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Retrouver sa culture, une racine à la fois

L’odeur de la forêt. La marche dans un sentier atypique. Cahoteux. Souvent non balisé. La qualité de la matière première est étroitement liée à sa recherche. Plus la recherche sera minutieuse, plus le produit fini sera une œuvre d’art.

Une personne qui regarde l'écorce d'un arbre.

Retrouver sa culture, une racine à la fois.

Photo : Radio-Canada / Guylain Côté

Armand Petiquay aime se retrouver en forêt à la recherche de ce qui pourrait devenir son prochain projet. Il y a passé plusieurs années comme travailleur forestier. Et puis, un accident de travail lui a enlevé son gagne-pain.

Cesser de travailler ne veut pas dire cesser de vivre pour lui.

Armand Petiquay est imprégné par la forêt. Il s’y retrouve chaque jour. Accompagné de ses deux apprentis, il parcourt ce Notcimik qui veut dire là où on trouve notre nourriture. Il est dans son élément. Et c’est bien normal pour lui de transmettre son savoir aux jeunes qui viennent lui prêter main-forte. J’aimerais qu’encore plus de jeunes s'intéressent à notre culture. Il est là, le défi. La transmission du savoir, à l’époque où la technologie est aussi accessible, et ce, même en milieu plus éloigné. Il y a cela, et également le fait que les aînés et les gardiens du savoir vieillissent.

Dans sa communauté à Wemotaci, située à une centaine de kilomètres de chemins forestiers au nord de La Tuque en Mauricie, tout le monde le connaît. Un bon monsieur, impliqué, fier de ses origines, de sa culture. Fier de ses réalisations. Même le chef de la communauté, François Néashit, vient nous saluer et en profite pour vanter les mérites de notre hôte de la journée.

Et avec raison. Ce qu’il fait est unique. Il met du temps et de l’énergie dans ses projets. Ma femme et mes enfants doivent m’obliger à prendre des vacances. Il est là, chaque jour, à travailler à ses différents projets. Parfois, il passe à l’atelier pour une visite éclair, tandis que d’autres jours, il peut y être pendant de longues heures. Comme il le dit si bien : C’est long, faire les canots. C’est long, faire les raquettes. C’est long, faire une peau d’orignal. Ça ne se fait pas en une journée.

Le monde aime ce que je fais. Je n’ai jamais le temps de me faire un inventaire de ce que je fais. Ses paniers, raquettes et canots sont fabriqués à la main. Des fois pour des gens du village, d’autres fois pour sa famille. Impressionnant, tout le travail derrière des objets de si petite taille. Autant les racines que l’écorce et même la gomme d’épinette sont mises à profit dans la conception de ces œuvres d’art. Et l’odeur de la gomme d’épinette qui chauffe… Vous dire dans quel état d'âme ça vous plonge.

De la gomme d’épinette dans un poêlon.

La gomme d’épinette, l’eau et la graisse animale sont chauffées pour former l’isolant à canot.

Photo : Radio-Canada / Guylain Côté

Et ce n’est pas une recette bien compliquée. De la gomme d’épinette, de l’eau et de la graisse animale, prenez ici la graisse de votre bacon du dimanche matin, et vous aurez votre isolant pour votre canot.

Pour le reste, prenez de l’écorce de bouleau triée sur le volet et des racines pour la couture et le tour est joué.

Pas si vite.

Son expertise est le fruit d’une quinzaine d’années, à raison de sept jours par semaine et des fois pour une dizaine  d’heures par jour.

Et j’exagère à peine.

Son dernier projet est bien en vue dans son atelier : un canot d’écorce d’environ 14 pieds fabriqué selon la méthode ancestrale. D’ailleurs, l’objectif derrière la création de ce canot est d’en faire plusieurs, question de fournir certains musées autochtones au Québec et bien sûr, tester le premier exemplaire pour voir la flottaison. Et encore là, sa minutie est visible, car le projet est fait de ses propres mains.

D’ailleurs, ses mains parlent beaucoup. Elles témoignent d’une vie de dur labeur.

Une vie à retrouver son identité. Comme plusieurs autres aînés des différentes communautés autochtones d’un peu partout à travers le Canada. Une génération complète qui doit chaque jour vivre avec les effets du passé.

Pour ceux qui ont fréquenté les pensionnats plus jeunes, c’est le travail d’une vie. Reconnecter avec la culture autochtone qui souvent a été perdue en chemin. C’est le cas de monsieur Petiquay.

« J’ai été au pensionnat à l’âge de cinq ans. Quand je suis revenu, je ne connaissais plus ma langue. »

— Une citation de  Armand Petiquay

Il est revenu dans sa communauté à l’adolescence. Il ne parlait pas la langue française facilement, en plus d'avoir perdu sa langue maternelle. Il avait perdu une bonne partie de ce qu'il était, il avait perdu sa culture. Pour lui, le chemin ne paraissait pas si évident.

Avancer, en faisant confiance à ce que l’on connaît et se faire confiance pour la suite.

C’est un peu ce qu’il fait avec son canot. Le bâtir en se fiant à son instinct, sans avoir la certitude que le produit fini sera ce qu’il a imaginé au départ. Mettre autant d’heures de travail et de recherche, dans un but si précis et si abstrait à la fois.

Un homme sourit.

Armand Petiquay, fier de partager sa passion.

Photo : Radio-Canada / Guylain Côté

Le sourire de l’homme que j’ai rencontré est communicatif. Ses yeux le sont également. Et ce genre de rencontre, tout le monde devrait avoir la chance d’en faire. Prendre le temps de parler avec Armand Petiquay est un remède à bien des maux. Et il y a de ça dans la culture des Premières Nations. La place des aînés est une place importante. Le savoir ainsi que les enseignements sont une partie importante du processus de transmission de la culture. Encore une fois, sans le savoir, il participe à la passation de la culture.

Parce qu’elle était là, sa culture, enfouie profondément et il la retrouve tranquillement, une racine à la fois.

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