Être Noir dans le Grand Vancouver : « Je me sentais comme une licorne »
Selon le recensement de 2021, la Colombie-Britannique compte 61 760 personnes noires, soit un peu plus de 1,2 % de la population.

Murale commémorative de la communauté noire de Vancouver peinte sur des logements temporaires installés près du viaduc de la rue Dunsmuir, là où se trouvait le quartier noir jusqu'à sa destruction.
Photo : Radio-Canada / Justine Boulin
En Colombie-Britannique, la communauté noire est petite et dispersée à travers la province. Difficile, dans ce contexte, de tisser des liens ou de trouver facilement le soutien de ses semblables. À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, trois Britanno-Colombiens de la communauté racontent leurs expériences de connexion en tant que Noirs dans le Grand Vancouver et partagent leurs espoirs pour l’avenir.
En grandissant à Coquitlam, à une trentaine de kilomètres de Vancouver, à la fin des années 1980, Adel Gamar voyait très peu de gens comme lui. Rencontrer une autre personne noire était, à ce moment, une expérience rare, se souvient-il.
Il y avait ce sourire et ce léger signe de reconnaissance qui veut dire "je te vois"
, raconte celui qui a présenté sa candidature à la mairie de Coquitlam lors des deux dernières élections municipales.
Le professeur à l'Université de la Colombie-Britannique (UBC) et directeur du Centre pour la culture, l’identité et l’éducation, Handel Kashope Wright, a quant à lui quitté les États-Unis pour s'installer à Vancouver en 2005. Il a été surpris de la petite concentration
de personnes noires dans la métropole.
À l’instar d’Adel Gamar, il estime que le signe de tête noir
est devenu une forme de communication silencieuse, mais cruciale.
Plus la population noire est petite, plus le signe de tête noir est important
, affirme-t-il.
Racisme et isolement
Denise Nana-yaa Obuobi a connu un profond sentiment d’isolement après avoir quitté Edmonton pour s'installer à Vancouver.
Elle raconte que les commerces ne vendaient pas de produits pour les cheveux des personnes noires, une situation qu'elle n'avait jamais rencontrée dans la ville albertaine.
Je me sentais comme une licorne, se souvient-elle. Je ne voyais personne comme moi.
Elle a également été confrontée à du racisme. Lorsqu'elle a emménagé dans un appartement à Yaletown, au centre-ville de Vancouver, quelqu’un a laissé une note sur sa porte lui disant de retourner dans un logement social.
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Denise Nana-yaa Obuobi n’a pourtant pas baissé les bras. J'ai donc continué à persévérer, ce qui n'était pas facile en tant que mère célibataire n'ayant ni famille ni partenaire ici
, déclare-t-elle.
Pour trouver du soutien et bâtir des relations, elle s’est mise à visiter des entreprises appartenant à des personnes noires, où elle a pu trouver du soutien.
En Colombie-Britannique et dans le Grand Vancouver, on a le sentiment de veiller les uns sur les autres et d'apprécier le fait que nous sommes une minorité
, confirme Adel Gamar.
Le déplacement des années 1970
La population noire de la Colombie-Britannique n’a pas toujours été aussi dispersée.
Pendant des décennies, le quartier Hogan's Alley a été un centre dynamique de la communauté noire de Vancouver, avec des restaurants, des églises et des maisons.
Les efforts de la Ville pour changer le zonage du quartier ont cependant compliqué ou empêché les demandes de ses résidents pour obtenir des prêts ou des hypothèques pour leur maison, si bien que les médias d’alors dressaient le portrait d'un quartier où régnaient la misère, l'immoralité et le crime, selon la Société historique de Vancouver.
Finalement, le quartier a été rasé dans les années 1970 pour laisser place à la construction des viaducs Georgia et Dunsmuir, devant faire partie d'un réseau routier qui n'a jamais vu le jour.
C’est ainsi que la communauté noire a été éparpillée.
Je ne pense pas que nous nous soyons vraiment remis de cela
, regrette Handel Kashope Wright.
Mais même si la communauté noire est petite, il affirme qu'elle est forte, en personne et en ligne, grâce à des groupes Facebook notamment, qui comptent des milliers de membres.
Du chemin à faire
Si beaucoup de choses ont changé, les trois Britanno-Colombiens disent qu'il reste encore beaucoup à faire.
Denise Nana-yaa Obuobi souhaite, par exemple, que les municipalités et les entreprises mettent en œuvre et appliquent des politiques de lutte contre le racisme.
De son côté, Handel Kashope Wright souligne que même si l’UBC a fait des progrès en matière d'inclusion, cela laisse encore à désirer, en raison de la faible population d'étudiants et d'enseignants noirs, de l'absence d'études complètes sur les Noirs et d'espaces réservés à la communauté sur le campus.
Le Mois de l'histoire des Noirs est en fin de compte une occasion de réfléchir, conclut Adel Gamar.
C'est une célébration de la communauté, des gens qui se rassemblent, de la musique et de l'art et des contributions que les Noirs ont apportées au Canada.
D’après les informations de l’émission The Early Edition