•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Que nous reste-t-il d’Alys Robi?

La première vedette internationale de la chanson du Québec aurait eu 100 ans le 3 février 2023

Portrait d'Alys Robi.

Alys Robi au faîte de sa carrière

Photo : Bruno of Hollywood. Gestion des documents et des archives, Université Concordia. Fonds Al Palmer, P084-05-25.

Alys Robi a brillé sur les plus grandes scènes du monde au début du 20e siècle. Dans la mémoire populaire, le souvenir de son exceptionnelle carrière musicale reste toutefois teinté, encore aujourd’hui, par les électrochocs qu’elle a reçus plus tard dans sa vie. Son 100e anniversaire est l’occasion de s’attarder à l'héritage de la première vedette pop internationale du Québec.

Originaire du quartier Saint-Sauveur, la jeune Alys Robi, mue par une ambition démesurée, devient très tôt l’une des interprètes les plus populaires de la planète.

Elle foule les planches des chics cabarets de New York, de Paris, puis les scènes du Mexique et du Brésil. Représentant le Canada, la chanteuse se produit même lors de la première émission télévisée de la BBC.

Alys Robi participe à la première émission de la BBC.

Alys Robi en prestation lors de la première émission télévisée de la BBC, en Angleterre.

Photo : Rétrospective sur Alys Robi au Musée de la civilisation

Cette fulgurante ascension est toutefois stoppée abruptement à la fin des années 40, à la suite d’un accident d’auto, alors qu’elle conduisait en direction de Las Vegas. Elle est d’abord hospitalisée huit semaines à Los Angeles pour une commotion cérébrale, puis internée, avec l’approbation de son père, à l’hôpital psychiatrique Saint-Michel-Archange, où elle subira une lobotomie et recevra des électrochocs.

La carrière d’Alys Robi ne sera plus jamais la même par la suite. Ni la perception du grand public à son égard. À cette époque, la maladie mentale est taboue.

Et l’ambition des femmes aussi, note Catherine Ferland. Dans son livre primé 15 femmes qui ont fait l'histoire du Québec, cette dernière fait une place de choix à Alys Robi. Pour l’historienne de Québec, la chanteuse dérangeait par sa détermination.

« On sait aujourd’hui que beaucoup de femmes ont été internées dans un institut psychiatrique dans le milieu du 20e siècle parce qu’on les trouvait trop entreprenantes, trop dynamiques, trop ambitieuses. Cette ambition féminine dérangeait. »

— Une citation de  Catherine Ferland, historienne

Elle remarque que plusieurs de ces femmes ont été internées par un homme de leur entourage afin de casser leur caractère. C’est odieux! s’indigne l’historienne.

La chanteuse Alys Robi.

La chanteuse Alys Robi

Photo : Gaby

Sur les traces d’Alys

Est-ce ce tabou qui explique la sobriété des hommages rendus à Alys Robi à Québec, sa ville natale?

Une plaque commémorative installée conjointement par la Ville et le ministère de la Culture et des Communications se retrouve sur la maison du boulevard Charest où elle a grandi.

Des titres de chansons ont été intégrés au trottoir du parc Alys Robi.

Des titres de chansons ont été intégrés au trottoir du parc Alys Robi.

Photo : Radio-Canada / Aude Brassard-Hallé

Toujours dans le quartier Saint-Sauveur, un parc a été nommé en son nom à la suite d’une initiative citoyenne, cinq ans après sa mort, survenue le 28 mai 2011. Des paroles de chansons gravées dans le pavé rappellent ses plus grands succès.

La Ville de Montréal avait inauguré le parc Lady-Alys-Robi trois ans plus tôt.

« Laissez-la toujours chanter », murale en hommage à Alys Robi produite par MU et réalisée par Dan Buller et Rupert Bottenberg pour la collection Les bâtisseurs culturels montréalais, Cabaret Lion d'or, 2013.

« Laissez-la toujours chanter », murale en hommage à Alys Robi produite par MU et réalisée par Dan Buller et Rupert Bottenberg pour la collection Les bâtisseurs culturels montréalais, Cabaret Lion d'or, 2013.

