Iran : deux ex-dirigeants réclament des changements politiques profonds
Le gouvernement du pays va gracier de nombreux condamnés, alors qu'une journaliste a été arrêtée et qu'un autre a été condamné.

Mir Hossein Moussavi, ancien premier ministre iranien, propose un référendum sur la nécessité ou non de rédiger une nouvelle constitution. (Photo d'archives)
Photo : afp via getty images / -
Deux anciens dirigeants de la République islamique d'Iran, Mohammad Khatami et Mir Hossein Moussavi, ont réclamé dimanche des réformes politiques pour tenir compte de la contestation déclenchée par la mort de Mahsa Amini.
À l'approche du 44e anniversaire de la révolution islamique de février 1979, l'un des principaux opposants du pays, l'ancien premier ministre Mir Hossein Moussavi, a appelé à un changement fondamental
du système politique, qui fait face à une crise de légitimité
.
Ce qui est évident aujourd'hui, c'est un mécontentement généralisé
, a de son côté affirmé le chef de file du mouvement réformateur, l'ancien président Mohammad Khatami, dans un communiqué publié dimanche.
Il souhaite que le recours à des méthodes civiles non violentes
puisse forcer l'État à changer sa démarche et engager des réformes
.
L'Iran et les Iraniens ont besoin et sont prêts pour un changement fondamental, dont les grandes lignes sont tracées par le mouvement pur Femmes-Vie-Liberté
, souligne pour sa part M. Moussavi dans un communiqué publié sur son site et repris dimanche par les médias locaux.
Il fait ainsi référence au principal slogan des manifestations organisées à la suite de la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée par la police des moeurs qui l'accusait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique.
Pour l'opposant, ce mouvement de contestation est intervenu dans un contexte de crises interdépendantes
qui sont économique, environnementale, sociale, de légitimité, culturelle et médiatique
.
Mir Hossein Moussavi propose que soit organisé un référendum libre et juste sur la nécessité ou non de rédiger une nouvelle constitution
, car la structure
actuelle du système est insoutenable
.
Des protestations de longue date
Candidat malheureux à la présidentielle de 2009, M. Moussavi avait pris la tête de la contestation contre la réélection du président sortant Mahmoud Ahmadinejad, en dénonçant des fraudes massives.
Aujourd'hui âgé de 80 ans, l'ancien premier ministre de 1981 à 1989 est depuis 12 ans en résidence surveillée à Téhéran avec son épouse, Zahra Rahnavard, sans avoir été inculpé.
Comme lors de la Révolution du peuple en 1979
, la population a droit à des révisions fondamentales afin [...] d'ouvrir la voie à la liberté, à la justice, à la démocratie et au développement de l'Iran
, ajoute-t-il dans son communiqué.
« Le refus des dirigeants de faire le moindre pas vers la réalisation des droits des citoyens définis dans la constitution actuelle [...] a découragé la société de mener une réforme dans le cadre de la structure existante. »
De son côté, Mohammad Khatami, 79 ans, déplore qu'il n'y ait aucun signe de la volonté du pouvoir de se réformer et d'éviter les erreurs
.
Président de 1997 à 2005 avant d'être contraint au silence, il regrette que la population soit désespérée du système en place
.
Amnistie de nombreux condamnés
Le guide suprême de la révolution iranienne, l'ayatollah Ali Khamenei, a quant à lui décidé de gracier des dizaines de milliers
de détenus, dont nombre de personnes arrêtées lors des récentes manifestations antigouvernementales, rapportent dimanche les médias officiels iraniens.
Tous les manifestants arrêtés depuis la mort en détention de Mahsa Amini ne sont cependant pas concernés par cette grâce proposée par le chef du système judiciaire iranien, Gholamhossein Mohseni Ejei, selon ces mêmes médias.
Sont également exclus de l'amnistie les accusés d'espionnage, de meurtres et de blessures intentionnelles, de destruction et d'incendies contre des installations gouvernementales, militaires et publiques
, affirme un communiqué du gouvernement publié dimanche.
Selon Hrana, l'agence de presse des militants des droits de l'homme iraniens, quelque 20 000 personnes ont été arrêtées depuis le début des manifestations, qui ont parfois tourné à l'émeute et ont été accompagnées d'une répression meurtrière des forces de sécurité. Plus de 500 personnes ont été tuées, dont 70 mineurs, d'après les ONG des droits de l'homme.
Dans une lettre adressée à Ali Khamenei, Gholamhossein Mohseni Ejei a justifié sa demande de grâce par le fait que, selon lui, de nombreuses personnes, notamment les jeunes, ont commis de mauvaises actions et des crimes en raison de l'endoctrinement et de la propagande de l'ennemi
.
Les plans des ennemis étrangers et des courants contre-révolutionnaires ayant échoué, beaucoup de ces jeunes regrettent leurs actions
, ajoute le chef du pouvoir judiciaire, à l'heure où l'intensité des manifestations a fortement diminué.
Le guide suprême, cible directe de nombreux protestataires, a approuvé la demande de grâce à l'occasion de l'anniversaire de la révolution islamique de 1979.
Une journaliste arrêtée, un autre condamné
Par ailleurs, la cheffe du service société du quotidien Ham Mihan, Elnaz Mohammadi, a été arrêtée dimanche à Téhéran après sa convocation
, a annoncé le journal réformateur Shargh sur son site, sans plus de précisions.
Elle est la soeur de la journaliste de Ham Mihan Elaheh Mohammadi, détenue depuis septembre dans la prison d'Evine, à Téhéran.
En novembre, l'autorité judiciaire a inculpé Elaheh Mohammadi de propagande contre le système
et de complot contre la sécurité nationale
pour avoir couvert l'affaire Mahsa Amini.
La justice a en outre condamné à un an de prison le journaliste Hossein Yazdi, incarcéré depuis le 5 décembre à Ispahan, a mentionné Shargh.
M. Yazdi était le directeur du site d'actualité politique Mobin 24, basé dans cette ville.
L'Association des journalistes de Téhéran a souligné début janvier que plus de 30 journalistes iraniens étaient toujours incarcérés en lien avec les manifestations.
Fin octobre, plus de 300 journalistes et photojournalistes iraniens avaient critiqué les autorités dans une lettre ouverte pour avoir arrêté [leurs] confrères et pour les avoir privés de leurs droits
, notamment l'accès à leurs avocats
.