Des boîtes de dons illégales saisies à Orléans par la Ville d’Ottawa

Les dons étaient déposés puis ramassés, au 2002, boulevard Saint-Joseph.
Photo : Radio-Canada / Rebecca Kwan
La Ville d’Ottawa a saisi, la semaine dernière, deux boîtes de dons illégales situées dans le quartier Orléans. Les boîtes appartiennent à la Fondation Humago, dont le statut d’organisme de bienfaisance a été révoqué par l’Agence du revenu du Canada (ARC) en 2019.
Des dons, tels que des vêtements usagés et des accessoires, y étaient déposés par des résidents, et étaient ramassés par la fondation chaque lundi, comme indiqué sur les boîtes.
Le hic : les boîtes n’étaient pas enregistrées auprès de la Municipalité.
Les Services des règlements municipaux (SRM) ont tenté de joindre, de différentes façons, mais sans succès, les propriétaires de deux boîtes de dons placées illégalement sur un terrain appartenant à la Ville, au 2002, boulevard Saint-Joseph
, relate le directeur du SRM , Roger Chapman.
Au terme d’une enquête de quelques semaines, la Ville a confisqué les boîtes le 23 janvier. Les boîtes ont été retirées et saisies
, confirme M. Chapman. Si les propriétaires communiquaient avec les SRM pour récupérer leurs boîtes, ils recevraient une contravention et devraient payer des frais de saisie.
Le cas échéant, la Ville imposerait aux propriétaires une contravention d’une valeur de 615 $ pour avoir encombré la voie publique en vertu du Règlement sur l’utilisation et l’entretien des routes
, sans compter les frais de retrait et de saisie qui seraient calculés au moment de la récupération des boîtes.
Statut révoqué
La Ville d’Ottawa ne sait pas combien de boîtes de dons de la Fondation Humago se situent sur son territoire, puisque lesdites boîtes ne sont pas consignées dans les registres municipaux.
Pour la délivrance d’un permis d’occupation, la Ville ne prend en considération que les organismes à but non lucratif et elle exige une preuve du statut d’organisme de bienfaisance enregistré, reconnu par l’Agence de revenu du Canada
, explique le directeur des SRM .
Or, selon l’ARC
, la Fondation n'a plus son statut d’organisme de bienfaisance enregistré depuis le 29 novembre 2019.Celui-ci a été révoqué pour défaut d’avoir produit son formulaire T3010, Déclaration de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés, pour son exercice 2017
, confirme la relationniste à l'ARC , Nina Ioussoupova.
Si un organisme de bienfaisance perd son enregistrement pour une raison quelconque, tel que suite à la révocation ou l’annulation de son enregistrement, il peut continuer à être exploité et à mener ses programmes, mais il ne pourra plus s’identifier comme étant un organisme de bienfaisance enregistré
, explique Mme Ioussoupova.
Dans le cas de la Fondation Humago, le numéro d’enregistrement de l’organisme, aujourd’hui révoqué, était toujours bien visible sur les boîtes de dons avant leur saisie.
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Des dons pour des écoles, selon la présidente
La Fondation Humago n'a pas fait suite aux demandes d'entrevue de Radio-Canada.
Avant que les boîtes ne soient saisies, la présidente de la fondation, Marie-Claude Guérin, avait toutefois indiqué par courriel que tous les dons recueillis sont remis aux écoles pour financer des projets
.
Dans le même courriel, Mme Guérin assure que l’organisme n’a que quelques boîtes
en activité.
Si les boîtes qui ont été saisies se trouvaient dans le quartier Orléans, les écoles auxquelles Mme Guérin fait référence sont situées un peu partout à travers le Québec, notamment dans la région de Montréal, selon un site web de la fondation.
Quant à elle, la Fondation Humago, selon le registre des entreprises du Québec, est basée en Montérégie.
Toujours selon le registre des entreprises, la Fondation Humago opère sous divers noms, dont Supers Recycleurs et la Fondation Binefit Canada. Une école de Montréal et une école d'Ottawa ont confirmé à Radio-Canada faire affaire avec les Supers Recycleurs.
Un type de fraude courant
Si un organisme de bienfaisance n’est pas enregistré, oui, c’est considéré comme de la fraude
, explique l’agent de sensibilisation à la clientèle et de communication intérimaire au Centre antifraude du Canada (CAFC), Jeff Horncastle.
Le CAFC
atteste toutefois ne pas avoir reçu de signalements au sujet de la Fondation Humago.M. Horncastle affirme que les fraudes caritatives sont assez courantes au Canada, mais qu’il est difficile d’avoir un portrait précis du phénomène.
Seulement 5 % des victimes signalent au Centre antifraude du Canada
, rappelle-t-il.
Il encourage d’ailleurs les victimes à dénoncer les tentatives de fraude de ce genre au CAFC
et à l'ARC .De son côté, l'organisme Grands Frères Grandes Sœurs de l'Outaouais, qui collecte aussi divers articles et vêtements usagés, déplore la situation.
C’est important que la population sache à qui ils ont affaire quand ils veulent faire des dons
, croit Pierre Deschamps, le président et fondateur de l’organisme.
Le président du comptoir familial de la Société Saint-Vincent de Paul du quartier Pointe-Gatineau, Alain Talbot, est du même avis.
Si quelqu’un n’est pas un organisme reconnu de bienfaisance, et qu’il laisse entrevoir aux gens qu’il l’est pour recevoir des dons, il trompe les gens. Et en plus, il enlève ces boîtes de dons aux organismes communautaires.
La conseillère municipale du quartier Orléans-Ouest-Innes, où se trouvaient les boîtes qui ont été saisies, espère pour sa part que la situation résulte plutôt d’une confusion.
L'organisation ne savait peut-être pas qu'elle devait obtenir un permis et lorsqu'elle a cessé ses activités, elle a oublié de récupérer ses boîtes
, avance Laura Dudas.
Cette dernière déplore cependant ne pas avoir été en mesure de contacter l’organisme pour valider cette hypothèse.
La Ville de Gatineau a adopté, il y a quelques années, une réglementation stipulant que seuls les organismes basés à Gatineau pouvaient opérer des boîtes de dons sur le territoire. Ce n’est pas le cas à Ottawa, mais la Ville précise cependant être en train de revoir son règlement sur les boîtes de dons.