Photo : Stéphane Cocke

Pour Catherine Ferland, c’est trop peu pour honorer la mémoire de l’interprète de Chica Chica Boum Chic. Selon elle, Alice Robitaille mérite au moins une statue.

« On se dépêche de commémorer des joueurs de hockey qui viennent de mourir ou presque. Moi, ça me choque!  »

— Une citation de  Catherine Ferland, historienne

Ses exploits musicaux sont toutefois multiples. Sandria P. Bouliane, professeure adjointe de musicologie à la Faculté de musique de l’Université Laval, avance qu’on a tendance à minimiser le travail des interprètes.

Pourtant, Alys Robi a aussi écrit des paroles, mais elle prêtait d’abord et avant tout sa voix à des chansons écrites et composées par d’autres. On valorise moins l’apport créatif ou l’importance de ces artistes, estime celle qui est spécialisée dans la vie musicale du Québec au début du 20e siècle.

Catherine Ferland pense pour sa part que l’être humain a tendance à ne retenir que le négatif. C’est pourquoi l’internement d’Alys Robi prend toute la place encore aujourd’hui.

Alys Robi en 1949.

Alys Robi en 1949

Photo : Roméo Gariépy

Le visage de la maladie mentale

La maladie mentale a fait partie autrement de la deuxième partie de la carrière d’Alys Robi. Alors que le sujet était évité dans l'espace public, elle en parlait ouvertement. Elle était avant-gardiste, nuance Sandria P. Boulianne. Elle a lancé dans les années 1990 une fondation pour soutenir les ex-psychiatrisés.

La professeure adjointe de musicologie pense que le legs d’Alys Robi n’est pas tout à fait cristallisé et pourrait évoluer. On n’a pas encore idée de tout ce qu’il va rester d’elle. C’est en train de se nourrir encore plus avec les recherches de Chantal Ringuet.

Chantal Ringuet, petite-nièce d'Alys Robi dont elle tient le portrait tout contre elle.

Chantal Ringuet a fait des recherches dans la correspondance d'Alys Robi.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Cette dernière a écrit le livre Alys Robi a été formidable : Nouveau regard sur une figure, publié chez Québec Amérique. Elle est également la petite-nièce d’Alice Robitaille.

Les Rendez-vous d’histoire de Québec ont déjà prévu faire une place de choix à la grande dame de la chanson lors de leur prochain festival, cet été.

Une collaboration avec le Musée de la civilisation est probable puisque l’établissement possède de nombreux objets ayant appartenu à la chanteuse, dont des photographies, des lettres, des partitions et des robes de scène. Ces effets personnels avaient été exposés dans une vitrine du musée en 2012.

Rétrospective consacrée à Alys Robi au Musée de la civilisation.

Rétrospective consacrée à Alys Robi au Musée de la civilisation

Photo : Gracieuseté

Pour son 100e anniversaire de naissance, la Ville de Québec n’a pas prévu d’événement spécial, mais se dit ouverte aux propositions citoyennes.

Née à Québec en 1923, Alice Robitaille a rapidement quitté la Basse-Ville pour Montréal, où elle est accueillie dans la troupe de Rose Ouellette, au Théâtre National. C’est alors que naît Alys Robi, un nom plus facile à prononcer à l’extérieur des espaces francophones et qui en dit long sur son ambition.

La jeune interprète a vu juste. Elle enregistre son premier succès, Tico Tico, alors qu’elle n’a pas encore 20 ans. Puis sa carrière s’enflamme, avant de s’interrompre.

Dans un studio de radio, Alys Robi tient un micro devant elle.

La chanteuse Alys Robi en 1970

Photo : Radio-Canada

Même si elle remonte sur les planches plusieurs années plus tard et lance l’album Laissez-moi encore chanter, sa carrière internationale n’a jamais repris son envol.

Elle demeure une femme reconnue pour son grand talent, mais aussi pour sa détermination. Elle a fait preuve d’autonomie dans le milieu difficile des arts de la scène, souligne Sandria P. Bouliane.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...