Un nouveau projet de loi sur l’eau prévu dès le mois de février
Comme promis, le gouvernement Legault entend déposer un projet de loi sur la protection de l’eau au cours de la session parlementaire qui s’ouvre aujourd’hui. Un texte attendu avec impatience par les municipalités et par les groupes environnementaux.

Christiane Forcier devant l'usine d'embouteillage de Saint-Élie-de-Caxton
Photo : Radio-Canada / Vincent Rességuier
L’usine d’embouteillage de Saint-Élie-de-Caxton est située au bout du village, en bordure des habitations. Elle mène ses activités en toute discrétion.
Selon des démarches d’accès à l’information menées par des organismes environnementaux, on sait qu’elle puise plus de 75 000 litres par jour dans le sol de la municipalité.
C’est à peu près tout ce qu’il est possible de savoir, déplore la mairesse suppléante Christiane Forcier.
« On reçoit des messages d’inquiétude de la part des citoyens à propos des quantités d’eau puisées par l’usine. »
On ne sait pas quelle quantité d’eau est captée dans notre sol, explique-t-elle. En temps de sécheresse, les niveaux baissent, ça peut devenir critique.
Un voisin de l’usine a même dû augmenter la profondeur de son puits, parce qu’il n’arrivait plus à capter la précieuse ressource. Mais impossible de déterminer si les activités de l’usine sont en cause.
Ce n’est pas censé être le cas, puisque, selon la législation actuelle, le ministère de l'Environnement du Québec veille au grain.
Les entreprises qui prélèvent plus de 75 000 litres par jour doivent en effet communiquer un bilan des prélèvements au ministère, mais ces données ne sont pas accessibles au public, car elles relèvent du secret commercial.
On demande la transparence pour savoir quels sont les impacts sur notre territoire
, argue la conseillère municipale Roseline St-Onge. D’autant que la Municipalité n’a pas les moyens de mener des études hydrogéologiques, soutient-elle.
La transparence au cœur du projet de loi
La transparence devrait figurer dans le projet de loi. Le premier ministre François Legault a pris cet engagement pendant la COP15 à Montréal, en décembre dernier.
Les quantités d'eau prélevées annuellement au Québec par les embouteilleurs et les industries devraient donc être rendues publiques.
Ce serait une victoire pour le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et pour l’organisme Eau Secours qui ont porté le dossier en justice.
En mai dernier, la Cour du Québec avait pris le parti des embouteilleurs qui se sont battus pour que ces informations demeurent confidentielles. Mais cette fois devrait être différente.
« Je doute que cette fois le lobby des eaux en bouteille puisse faire reculer le gouvernement. »
C'est qu'il y a une pression populaire, souligne l'avocat Marc Bishai du CQDE. À l'initiative du centre, quatre MRC et une soixantaine de municipalités ont adopté des déclarations pour demander au gouvernement plus de transparence.
La directrice générale d’Eau Secours, Rébecca Pétrin, revendique également la transparence sur l’ensemble de la documentation qui entoure les permis de captation, comme les suivis annuels et les rapports d’hydrogéologie
.
Des redevances dérisoires
À Saint-Élie-de-Caxton, la conseillère municipale Roseline St-Onge espère que le gouvernement tiendra également sa promesse d’augmenter les redevances.
Une question d’équité
, selon elle. Par exemple, pour les sablières qui versent des redevances selon la quantité de sable prélevée annuellement.
Cet argent, versé directement à la Municipalité, sert notamment à financer l’entretien des routes endommagées par les camions lourds. Ce devrait être la même chose avec l’eau
, conclut-elle.
Les tarifs en vigueur au Québec n’ont pas été révisés depuis plus de 10 ans. Les embouteilleurs d’eau paient 0,070 $ par mètre cube (1000 litres).
Les usines qui utilisent l‘eau dans leur processus de production versent quant à elles 0,0025 $ par mètre cube. C’est le cas des pâtes et papiers et de l’industrie minière.
En 2021, le Québec a reçu moins de 3 millions de dollars pour des prélèvements d’eau de 811 milliards de litres. Ce n’est pas acceptable
, a même reconnu François Legault en décembre dernier.
Des tarifs bien en deçà des normes pratiquées en Europe, ou même en Ontario où la redevance de base s’élève à 0,503 $ par mètre cube.
S'attaquer au gaspillage
Le gouvernement n’a pas donné d’indication quant aux futurs tarifs envisagés, mais selon Rébecca Pétrin, la redevance devrait être assez élevée pour constituer un incitatif à réduire la consommation d’eau.
Maja Vodanovic est sur la même longueur d'onde. La responsable de l’eau au comité exécutif de la Ville de Montréal affirme que certains exagèrent
.
Depuis une dizaine d'années, Montréal a imposé des compteurs d'eau aux entreprises, ce qui permet d’avoir une bonne idée de la consommation d’eau.
Avec un brin d'ironie, Mme Vodanovic lance qu’il est plus économique de payer les redevances que de réparer les fuites. Mais avec une tarification adaptée, elle est d’avis que certains vont devoir se réveiller et réparer les tuyaux
.
Un Fonds bleu de 150 millions par année
Avec la hausse des redevances, Québec a pour projet de créer un Fonds bleu qui devrait atteindre 150 millions de dollars par année à la fin du mandat, en 2026.
Une bonne partie de cet argent devrait revenir aux municipalités pour financer les projets d'infrastructures en eau.
Rébecca Pétrin estime que les besoins sont immenses, surtout dans le sud du Québec où le manque d’eau est plus fréquent à cause du réchauffement climatique.
Elle imagine les municipalités investir dans des stations d’épuration ou des systèmes de filtration lorsque les nappes sont exposées à une pollution d’origine industrielle ou agricole, par exemple.
Les fonds doivent être utilisés pour sécuriser l’approvisionnement en eau, soutient-elle.
« Le citoyen doit être au cœur de la stratégie. »
Maja Vodanovic n’a pas besoin de réfléchir bien longtemps pour imaginer comment pourrait être utilisé cet argent.
À Montréal, 500 millions de dollars sont investis chaque année pour l’entretien des infrastructures en eau qui sont en piteux état. Pour répondre aux exigences, il faudrait investir 1 milliard de dollars par année pendant 10 ans
, tranche-t-elle.
Elle espère que le fonds procurera aux élus municipaux prévisibilité et stabilité, comme la taxe sur l’essence du gouvernement fédéral
.
À Saint-Élie-de-Caxton, deux quartiers éloignés ne sont pas desservis par le réseau de la Municipalité, par manque de moyens. La mairesse suppléante, Christiane Forcier, aimerait remédier à la situation.
Aux fins de ce reportage, nous avons sollicité la direction de l’usine d’embouteillage de Saint-Élie-de-Caxton qui n’a pas voulu répondre publiquement à nos questions.