À 99 ans, la première enseignante noire en Ontario revient sur son parcours

Millie Burgess a été l'une des premières enseignantes noires au Canada.
Photo : CBC/Talia Ricci
Millie Burgess est considérée comme l’une des premières femmes noires à avoir enseigné au Canada. Celle qui s’apprête à célébrer son 100e anniversaire revient sur sa carrière à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs.
Née aux Bermudes, elle a été la première enseignante d'ascendance africaine dans le système scolaire ontarien à la fin des années 1950, selon les dossiers de la Commission ontarienne des droits de la personne.
Il n’y avait pas beaucoup de Noirs à Toronto. C’était un peu effrayant au début, mais j’ai surmonté cette peur
, raconte-t-elle depuis sa maison de retraite située dans le quartier Don Mills, dans le nord-est de Toronto.
Mme Burgess se souvient du choc culturel qu’elle a ressenti lorsqu’elle a enseigné dans des écoles du centre-ville de Toronto remplies d'enfants qui étaient souvent de nouveaux arrivants européens et qui ne parlaient pas anglais.
Elle raconte avoir parfois eu du mal à lancer sa carrière dans un pays où elle n'avait initialement presque aucun contact avec des personnes de son milieu.
Mais elle dit que ce ne sont pas les enfants qui ont rendu les choses difficiles, ce sont certains de leurs parents.
[Le fait que je sois Noire] n'a pas semblé déranger les enfants. Ils m'ont répondu comme si j'étais une enseignante ordinaire. Je n'ai eu aucun problème avec ça, mais certains parents en ont eu… beaucoup de parents
, regrette Millie Burgess.
À au moins une occasion, un parent a dit au directeur qu'il refusait que l'éducation de son enfant soit faite par une enseignante noire, dit-elle. D’autres, à l’occasion d’une rentrée scolaire, étaient incapables de croire qu'elle pouvait être celle qui allait diriger la classe.
À travers tous les défis liés au fait d'être une pionnière dans sa profession, Mme Burgess a persévéré et est maintenant célébrée par d'autres éducateurs noirs pour avoir ouvert la voie aux autres, notamment au sein de sa famille.
Une persévérante
Cheryl Ann Darrell, la filleule et la nièce de Mme Burgess, assure que le parcours de cette dernière a inspiré la génération suivante d’enseignants dans la famille.
« Millie était une sorte de leader pour nous tous. C'était une persévérante, têtue, mais dans le bon sens du terme. »
Rosemary Sadlier, une amie de Millie Burgess et ancienne présidente de l'Association de l'histoire des Noirs de l'Ontario, dit que l’aînée a surmonté les doutes liés au racisme en prouvant continuellement qu'elle était une excellente enseignante.
Elle relate les fois où son amie invitait les parents qui doutaient de ses compétences en tant qu'éducatrice noire à la regarder enseigner en classe.
À lire aussi :
Eh bien, ils sont entrés, ils l'ont vu enseigner. Et ils l'ont encouragée à rester aussi longtemps qu'elle le voulait
, assure Mme Sadlier.
Beaucoup de ses classes n'avaient pas d'élèves noirs, dit Mme Sadlier, mais le fait d’être à cette place a appris à tout le monde que si vous nous voyez et apprenez de nous, que vous êtes avec nous, vous verrez que nous sommes vraiment tous les mêmes. Ça fait partie de qui était Millie.
La sous-représentation des enseignants noirs demeure un problème
Karen Brown, présidente de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (ETFO), qui est également Noire, dit que le parcours de Millie Burgess l'a inspirée. Mais elle constate que certains défis persistent encore aujourd’hui dans le système scolaire ontarien.
L'ETFO
lancera bientôt une campagne de promotion des enseignants noirs dans l'espoir que les élèves noirs, dont certains ont eu des expériences négatives au sein du système scolaire, voient l’éducation comme une carrière qu'ils aimeraient poursuivre, annonce Mme Brown.La fédération demande également aux commissions scolaires de se pencher sur le problème de la rétention et du recrutement en appelant le gouvernement à élaborer des politiques cohérentes contre le racisme contre les Noirs.
En ce moment, il continue d'y avoir une sous-représentation des éducateurs noirs, il n'y a pas de masse critique
, remarque-t-elle.
Pour que cela se produise réellement, nous devons examiner l'embauche, nous devons examiner la rétention et nous devons examiner le soutien dans l'ensemble du système.
D'après les informations de Talia Ricci de CBC