New York, la ville où il ne neige pas
Il s'est écoulé 328 jours depuis la dernière chute de neige mesurable à New York.

Il n'y a pas eu de neige depuis 328 jours dans ce joyau qu'est Central Park, au cœur de Manhattan.
Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould
Habituellement, à ce temps-ci de l’hiver, Central Park arbore fièrement son manteau blanc d’hiver. Mais pas cette année. En fait, c’est finalement le 1er février qu’est tombée la première trace mesurable de neige : un centimètre. Jamais la neige n’est arrivée aussi tard dans la métropole.
Le dernier record remonte à 1973, année où la première accumulation a été mesurée le 29 janvier au terme d'une disette de 326 jours.
Christopher Stachelski, responsable du programme régional de services d'observation et de climatologie au National Weather Service pour la région de l’Est, est amusé : Nous avons battu le record de trois jours à peine, mais nous l'avons fait, et c'est remarquable. Mais je pense que ce sera encore plus remarquable de voir où nous en serons à la fin de la saison.
La magie de l’hiver est donc absente, mais rien pour empêcher les adeptes du patin à glace qui ont répondu présent sur la patinoire du parc le plus fréquenté des États-Unis. Chaque année, quelque 42 millions de personnes visitent ce « petit » joyau de 341 hectares, niché entre les quartiers Upper West Side et Upper East Side de Manhattan.
Cette absence de neige, Soledad Rodas, une enseignante qui laisse ses jeunes élèves se défouler sur le gazon vert du parc, ne s’en plaint pas trop. En tant qu'enseignante, il y a des moments où on aime autant qu’il n’y en ait pas, parce que les enfants sont très excités. C'est vrai que ça excite pas mal les enfants, la neige. Moi, je préfère qu'il n’y ait pas de neige, parce que j'habite le New Jersey et c'est vrai qu’au niveau du transport, c'est pas toujours très facile.
Celle qui habite la région depuis 10 ans prend note des bouleversements. Je pense que c'est la première année où on note un changement vraiment notable. Et c'est vrai qu'au niveau du climat, c'est un peu tout renversé, je dirais et c'est surtout c'est très humide cette année.
Clarisa Alayeta, qui habite le Bronx, visite le parc aussi souvent qu’elle le peut, car elle aime son côté féérique. J'aime la neige parce qu’elle nous aide à nous détendre, à nous calmer. Mais je suis triste aussi, parce que je sais que c'est le réchauffement climatique qui la fait disparaître.
Un réchauffement climatique évident?
Le réchauffement est évident dans le fait que l'îlot de chaleur à New York est bien développé depuis presque 100 ans maintenant, explique Chris Stachelski.
Cela est dû en grande partie au développement de la ville de New York qui s'est urbanisée à cette époque. Je dirais que c'est plus évident au cours des 20 ou 30 dernières années, et je dirais même que cela pourrait remonter à 40 ou 50 ans. Mais, relativement parlant, la variance est probablement, pour moi, la plus grande chose que nous voyons en termes de tendances climatiques, juste beaucoup d'extrêmes dans un sens ou dans l'autre.
Par exemple, cette année, le phénomène météorologique La Niña a généralement tendance à favoriser moins de chutes de neige. Si vous revenez en arrière et regardez à la fin des années 1990, lorsque nous avons eu une période d'un des plus forts El Niño et La Niña
, ajoute M. Stachelski, ces hivers étaient tous deux abyssaux en termes de chutes de neige. Vous étiez dehors pendant deux hivers de suite sans voir grand-chose en termes de neige.
Une neige capricieuse
Un peu plus au sud, Washington a finalement subi une faible zone de basse pression qui a laissé tomber une poussière neigeuse
d'une poignée de centimètres sur la région, tôt mercredi matin. Mais comme les températures de l'air et de la chaussée étaient généralement égales ou supérieures au point de congélation, la neige s'est accumulée sur l'herbe, sur les voitures et sur certaines surfaces élevées, mais pas sur les routes.
Par contre, la variation extrême de cet hiver peut être observée dans une seule partie du nord de l'État de New York, soit à Syracuse, l'une des villes les plus enneigées d'Amérique. Habituellement, elle reçoit une moyenne annuelle de plus de 304 centimètres de neige. Elle n'en a reçu que 63 centimètres cet hiver. À Rochester, on a comptabilisé moins de 38 centimètres, alors que la moyenne est de 127 centimètres à cette époque de l'année.
À l’opposé du spectre, à l'ouest des deux villes, Buffalo connaît l'un des hivers les plus enneigés de ces 50 dernières années. Rappelons qu’environ la moitié de la neige de cette saison est tombée au cours d'un seul blizzard meurtrier.
Jamais trop tard pour New York
À l’entrée de Central Park, Gareth, cocher depuis 20 ans à New York qui a vu des hivers de toutes sortes, demeure philosophe. Parfois, la ville de New York a une moyenne de 20 pouces [50 centimètres, NDLR] de neige par an. Cela étant dit, vous pouvez avoir 20 pouces de neige en une seule chute de neige, alors que [durant] certaines années bizarres, on n'a pas de neige du tout. C'est comme ça, ici.
Imprévisibilité des changements climatiques à part, Christopher Stachelski croit que l’hiver est cependant loin d’être terminé. Nous avons eu beaucoup d'hivers où, même dans les années passées, les plus grosses tempêtes de l'hiver n'ont pas eu lieu avant fin février, mars, ou même, dans certains cas, début avril.
À lire aussi :
- L’ONU prévoit un épisode La Niña d’une durée sans précédent pour ce siècle
- Le retour potentiel d’El Niño en 2023 fait planer la menace de chaleurs records
- Les hivers enneigés de votre enfance ne reviendront jamais