Un Torontois gai conteste la mesure de Santé Canada qui lui interdit de donner son sperme
La directive considère que les homosexuels et bisexuels sont des donneurs « inaptes » et que des mesures doivent être prises pour refuser leur sperme.

Un Torontois soutient que la directive de Santé Canada, qui interdit aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes de donner leur sperme, est anticonstitutionnelle.
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Un résident de Toronto conteste devant un tribunal ontarien la directive de Santé Canada qui interdit aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes de donner leur sperme à des banques de fertilité au pays. Il qualifie la mesure de discriminatoire, d'autant qu'il pouvait donner son sperme lorsqu'il était encore dans le placard.
Le plaignant, qui tient à demeurer anonyme, soutient que la directive de Santé Canada brime ses droits inscrits à la Charte canadienne des droits et libertés, et il espère que son recours constitutionnel forcera l'agence à la modifier pour qu'elle soit plus inclusive [sa défense a déposé une requête pour assurer l'anonymat de son client pour des raisons de vie privée, NDLR
].Selon des documents judiciaires dont Radio-Canada a obtenu copie, la directive de Santé Canada considère tous les donneurs homosexuels et bisexuels comme des donneurs inaptes
, quels que soient les facteurs de risque individuels qu'ils représenteraient et les tests rigoureux que l'agence a mis en place pour les banques de sperme au pays.
Or, la politique actuelle de l'agence perpétue, selon la défense du plaignant, les stéréotypes et les préjugés contre les hommes homosexuels et bisexuels, y compris de fausses hypothèses sur leur santé, leurs pratiques sexuelles et leur mérite de participer à la conception d'un enfant
.
Une démarche altruiste
L'avocat du Torontois, Gregory Ko, affirme que la consigne est arbitraire et qu'elle enfreint le droit à l'égalité entre les personnes.
Il explique que son client a été choqué
d'apprendre l'existence d'une telle mesure et qu'il se sent comme un citoyen de seconde classe
.
Ironiquement, le client de Me Ko a aidé un couple de lesbiennes à concevoir un enfant, lorsqu'il n'avait pas encore révélé son homosexualité.
Une fois sorti du placard, il a pris connaissance de la directive lorsqu'il a voulu refaire un don à une banque de sperme de Toronto.
La demande de réclamation cite le Torontois qui souhaite aider des familles de sa communauté à concevoir des enfants, parce qu'il se dit inquiet de la pénurie de sperme dans les banques de fertilité.
Selon Me Ko, la directive est au cœur des obstacles qui subsistent dans la communauté LGBTQ+C'est une atteinte flagrante au droit à l'égalité inscrit dans la Charte
, dit-il.
Une règle inconstitutionnelle
Le document soutient que la consigne est discriminatoire pour de nombreuses raisons.
Elle empêche par exemple les homosexuels de bâtir des relations authentiques et durables avec une famille de receveurs et leurs enfants. Elle leur nie par ailleurs toute possibilité de contribuer à la conception d'un enfant.
La directive perpétue en outre l'exclusion et la marginalisation des homosexuels et des bisexuels dans la société. Il y est mentionné que la directive est donc anticonstitutionnelle et qu'elle ne peut être appliquée.
Me Ko souligne par ailleurs que la mesure ne comporte aucune exception en vertu de facteurs personnels alors que le pays fait face à une pénurie de sperme depuis 2004.
Peu importe leur niveau d'abstinence, leur statut monogame, la stabilité de leur couple, les hommes gais ne peuvent en aucun cas donner leur sperme
, regrette-t-il.
Pourtant, la mesure de Santé Canada interdit à tout homme gai de donner son sperme s'il n'a pas été abstinent sexuellement durant trois mois avant sa contribution.
Il est en revanche écrit que les hommes qui ont des rapports sexuels avec des femmes, quels que soient les facteurs de risque individuels impliqués, ne sont soumis à aucune interdiction ou limitation comparable
.
Selon Me Ko, il reviendra au Procureur général du Canada de démontrer par la science que cette discrimination est justifiée dans la directive de l'agence sur les dons de sperme.
Le parallèle avec le sang
Me Ko fait par ailleurs valoir que les dons de sperme sont très réglementés au Canada, encore plus que le sang, que le sperme fait l'objet de nombreux tests et d'une quarantaine, et que les donneurs sont soumis à un processus de dépistage.
Le sperme est testé de façon extrêmement rigoureuse avant qu'il ne soit remis aux receveurs
, explique-t-il.
L'avocat reconnaît que la situation n'est pas la même que celle concernant les dons de sang. La question du sperme n'a pas reçu la même attention dans la société canadienne
, ajoute-t-il.
Pourtant, l'enjeu devrait être plus facile à résoudre pour Santé Canada, selon lui, puisque chaque don de sperme est testé et l'échantillon est mis en quarantaine durant 180 jours, ce qui n'est pas le cas du sang.
La quarantaine permet de s'assurer que le donneur n'a pas développé une maladie entre le moment où il offre un échantillon de son sperme et celui où son sperme est de nouveau testé, six mois plus tard.
Dans le cas du sang, les donneurs gais ne sont pas testés, c'est plutôt leur sang qui fait l'objet de tests sous forme d'agrégats
, rappelle-t-il.
Me Ko confirme qu'un échantillon de sperme qui serait contaminé ou présenterait une anomalie génétique après une quarantaine est jeté.
Dans un courriel, Santé Canada écrit que son règlement consiste à réduire les risques pour la santé et la sécurité humaines découlant de l'utilisation de spermatozoïdes ou d'ovules aux fins de procréation assistée, y compris le risque de transmission de maladies
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