Les déserts alimentaires s’accentuent en Outaouais

La liste des fermetures d'épiceries dans les petites communautés rurales continue de s'allonger. Ce phénomène commence à susciter de l'inquiétude en Outaouais, mais des citoyens travaillent fort pour trouver des solutions. Le reportage de Nelly Albérola.
Photo : Radio-Canada
La liste des fermetures d'épiceries dans les petites communautés rurales continue de s'allonger. Ce phénomène commence à susciter de l'inquiétude en Outaouais.
Au cours du mois écoulé, au moins deux marchés d'alimentation ont dû mettre la clé sous la porte. C'est le cas notamment d'Alimentation Pilon, à Sainte-Cécile-de-Masham, qui a annoncé sa fermeture cette semaine, et du Marché Serge Perrier, qui a baissé le rideau le 31 décembre dernier après 42 ans d’existence.
Selon le coordonnateur de la Table de concertation sur la faim et le développement social de l’Outaouais (TCFDSO), François Pays, ces fermetures sont préjudiciables aux résidents de ces régions.
Vous avez une diminution de l'offre alimentaire [...], notamment de produits frais, et une diminution de la diversité des produits qui vont être disponibles pour ces gens-là, qui doivent en plus dépenser plus en essence pour pouvoir aller faire l'épicerie
, a expliqué M. Pays lors d’une entrevue à l’émission Les Matins d’ici.
Selon lui, ce sont surtout les personnes âgées qui paient le prix de ces fermetures, car ce sont souvent elles qui résident dans les petites communautés rurales. Ainsi, elles doivent parfois parcourir des dizaines de kilomètres pour se procurer des produits frais.
Pour le maire de Saint-André-Avellin, Jean-René Carrière, ce phénomène de désertification alimentaire est préoccupant, car La Petite-Nation voit son offre de produits frais s’amoindrir.
« Le cercle vicieux là-dedans, c’est qu’on diminue l’offre de service aux gens. »
Par conséquent, ça nuit à l’économie et ça risque de mener vers une augmentation des prix, car moins de concurrence fait en sorte que les prix augmentent
, souligne-t-il.

La liste des fermetures d'épiceries dans les petites communautés rurales continue de s'allonger. Ce phénomène commence à susciter de l'inquiétude en Outaouais, mais des citoyens travaillent fort pour trouver des solutions. Le reportage de Nelly Albérola.
Un désert alimentaire est un secteur qui procure un faible accès à des commerces pouvant favoriser une saine alimentation et qui est défavorisé sur le plan socioéconomique
, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Concrètement, cela équivaut à un endroit en milieu urbain où il n’y a pas de commerces alimentaires dans un rayon de 1 km et qui est défavorisé. En milieu rural, où la voiture est davantage utilisée, le seuil est établi à 16 km. La défavorisation est mesurée en tenant compte du taux d’emploi, du niveau de scolarité et du revenu moyen.
Source : lNSPQ
Moins d'épiceries indépendantes
Le directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois, observe une baisse du nombre d'épiceries indépendantes non seulement au Québec, mais aussi à l’échelle du pays. Selon lui, ce phénomène s’explique par l'oligopole que forment les grandes enseignes alimentaires au Canada.
On a un oligopole au Canada, on a de grandes enseignes qui dominent le marché
, indique-t-il. Au Québec, environ 30 % des marchands au détail en alimentation sont des marchands indépendants, et ce pourcentage diminue de plus en plus.
Selon M. Charlebois, ce phénomène risque de s’accentuer en raison de l’inflation et de la recherche par le consommateur de rabais qui ne sont pas souvent offerts dans ces épiceries-là.
En raison du fait que l'oligopole maîtrise bien le marché, il est très difficile pour les indépendants de demeurer compétitifs et d'offrir de bons prix, surtout lorsqu’on voit que l’inflation est devenue un problème
, explique-t-il.
Le problème de la pénurie de personnel n’arrange pas les choses, selon le maire de Saint-André-Avellin. On est dans un cercle vicieux présentement avec la main-d'œuvre qui est difficile à attirer et à conserver, surtout à la campagne
, souligne M. Carrière.
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Offrir des solutions
Pour contrer ce phénomène de désertification alimentaire, François Pays, coordonnateur à la TCFDSO,
lance un appel à l’action politique.Alors que la Coalition avenir Québec (CAQ) a promis, pendant la dernière campagne électorale, un fonds pour aider les commerces à survivre dans les territoires ruraux, François Pays croit que d’autres leviers gouvernementaux pourraient être utilisés.
On attend encore de voir comment [ce fonds] va être déployé
, affirme-t-il. Après, à une échelle plus petite, c'est certain que les municipalités et les MRC ont quelques leviers, notamment les comptes de taxes, donc [elles ont] des possibilités d'encouragement de développement économique.
En attendant que d’autres solutions émergent en Outaouais, à la municipalité de Bouchette, un groupe de citoyens a décidé d’ouvrir une coopérative de solidarité afin d'avoir une offre de services alimentaires à la suite de la fermeture du dépanneur du village, en 2017.
Pour Karine Lacroix, présidente de la coopérative de solidarité de Bouchette, l’ouverture de ce type d'établissement peut être une bonne solution de rechange, d’autant plus que les coopératives peuvent bénéficier de subventions.
C’est un gros investissement d’acheter un dépanneur
, explique Mme Lacroix. Avec la coopérative, on peut chercher des aides qu'un privé ne pourrait pas.
Depuis l’ouverture de la coopérative de Bouchette, le succès est au rendez-vous, car cet établissement offre des produits locaux plébiscités par des citoyens qui souhaitent de plus en plus privilégier le circuit court, selon Mme Lacroix.
Avec les informations de Nelly Albérola