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Élargir ou non la Cité parlementaire? Entre sécurité et vitalité commerciale

Fencing is seen on Parliament Hill in Ottawa, one year after the Freedom Convoy protests took place, on Friday, Jan. 27, 2023. THE CANADIAN PRESS/Justin Tang

Un an après le convoi des camionneurs qui a paralysé le centre-ville d'Ottawa, c'est une question toujours en suspens : doit-on élargir la Cité parlementaire, pour inclure les rues avoisinantes ? Pour plusieurs, ce serait une façon d'augmenter la sécurité, mais d'autres y voient un frein aux activités commerciales. Le reportage de Patrick Foucault.

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Le son des klaxons et les vapeurs de carburant qui s’échappaient de rue Wellington et du centre-ville d’Ottawa, l’hiver dernier durant le convoi des camionneurs, se sont dissipés comme de mauvais souvenirs pour plusieurs. Mais une question demeure : faut-il élargir ou non la Cité parlementaire? Si certains y voient une occasion de rehausser la sécurité, d'autres considèrent l'idée comme un frein aux activités commerciales.

Il y a un an, au terme de plusieurs semaines de blocage, les manifestants sympathisant au convoi des camionneurs quittaient le centre-ville, laissant derrière eux le tronçon de la rue Wellington en face du parlement fermé aux voitures.

Un homme avec un chandail et un drapeau du Canada pendant le convoi.

Le centre-ville d'Ottawa a été paralysé plusieurs semaines au début de l'année 2022 par des manifestants opposés notamment aux mesures sanitaires liées à la COVID-19. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / Spencer Platt

La circulation automobile devrait toutefois reprendre sur la célèbre artère quelque part en mars prochain, mais cela pourrait n'être que temporaire. Le Comité des transports d’Ottawa s’est récemment prononcé en faveur de la réouverture de la rue Wellington. Les élus municipaux devraient entériner la mesure le 1er mars.

Toutefois, le débat sur l'avenir à long terme de la rue Wellington reste ouvert et pourrait changer à jamais la face du centre-ville de la capitale fédérale.

Un lieu sécuritaire avant tout, dit Greg Fergus

Greg Fergus, député fédéral de Hull-Aylmer et secrétaire parlementaire pour le premier ministre, a siégé au comité chargé d’étudier l’élargissement de la Cité parlementaire. Dans son rapport déposé en décembre, le groupe recommande la fermeture d’une partie de la rue Wellington. L’élargissement à d’autres rues, comme la rue Sparks, est aussi envisagé.

Greg Fergus en entrevue.

Le député de Hull-Aylmer, Greg Fergus (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Personnellement, ça fait des années que je milite pour cela, je pense que c’est le moment de faire comme toutes les autres villes-capitales du monde et de se doter d’un endroit de rassemblement, un endroit qui serait beaucoup plus sécuritaire s’il n’y avait pas des véhicules privés qui passent sur la rue, est d’avis Greg Fergus.

L'élu voit d’un bon œil l’élargissement de la Cité parlementaire. Selon le député fédéral, la mesure pourrait, d’une part, favoriser la création d’un lieu de rassemblement où se tiendraient des événements et manifestations pacifiques, mais aussi assurer une meilleure sécurité dans l’enceinte du parlement et les environs.

« Quand un camion arrive par exemple, et on ne sait pas ce qu’il y a à l’intérieur, ça peut faire de très gros dégâts et c’est ce qu’on veut éviter. »

— Une citation de  Greg Fergus, député fédéral de Hull-Aylmer

C’est important parce qu'au Canada, on a une belle tradition d’être proche de nos politiciens, d’avoir accès à nos politiciens. Et moi, je veux qu’on maintienne cela. Je ne veux pas passer à une situation, comme dans d’autres pays, où les politiciens sont vraiment séparés de leur population. Et pour le faire, je pense que c’est important d’avoir un endroit qui est sécuritaire, qui laisse les gens venir pour fêter, pour célébrer, pour manifester ensemble… Un lieu de rassemblement qui est sécuritaire pour non seulement les Canadiens, mais aussi pour les politiciens qui les représentent, explique Greg Fergus.

Définir clairement le rôle de chacun, insiste le maire

Le maire d’Ottawa, Mark Sutcliffe, est de ceux qui sont en faveur de la réouverture temporaire de la rue Wellington à la circulation, en attendant un plan à long terme. Le plus important dans ce dossier, selon M. Sutcliffe, est l’élaboration d’un plan dans lequel le rôle de tous les corps policiers et des ordres de gouvernement est clairement défini.

Le maire d'Ottawa, Mark Sutcliffe, lors d'un conseil municipal.

Le maire d'Ottawa, Mark Sutcliffe (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Giacomo Panico

La chose la plus importante à mes yeux, ce n’est pas où on trace la ligne entre la Cité parlementaire et le reste de la Ville d’Ottawa, mais quel type de collaboration et de coopération nous pourrons instaurer entre le gouvernement fédéral et le gouvernement municipal, entre la Gendarmerie royale du Canada, le Service de police d'Ottawa et le Service de protection parlementaire. Toutes les différentes agences doivent être impliquées, parce qu’il y a toujours un risque, si elles ne travaillent pas en collaboration, peu importe où la ligne est tracée, qu’on en laisse tomber une entre les craques, croit M. Sutcliffe.

