Un retour rapide à l’école, moins de deux jours après une commotion, a été associé à un meilleur rétablissement dans les deux semaines suivantes chez des jeunes âgés de 8 à 18 ans, lors d’une étude menée auprès de 1630 jeunes traités dans neuf services canadiens d’urgence pédiatrique.
Notre étude montre que les enfants devraient retourner à l’école de façon sécuritaire le plus vite possible, même s’ils éprouvent encore des symptômes, car cela les aidera à se rétablir
, affirme la neuropsychologue Andrée-Anne Ledoux, l’une des auteurs de l’étude pilotée par le Dr Roger Zemek, scientifique principal à l’Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario (CHEO).
Leurs résultats montrent également que les bienfaits d’un retour hâtif étaient plus grands chez les jeunes qui étaient les plus symptomatiques.
« Un retour rapide à l'école empêche l'effet d'isolement social. […] Cela réduit aussi le stress de manquer trop de jours d'école et de prendre du retard. Il permet également de retourner à un rythme normal de sommeil/éveil, une routine qui est très importante pour les enfants. »
Lorsqu’on retourne à l'école, on peut aussi recommencer à faire de l'activité physique légère ou modérée, de façon sécuritaire
, ajoute la chercheuse.
Repères
- Lors d’un choc, le cerveau se déforme et les fibres nerveuses se rompent en heurtant les parois internes du crâne : c’est la commotion cérébrale.
- L'activité chimique et électrique dans le cerveau peut ensuite être perturbée pendant des jours, voire des semaines.
- Les dommages au cerveau ne sont habituellement pas décelés par les examens d’imagerie (radiographie, tomodensitométrie) ou par d’autres tests (sanguins et salive).
- Un diagnostic est établi en observant certains symptômes qui incluent étourdissements, confusion, mal de tête et de cœur, vision brouillée et sensibilité à la lumière.
- Une commotion mal soignée peut augmenter les risques de perte de mémoire, de problèmes de concentration, de dépression, de problèmes de jugement, et même de démence.
Des recommandations qui évoluent
Cette nouvelle étude s’inscrit dans un courant relativement récent qui remet en question les balises passées qui conseillaient aux parents de garder les jeunes à la maison pour qu’ils se reposent dans un isolement presque total jusqu’à la disparition des symptômes.
Avant les études du groupe de Roger Zemek, on se basait plus sur l’intuition
, explique l’expert des commotions cérébrales Dave Ellemberg, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, qui n’a pas participé à l’étude.
« Les enfants devaient pratiquement rester dans le noir – pas de télé, pas de réseaux sociaux, pas d’ordi – au lit pendant deux à trois semaines, jusqu'à la disparition des symptômes. »
On réalisait qu’à la longue, les symptômes s'aggravaient parce que les jeunes étaient pris un peu dans une torpeur. Ils devenaient plus apathiques, plus amorphes
, ajoute le professeur.
Depuis quelques années, cette période de grande noirceur
dans le traitement des commotions semble être chose du passé. Il faut savoir que ces mesures de précaution reposaient sur peu de données scientifiques. L’étude des commotions cérébrales est un domaine relativement récent
, note Andrée-Anne Ledoux.
Une vaste étude
Les présents résultats publiés dans le JAMA Network Open (Nouvelle fenêtre) (en anglais) ont été obtenus à partir de la plus importante étude de cohorte prospective de commotion cérébrale pédiatrique réalisée à ce jour. Elle a été menée entre août 2013 et juin 2015 avec plus de 3000 jeunes participants.
Andrée-Anne Ledoux estime que, depuis la publication en 2017 des premiers résultats obtenus à l’aide de cette étude, il est de plus en plus clair que l’on doit apporter des changements et ramener les enfants à l’école le plus tôt possible
.
« En fait, ces recherches montrent l’une après l’autre qu'une reprise rapide des activités, éducatives comme sportives, est bénéfique après une commotion cérébrale, tant qu'elle [est] bien encadrée. »
De son côté, le professeur Dave Ellemberg souligne, comme ses auteurs d’ailleurs, que l’étude ne permet pas d’établir de lien de causalité entre le moment du retour à l’école et la réduction des symptômes associés à la commotion. Il pense que les résultats, qui évaluent de façon un peu plus objective le temps de récupération en fonction de l'effort physique et de l'effort mental
, doivent toutefois être évalués avec quelques bémols.
