•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Le barrage de Gull Island « ne verra jamais le jour », menacent les Innus

Peter Penashue.

Peter Penashue, ancien chef de la Nation innue du Labrador, n'a pas mâché ses mots en entrevue avec Radio-Canada, la semaine dernière, à Sheshatshiu, au Labrador.

Photo : Radio-Canada / Patrick Butler

Les Innus du Labrador ne permettront jamais la construction du barrage de Gull Island si la question épineuse des revenus du projet de Muskrat Falls n’est pas réglée.

C’est ce qu’affirme Peter Penashue, négociateur et ancien grand chef de la Nation innue du Labrador. Si les Innus avaient donné leur aval à la construction des barrages de Muskrat Falls et de Gull Island en 2011, l’autorisation dépendait d’une entente négociée de bonne foi qui a depuis été bafouée par Ottawa et Saint-Jean, selon lui.

Le premier ministre québécois, François Legault, en quête de nouvelles sources d’électricité, ne cache pas son intérêt pour Gull Island, un projet de 2250 mégawatts sur le fleuve Churchill. Mais les Innus menacent de bloquer la construction du barrage, soit par les tribunaux ou en manifestant.

« Gull Island ne verra jamais le jour sans que [la question de Muskrat Falls] soit réglée. »

— Une citation de  Peter Penashue, négociateur et ancien grand chef, Nation innue du Labrador

Selon Peter Penashue, en 2021, quand les gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador et du Canada ont restructuré les finances du projet de Muskrat Falls – une entente qui a évité l’augmentation fulgurante des tarifs d’électricité en raison des dépassements de coûts du barrage – ils l’ont fait aux dépens des Innus.

L’accord réduit de façon draconienne les revenus promis aux Innus, explique M. Penashue en entrevue chez lui, à Sheshatshiu.

Un barrage hydroélectrique couvert de neige.

Le barrage de Muskrat Falls, sur le fleuve Churchill, au Labrador, en janvier 2023.

Photo : CBC / Danny Arsenault

Un nouveau départ transformé en insulte

Selon l’entente Tshash Petapen (Un nouveau départ), trois documents signés en 2011 qui ont ouvert la voie aux barrages sur le Bas-Churchill, les Innus reçoivent environ 6 millions de dollars par an pendant la construction des installations.

Lorsque les travaux sont menés à terme, les Innus ont droit à 5 % des bénéfices annuels du projet ou à 6 millions de dollars par an, selon le montant le plus élevé. Ce dernier scénario n'a jamais semblé réaliste, car les revenus de Muskrat Falls dus aux Innus auraient dû monter en flèche peu après la mise en service du barrage.

Pourtant, en vertu de la restructuration des finances du projet par la province et Ottawa, le barrage sera peu rentable pendant environ trois décennies, explique Peter Penashue. En plus, une partie de l’argent versé aux Innus pendant cette période sera considérée comme un prêt qu’il faudra rembourser à Hydro Terre-Neuve-et-Labrador – avec intérêts.

Sur 50 ans, les revenus promis aux Innus auront diminué de 1 milliard de dollars par rapport à ce qui leur avait été promis il y a une décennie.

C’est une insulte envers nos communautés, nos aînés et tout le monde qui a ratifié l'entente, affirme Peter Penashue.

« C'est tellement révoltant quand je les entends [les gouvernements provincial et fédéral] parler de réconciliation et de faire ce qu'il faut pour les peuples autochtones de cette province. Quand ils parlent de Beothuks, de monuments [...] je ne peux plus l’écouter tellement je sais qu’ils ne sont pas sérieux. »

— Une citation de  Peter Penashue

Le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, a décliné une demande d'entrevue, tout comme le ministre fédéral responsable de la province, Seamus O'Regan.

Dans une déclaration, le gouvernement provincial rappelle que la Nation innue recevra des avantages importants grâce au projet de Muskrat Falls et que le gouvernement respecte l'entente Tshash PetapenLa structure financière du projet de Muskrat Falls doit être réaliste et durable, peut-on lire dans la déclaration. La structure aide les contribuables, mais elle assure aussi la stabilité financière du projet de Muskrat Falls afin que les Innus reçoivent les avantages qui leur ont été promis.

On fait du surplace

En 2021, la Nation innue avait essayé de bloquer l’entente sur la restructuration des finances de Muskrat Falls, dont le texte n'a jamais été rendu public, en Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador.

La Nation innue a finalement annulé la poursuite quand Ottawa et la province ont annoncé de nouvelles consultations avec le gouvernement autochtone représentant les 3000 Innus de Sheshatshiu et de Natuashish.

Peter Penashue affirme que les négociations n’ont rien donné. On fait du surplace, explique-t-il.

Le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador se préparent à renégocier l’entente sur le barrage de Churchill Falls, dont le contrat actuel vient à échéance en 2041. Le surplus énergétique d’Hydro-Québec disparaîtra en 2026 et, selon toute vraisemblance, la construction du barrage de Gull Island jouera un rôle important dans les délibérations.

Mercredi, le ministre québécois de l'Économie, Pierre Fitzgibbon, a qualifié les propos de Peter Penashue d'élément de négociation.

Il a souligné qu'aucune décision n'a été prise sur l'avenir du projet de Gull Island, mais a ajouté qu'Hydro-Québec a commencé à avoir des discussions avec les communautés.

Ce n'est pas encore déterminé si et quand il faut des barrages, mais si on arrive à cette conclusion là, c'est sur qu'il faudra incorporer les communautés dans nos discussions et il faudra voir on comment on peut avoir un arrangement financier qui fait du sens pour eux.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...