« Je crois que c’est important de bien mener les discussions [avec tous les acteurs impliqués], car c’est le futur de notre ville, c’est le futur de la capitale fédérale. Nous voulons qu’Ottawa soit une ville invitante et dans laquelle les gens peuvent s’amuser, mais nous voulons aussi une ville où les résidents se sentent confortables. »

— Une citation de  Mark Sutcliffe, maire d'Ottawa

Une épine dans le pied, selon des commerçants

Certains se sentent toutefois exclus des discussions. Des groupes craignent qu’une fermeture définitive du tronçon de la rue Wellington aux voitures se traduise par un ralentissement de l’activité commerciale et de l’activité urbaine.

Chez les commerçants du centre-ville, notamment, plusieurs attendent avec impatience l’ouverture complète à la circulation de l'artère. C’est le cas de Claude Bonnet, qui détient deux succursales de la boulangerie Le Moulin de Provence au cœur de la capitale fédérale. Il qualifie de catastrophe complète la fermeture, depuis un an, de ce tronçon du centre-ville.

L'homme devant son restaurant.

Claude Bonnet, propriétaire du Moulin de Provence (Photo d'archives).

Photo : Radio-Canada / Jean-François Poudrier

Je n’ai jamais compris pourquoi on a fermé cette rue. C’était l’axe principal de la ville, le cœur du centre-ville d’Ottawa. On doit remettre cette rue en place. On a l’impression qu’on est dans un cimetière au niveau de la rue Wellington. C’est inacceptable, dit-il.

« La rue Wellington, c’était une rue active pratiquement du matin au soir. Tous les touristes, les gens, aimaient voir le trafic qu'il y avait là, c’était intéressant. »

— Une citation de  Claude Bonnet, propriétaire du Moulin de Provence
La rue Wellington vide, photographiée en direction ouest, en hiver. Il y a de la neige au sol et le soleil n'a pas encore commencé à se lever.

Le calme plat régnait sur la rue Wellington dans le centre-ville d'Ottawa, tôt samedi matin, jour du premier anniversaire du convoi des camionneurs.

Photo : Radio-Canada / Emmanuelle Poisson

Kevin McHale, directeur général de Zone d’amélioration commerciale (ZAC) de la rue Sparks abonde dans le même sens. Il est d’avis que l’élargissement de la Cité parlementaire ne devrait pas se faire au détriment de la qualité de vie des commerçants et des résidents du secteur.

Il redoute qu'une circulation déviée en raison de la fermeture de la rue Wellington puisse avoir des répercussions négatives sur le plan commercial et de la vie urbaine au centre-ville.

Kevin McHale en entrevue sur la rue Sparks, devant une sculpture de glace en forme de mammouth.

Kevin McHale est directeur général de la zone d’amélioration commerciale de la rue Sparks, à Ottawa. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Le directeur général de ZAC de la rue Sparks ajoute qu’il craint que cette mesure contribue à installer une confusion quant aux juridictions des différents services de polices et de sécurité impliqués aux abords du parlement.

Si les pouvoirs de la Gendarmerie royale du Canada ou du Service de protection parlementaire sont élargis avec la Cité parlementaire [pour inclure une partie de la rue Wellington], qui est responsable dans le cas où une personne se fait agresser ou une personne est en crise dans la rue? Qui doit-on appeler? Car on a vu dans le passé des cas où des agents de la sécurité fédérale ont ignoré des situations de vols dans des commerces, par exemple, ou des personnes blessées. C’est définitivement une préoccupation. [...] Si on pousse pour plus de sécurité au sud de la colline du Parlement, la priorité sera la colline du Parlement et non les résidents qui utilisent l’espace, craint-il.

Pour l’ancien sous-commissaire adjoint à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Pierre-Yves Bourduas, l’enjeu prioritaire dans ce dossier n’est pas de savoir si on doit élargir ou non la Cité parlementaire, mais l’élaboration d’un protocole clair et flexible, adapté à toutes les situations, selon le niveau de risque, afin d’éviter qu’un scénario comme le blocage de 2022 ne se reproduise.

Pierre-Yves Bourduas en entrevue virtuelle.

L’ancien sous-commissaire adjoint de la GRC, Pierre-Yves Bourduas (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

« Je crois qu’il faut éviter d’y aller à l’extrême en disant qu’on ferme complètement la rue Wellington [...] Mais si, par exemple, on a des événements avec un potentiel de violence ou d’occupation, à ce moment-là, la rue Wellington ne doit pas être accessible à tous. »

— Une citation de  Pierre-Yves Bourduas, ancien sous-commissaire adjoint à la GRC

Je pense que ce que l’occupation a démontré, c’est qu’on ne doit pas nécessairement élargir la Cité parlementaire comme telle, mais il doit y avoir un protocole de mis en place à savoir : les gens doivent avoir accès aux institutions démocratiques, telles que le parlement, mais dans quel contexte est-ce que cette accessibilité-là doit être permise? C’est cette discussion-là qui doit avoir lieu au niveau des élus et des responsables de la sécurité, croit M. Bourduas.

Près de trois mois après le dépôt du rapport du comité parlementaire, le gouvernement Trudeau reste muet sur sa volonté de suivre ou non les recommandations. Il devrait cependant briser le silence d’ici la fin du printemps.

Avec les informations de Patrick Foucault et de Charles Lalande

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