Une femme d’Edmonton privée de ses enfants depuis près de six ans

Ama Dogbefou est entrée au pays en tant que demandeuse d’asile avant d’avoir été acceptée comme réfugiée 14 mois plus tard.
Photo : iStock
Soixante-cinq. C’est le nombre de mois qu’Ama Dogbefou, une migrante originaire du Togo qui vit maintenant à Edmonton, a passé sans ses enfants. Après avoir célébré un sixième Noël loin d’eux, elle se dit « désespérée » et se demande pourquoi cela prend autant de temps pour que ses fils puissent la rejoindre au Canada.
« Ce n’était pas facile pour moi de quitter mes enfants. Je n’ai jamais, jamais [imaginé] que je serais obligée de laisser mes enfants un jour. C’était un cas de force majeure. »
La Togolaise est arrivée au Canada en octobre 2017, laissant derrière elle ses fils de 2 et 10 ans à l’époque.
En 2017, l’opposition a fait une révolution pour revendiquer certaines choses [...] et moi, j’avais participé à la marche et j’ai été poursuivie par la police, raconte-t-elle. J’ai été sauvée par l’un des policiers et j’ai été obligée de quitter mon pays rapidement après et je suis arrivée au Canada.
Ama Dogbefou est entrée au pays en tant que demandeuse d’asile avant d’être acceptée comme réfugiée en 2019. Elle a aussitôt fait des demandes de résidence permanente pour ses enfants et elle. Le 4 juin 2021, sa demande a été approuvée, et le traitement de celle de ses enfants a débuté.
Selon un courriel du bureau du député d’Edmonton-Centre, Randy Boissonnault, le 9 décembre 2021, leurs dossiers sont toujours en cours d’examen à Accra, au Ghana, où les dossiers canadiens des demandeurs togolais sont traités.
En tant que mineurs, les enfants d'Ama Dogbefou ne doivent normalement passer qu'un examen d'admissibilité et un examen médical, mais aucune de ces évaluations n'a encore commencé, précise le courriel.
Selon Ama Dogbefou, à ce jour, on ne lui a toujours pas demandé de fournir ses documents.
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Elle confie que ses enfants trouvent cela difficile, en particulier parce ce qu’ils ont dû changer de famille six fois et d’école cinq fois et ont dû être séparés pendant deux ans pour des raisons de sécurité. Depuis septembre 2022, ils vivent avec la tante d’une amie.
« C’est comme si je suis en train de manquer leur vie, et eux aussi sont en train de manquer [la mienne]. »
La mère de famille souhaiterait pouvoir retrouver ses enfants cette année. Je n'en peux plus, c'est compliqué, c'est difficile pour moi
, explique-t-elle.
Elle aimerait que les gouvernements revoient les processus de traitement des dossiers des enfants.
Trouver la source du problème
Attendre quatre ans pour que les membres d'une famille soient réunis, c'est long. C'est inhabituel
, affirme Rowan Fisher, fondatrice, avocate et directrice de Fisher Law, un cabinet d'avocats spécialisé dans le droit de l'immigration et des réfugiés, à Calgary.
Les examens médicaux n'ont pas encore été faits. [...] La question est de savoir pourquoi. Pourquoi en un an et huit mois, alors que des enfants sont concernés, l'examen médical n'a-t-il pas été ordonné?
, dit l’avocate.
Selon elle, Ama Dogbefou aurait dû recevoir une notification demandant que ses enfants procèdent à un examen médical dans les 30 jours suivants.
Rowan Fisher dit qu’il est important pour le demandeur de bien comprendre pourquoi le traitement de son dossier prend autant de temps, de trouver la source du problème.
« Est-ce du côté du demandeur et de la demande ou est-ce que cela se passe au niveau du gouvernement? Ou est-ce que c'est perdu dans un cercle sans fin? »
Elle recommande de s’informer auprès des représentants et des spécialistes juridiques lorsque les délais commencent à être longs afin d'entamer un processus d’enquête.
Parfois, note-t-elle, le problème peut tout simplement venir d'un courriel qui se retrouve dans la boîte de pourriels.
Toutefois, dans le cas d'une demande parfaite
, les demandeurs de résidence permanente doivent contacter Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) ou le bureau des visas et signaler qu’il y a un problème.
Ils peuvent ensuite, en tout dernier recours
, aller à la Cour fédérale et demander qu’elle décerne un mandamus ordonnant à IRCC d’agir.
Les demandeurs peuvent également s’allier à un député afin qu’il communique avec IRCC
en leur nom, ajoute-t-elle.Plusieurs facteurs peuvent jouer un rôle
Dans une réponse par courriel, IRCC
soutient que plusieurs facteurs peuvent influer sur le temps nécessaire au traitement d’une demande.Il cite notamment la qualité et la rapidité avec lesquelles les demandeurs répondent aux demandes d’IRCC [...], la facilité avec laquelle IRCC peut vérifier les renseignements fournis, la complexité d’une demande, ainsi que la capacité et les ressources des centres de réception des demandes de visa et des bureaux des visas
.
Rowan Fisher ajoute que des événements mondiaux comme la guerre en Ukraine, la reprise de contrôle des talibans en Afghanistan, ou encore la pandémie de COVID-19, ont également joué un rôle dans les retards.
Le bureau du ministre d'IRCC
, Sean Fraser, affirme ne pas pouvoir commenter le dossier d'Ama Dogbefou.À l’heure actuelle, les délais de traitement d'une demande de résidence permanente pour des membres de la famille à charge de personnes protégées lorsqu'ils habitent à l’extérieur du Canada, ne sont pas affichés sur le site d'IRCC
.