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En Alberta, les universités devront prouver qu’elles assurent la liberté d’expression

Vue aérienne de l'Université de Lethbridge au crépuscule.

L’Université de Lethbridge a annulé une conférence que Frances Widdowson devait donner sur son campus mercredi.

Photo : Gracieuseté : Université de Lethbridge

Le gouvernement de l’Alberta exigera que les établissements d’enseignement supérieur remettent un rapport annuel au ministère de l'Éducation supérieure sur la façon dont ils assurent la liberté d’expression sur leurs campus.

Les établissements postsecondaires de l'Alberta devraient être des bastions de la liberté d'expression et de la liberté universitaire qui promeuvent la pensée critique, indique le ministre de l’Éducation supérieure, Demetrios Nicolaides, dans un communiqué, ajoutant qu’il continuera d’explorer d’autres moyens pour renforcer la liberté d’expression.

Lors d’une entrevue, le ministre a affirmé que les rapports seront rendus publics annuellement. L’entrée en vigueur de ce nouveau programme n’est pas encore déterminée.

Le ministre Nicolaides prévoit de s’asseoir avec les établissements pour déterminer quelle forme les rapports devraient prendre.

Le rapport que nous sommes en train d'élaborer servira d’outil de responsabilisation et de sensibilisation du grand public, explique-t-il. Chaque établissement individuel se verra attribuer une sorte de score en fonction de cette évaluation.

Les rapports relèveront probablement des politiques de liberté d'expression déjà en place dans les divers établissements, souligne-t-il.

Selon le ministre, ils s’inspireront des textes de loi et documents fédéraux, comme la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que de l'interprétation des tribunaux, afin de définir les lignes directrices.

[Il s’agit d’une] étape importante pour aider les universités de l'Alberta à remplir leur mission de recherche de la vérité par les échanges ouverts et le débat d'idées, dit Zachary Patterson, professeur agrégé à l’Institut d'ingénierie des systèmes d'information de l'Université Concordia, dans le communiqué de la province.

Cette mesure s’ajoute à l’obligation des 26 établissements postsecondaires financés par l'État en Alberta de souscrire aux principes de Chicago, selon lesquels les universités doivent promouvoir la liberté de débat et la protéger contre des restrictions éventuelles, ou d'élaborer une politique distincte.

Lundi, l’Université de Lethbridge a décidé d'annuler une conférence que Frances Widdowson devait donner deux jours plus tard. L'Université a évoqué des propos controversés tenus antérieurement par cette dernière, notamment sur les pensionnats pour Autochtones, pour expliquer sa décision.

La province a annoncé dans la foulée, mardi, qu’elle s’apprêtait à prendre de nouvelles mesures pour renforcer la liberté d'expression dans les universités de la province.

L’Association étudiante de l’Université de Calgary est solidaire de ses homologues de l'Université de Lethbridge, indique-t-elle dans un communiqué.

Les étudiants de l'[Université de Lethbridge] ont clairement fait savoir qu'ils n'avaient aucun intérêt à entendre une conférence qui nie la nature génocidaire des pensionnats et les dommages durables que ces institutions ont causés aux peuples autochtones. Cette décision doit être respectée, peut-on lire.

Selon eux, la liberté d’expression a des limites et doit se faire dans la mesure où elle n’incite pas la haine et la discrimination.

Nous pensons fortement que ce n'est rien de plus que la politisation d'un problème inexistant. L'association estime que [cette nouvelle mesure] n'est pas nécessaire [...] nous pensons que la liberté d'expression sur le campus n'est pas menacée et ce n'est pas une préoccupation que nous avons entendue de la part des étudiants, a affirmé Nicole Schmidt, présidente de l’Association lors d’une entrevue vendredi.

Même si l’[Association canadienne des professeures et professeurs d'université] se fait championne de la liberté universitaire de la liberté d'expression sur les campus, elle défend également le principe de l'autonomie des universités, indique son directeur général David Robinson, dans un courriel.

« Le gouvernement ne peut et ne doit pas dicter la façon dont les universités gèrent leurs affaires académiques internes. »

— Une citation de  David Robinson, directeur général de l’Association canadienne des professeures et professeurs d'université

Yves Gingras, professeur d’histoire et de sociologie des sciences à l’Université du Québec à Montréal, croit qu’un gouvernement a la légitimité d’obliger les établissements de se doter de mécanismes qui rendent réelle la liberté universitaire.

Il ne suffit pas de demander à l’université qu’elle déclare qu’elle est pour la liberté académique, précise-t-il. Elle va dire oui. Il faut lui dire qu’il y a un mécanisme qui permet aux professeurs qui se sentent lésés dans leur liberté, de formuler une plainte à un comité qui lui va trancher en disant oui l'université a eu tort d’annuler la conférence.

Il cite, par exemple, la Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire au Québec. Cette loi donne au ministre de l’Enseignement supérieur le droit d’apporter des correctifs nécessaires dans les établissements d’enseignement jugés non conformes.

[L’État] n’est pas en train de dire ce qu’est la liberté universitaire, explique Yves Gingras. Il est en train d’imposer que les universités soient cohérentes avec ce qu’elles disent et non pas en contradiction.

« C’est un sophisme de dire qu’intervenir c’est limiter la mission de l’université au contraire, c’est de la rendre effective. »

— Une citation de  Yves Gingras, professeur d’histoire et de sociologie des sciences à l’Université du Québec à Montréal

Il rappelle qu’il est essentiel que les professeurs et enseignants soient dotés d’une liberté universitaire, soit le droit inaliénable d’enseigner sur tous les sujets, dans toutes les disciplines et de faire de la recherche [...] sans aucune contrainte morale, religieuse, idéologique ou politique.

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