« C'est très intéressant de travailler avec de grosses cohortes dans le monde médical, mais on peut y perdre des nuances et certaines informations. Des informations qui sont critiques dans des cas comme la commotion cérébrale où il existe d’énormes variabilités interindividuelles, c'est-à-dire que deux personnes n’évoluent pas de la même façon. »
Le professeur Ellemberg relève également que les résultats ont été obtenus à partir des informations recueillies auprès de 1600 des 3000 participants.
Andrée-Anne Ledoux explique que certains des participants ont été retirés de l’étude parce qu’ils ne satisfaisaient pas tous les critères comme, par exemple, qu’ils n’avaient simplement pas répondu au questionnaire après deux semaines du retour à l'école.
N’empêche, on perd ainsi 50 % des données. Il y a peut-être des histoires dans les données qu’on a perdues
, estime Dave Ellemberg.
Le chercheur relève aussi qu’un autre facteur peut nuire à l’interprétation des résultats : les suivis ont été réalisés à l’aide de questionnaires en ligne ou téléphoniques. Ainsi, aucune évaluation exhaustive individuelle n’a été faite.
« Les enfants ou les parents n’ont pas été rencontrés. [...] Quand on remplit des questionnaires, on a tendance à vouloir aller au plus vite, au plus efficace. On peut ainsi manquer des détails. »
En outre, le professeur Ellemberg relève que la grande quantité de participants empêche de réaliser des analyses de strates avec de petits sous-groupes selon certaines caractéristiques. L'expert s’interroge également sur le fait qu’il n’y ait pas eu de suivi à court terme.
Ce qu'on ne sait pas [dans les travaux], c'est l'évolution des symptômes des jeunes 24 heures après la visite à l’urgence. Ce sont des jeunes qui présentent des symptômes, mais dont on n'a pas le suivi de l’évolution à court terme. Serait-il possible que ceux qui ne sont pas retournés à l'école plus rapidement présentaient une évolution moins favorable le jour deux, le jour trois ou le jour quatre?
, se questionne le professeur Ellemberg.
« Quand les maux de tête et la nausée augmentent après 48 heures et qu’ils ont du mal à dormir et à se concentrer, ça devient un cercle vicieux. C'est certain qu’ils ne peuvent pas aller à l'école le troisième jour avec des maux de tête intenses. »
Il y a des nuances dans l’évolution des symptômes qu'on ne voit pas avec leurs lentilles. Il ne faut juste pas penser qu’il existe une recette qu'on applique à tout le monde
, insiste le professeur Ellemberg.
Un patient à la fois
Pour Andrée-Anne Ledoux, nous n’assistons pas à la naissance de deux écoles de pensées, les approches à courte ou à long terme, pour baliser le retour à l’école après une commotion. Elle estime que les résultats des études plus récentes tendent tous à montrer que l’ancienne approche, le repos complet jusqu'à ce que l'on soit asymptomatique, n’est pas l’approche idéale
. La chercheuse insiste sur l’importance de la collaboration entre les divers intervenants pour guider la réinsertion scolaire.
« Tous les enfants ne sont pas pareils et les symptômes sont différents. Ce qui est important, c'est que l'enfant, sa famille, les professionnels de la santé et les écoles travaillent ensemble pour parvenir à des mesures d'accommodation pour permettre un retour à l'école sécuritaire. »
Une idée que partage le professeur Ellemberg, pour qui l'évaluation du retour à l'école demeure du cas par cas.
« Dans un monde idéal, on veut que les jeunes retournent sur les bancs d'école le plus tôt possible, mais dans le respect de l'évolution de leurs symptômes. »
Le professeur Ellemberg estime ainsi que le retour doit s’effectuer lorsque [...] la majorité des symptômes se sont atténués, et que certains sont disparus. Il faut se trouver sur une pente d'amélioration avant de faire un retour à l'école.
L’Agence de la santé publique du Canada estime que 200 000 commotions cérébrales se produisent chaque année au pays, les enfants et les jeunes étant les plus frappés.