Tunisie : 11,4 % de participation aux législatives, le président minimise

Un électeur tunisien dans un bureau de vote de la banlieue ouest de la capitale, Tunis
Photo : afp via getty images / FETHI BELAID
L'autorité électorale de la Tunisie a annoncé un taux de participation définitif de 11,4 % au deuxième tour des législatives dimanche, un niveau historiquement faible dont le président Kaïs Saïed a minimisé l'importance dans une vidéo diffusée lundi soir.
À près de 90 %, il s'agit de l'abstention la plus élevée depuis la révolution de 2011, qui avait renversé le dictateur Ben Ali et marqué l'avènement de la démocratie dans ce pays.
Il faut interpréter ce taux différemment. Quatre-vingt-dix pour cent des électeurs n'ont pas voté parce que le Parlement ne représente rien pour eux
, a indiqué le président dans cette vidéo diffusée en soirée par le bureau de la présidence.
Certains scrutins des 12 dernières années ont recueilli près de 70 % de participation, comme les législatives d'octobre 2014, même si l'affluence avait reculé lors des élections les plus récentes.
Au total, 895 002 personnes
ont voté sur 7,85 millions d'inscrits, a annoncé le président de l'autorité électorale (ISIE), Farouk Bouasker, soit 11,4 %, sur la base de chiffres définitifs, contre 11,3 % annoncés dimanche soir, sur la base de données provisoires.
M. Bouasker a donné un autre taux de 14,6 %, qui tient uniquement compte des inscrits volontaires
sur les listes électorales, soit 5,8 millions de personnes, les autres ayant été enregistrés automatiquement à leurs 18 ans.
L'ISIE a ensuite énuméré les noms des vainqueurs pour chacune des circonscriptions, sur lesquels il est impossible de tirer des conclusions, puisque les candidats – pour la plupart inconnus – avaient l'interdiction d'afficher leur affiliation politique.
Boycottage de l’opposition, désintérêt de la population
Les experts ont expliqué la faible participation non seulement par le boycottage unanime du scrutin de la part des formations d'opposition mais aussi par un désintérêt pour la politique d'une population focalisée sur la détérioration des conditions économiques (inflation galopante et pénuries récurrentes de produits de base).
Les législatives du 17 décembre et du 29 janvier sont une des dernières pierres que le président Kaïs Saïed a voulu poser dans l'édification d'un système ultraprésidentialiste similaire à celui d'avant la chute de Ben Ali.
Arguant d'une ingouvernabilité du pays, il avait limogé son premier ministre et gelé le Parlement le 25 juillet 2021 avant de le dissoudre puis de réformer la Constitution l'été passé lors d'un référendum déjà boudé par les électeurs (30,5 % de participation) pour abolir le système parlementaire hybride existant.
Le futur Parlement, formé aussi d'un Conseil national des régions – encore à désigner –, voit ses prérogatives considérablement réduites.
Il ne pourra renverser le gouvernement qu'au terme de deux motions de censure adoptées aux deux tiers des deux chambres et ne pourra jamais destituer le président.
Il faudra 10 députés pour proposer un projet de loi. Les textes soumis par le président seront votés en priorité.