Pour le Nouveau-Brunswick, tout nouveau transfert en santé doit venir sans condition

Le Nouveau-Brunswick souhaite obtenir une augmentation des transferts fédéraux en santé.
Photo : Radio-Canada / Patrick Lacelle
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick souhaite une augmentation des transferts fédéraux en santé sans condition. L'opposition souhaite, elle, que ces fonds soient contrôlés pour s'assurer qu'ils aillent effectivement au système de santé publique.
Les provinces canadiennes souhaitent que les transferts fédéraux en santé passent de 22 % des coûts à 35 %. Sans donner de détails, le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, a évoqué des investissements à long terme et des montants additionnels. Certaines informations laissent entendre qu’il pourrait y avoir un plan sur 10 ans.
Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, accepte le principe de priorités générales sur lesquelles pourraient s’entendre le fédéral et les provinces. Je crois fermement que toutes les régions du pays devraient offrir des soins de santé à des niveaux auxquels nous pouvons nous attendre, peu importe où nous vivons
, soutient-il.
Parmi les éléments qui pourraient être des priorités communes, on mentionne par exemple les retards dans les interventions chirurgicales, la santé mentale, l’accès aux services de santé familiale, les soins de longue durée et à domicile, le partage des données et les soins virtuels.
Toutefois, Blaine Higgs refuse qu’Ottawa impose aux provinces la façon d’investir les fonds en fonction des priorités identifiées. Je pense que vous devez laisser aux provinces le soin d'atteindre ce niveau de performance, car cela devient plus sensible pour certains que pour d'autres. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral devrait dicter ce que nous devons faire de cette manière
, insiste-t-il.
Des priorités qui ne sont pas des conditions
La discussion semble porter davantage sur des priorités communes que sur des conditions comme telles.
L’économiste Richard Saillant ne s’attend pas à ce qu’Ottawa tente d’imposer des conditions strictes sur l’utilisation des fonds fédéraux.
Historiquement, on n'est pas allés beaucoup plus loin qu'exprimer des vœux pieux jusqu’à un certain point, et s’engager à partager de l’information. Est-ce que cette fois-ci sera la bonne? J’en doute fort, simplement parce que je ne peux pas m’imaginer que le Québec accepte qu’il y ait des conditions sur le financement
, estime-t-il.
Selon lui, Ottawa pourrait agir pour des motifs politiques, plus que pour vraiment contrôler la façon dont les fonds sont dépensés.
L’impératif que ressent Ottawa pour l’instant, c’est véritablement d’avoir l’air de faire quelque chose au niveau de la santé, et l’unique instrument qui est à la disposition d’Ottawa, ou à peu près, c’est le transfert canadien pour la santé. [...] Les provinces se disent qu’éventuellement Ottawa va devoir cracher le morceau, ne serait-ce que pour des raisons électorales
, estime Richard Saillant.
Plusieurs souhaiteraient qu’Ottawa exerce un plus grand contrôle
Les libéraux, à Fredericton, souhaitent qu’il y ait davantage de conditions imposées en ce qui a trait aux transferts en santé. Le chef de l’opposition officielle, Robert McKee, craint que les nouveaux fonds servent simplement à gonfler le surplus budgétaire de la province.
S’ils reçoivent de nouveaux transferts, il faut assurer que ça va pour la raison pourquoi on donne l’argent, et non pas pour les mettre sur leur surplus
, dit-il.
Le chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick, David Coon, a aussi des craintes. Selon lui, tout argent consenti devrait aller dans le système de santé publique et non dans des établissements de santé privés.
Le porte-parole d’Égalité Santé en français, Jacques Verge, souhaite quant à lui qu’il soit possible de savoir à quoi serviront, exactement, les fonds fédéraux. Et selon lui, le fédéral devait s’assurer que les régies de santé Vitalité et Horizon soient traitées équitablement.
Il faut, dit-il, que des fonds soient réservés pour la communauté francophone et la communauté anglophone et qu’on puisse voir des résultats au niveau de la régie Vitalité.
Pour sa part, sans parler de conditions imposées par Ottawa, la présidente de la Société médicale du Nouveau-Brunswick (SMNB), la Dre Michèle Michaud, souhaite que les fonds fédéraux soient dirigés là où les besoins sont criants.
La réforme des soins primaires est certainement l'une des grandes priorités de la SMNB
, souligne-t-elle.
Une occasion pour le Nouveau-Brunswick de s’enrichir
Selon l’économiste Richard Saillant, l’injection de nouveaux fonds fédéraux pourrait permettre aux conservateurs de Blaine Higgs de poursuivre sur leur lancée de surplus budgétaires.
Pour le Nouveau-Brunswick, je dirais que c’est essentiellement un profit d’aubaine, donc une occasion encore une fois pour le gouvernement de probablement gonfler son surplus, ou du moins, améliorer sa situation financière
, estime-t-il.
Dans les années 2000, l’injection massive de fonds fédéraux en santé avait entraîné une flambée des salaires en santé, ce qui a provoqué une hausse importante des coûts.
« Il faut éviter une escalade dramatique des salaires, et ce qui m’inquiète, c’est que trop d’argent trop rapidement, c’est ce que ça pourrait produire. »
Sauf que la situation n’est pas la même que dans les années 2000, et Richard Saillant croit que les politiciens à Ottawa ne souhaitent pas revivre la même situation.
Je ne suis pas prêt à dire l’escalade des salaires va se produire dans la même mesure que la dernière fois, mais ce que je dirais c’est qu’on se dirige vers là de toute façon, sans augmentation du financement fédéral, parce que les provinces sont aux prises avec des déficits majeurs en matière de main d’œuvre, et il y a inévitablement des provinces qui vont partir le bal.
Selon lui, la part de plus en plus importante du privé en santé pourrait aussi entraîner une hausse des salaires en santé. Lorsqu’on voit la montée des infirmières privées, ça, c’est une façon d’avoir une escalade des dépenses de santé, ces gens-là sont rémunérés beaucoup plus que les infirmières ordinaires. Je pense que l’escalade est déjà, probablement, en gestation, et Ottawa va devoir faire attention.