Trois athlètes olympiques demandent la démission du PDG de Gymnastique Canada

Ian Moss est PDG de Gymnastique Canada depuis 2018.
Photo : La Presse canadienne / Mark Spowart
Les gymnastes canadiens Kyle Keith Shewfelt, Rosannagh MacLennan et Ellie Black demandent la démission du président-directeur général (PDG) de Gymnastique Canada, Ian Moss, de même que celle du président du conseil d'administration de l'organisme, Jeffrey Thomson, dans la foulée d'allégations d'inconduites contre certains entraîneurs.
Les trois athlètes olympiques ont formulé cette demande au moyen d'une lettre adressée au conseil d'administration de Gymastique Canada en date du 27 janvier dernier, dont Radio-Canada a obtenu copie lundi.
Nous avons perdu confiance dans le fait que Ian Moss et Jeffrey Thomson ont la capacité et la confiance de la communauté pour s'assurer que Gymnastique Canada traverse la crise actuelle
, écrivent les trois athlètes.
« Ian [Moss] et Jeff [Thomson] ne sont pas parvenus à reconnaître l'ampleur des défis auxquels Gymnastique Canada est confronté, et n'ont assumé aucune responsabilité quant à l'état actuel du sport. »
Nous encourageons le conseil d'administration à prendre des mesures immédiates en retirant Jeff [Thomson] et Ian [Moss] de leurs rôles actuels et en commençant les recherches pour trouver un nouveau leadership.
Kyle Keith Shewfelt, Rosannagh MacLennan et Ellie Black demandent aussi à rencontrer le conseil d'administration de Gymnastique Canada avant le 15 février prochain concernant cette affaire.
Trois athlètes reconnus
L'Albertain Kyle Shewfelt est le premier Canadien de l'histoire à avoir obtenu une médaille d'or en gymnastique lors des Jeux olympiques, en 2004, à Athènes.
Rosannagh MacLennan est double médaillée d'or olympique. L'athlète ontarienne a été porte-drapeau de l'équipe canadienne pour la cérémonie d’ouverture des JO
de Rio de Janeiro, en 2016. Spécialisée dans le trampoline, elle y a décroché sa deuxième médaille d'or. Elle a obtenu la première à Londres en 2012.Originaire d'Halifax, Elsabeth Black – aussi surnommée Ellie Black – est devenue en 2019 la gymnaste canadienne la plus décorée des Jeux panaméricains, en remportant un total de 10 médailles en deux Jeux.
Inconduites, peur et climat toxique
En novembre dernier, on apprenait notamment que le PDGavait promu un entraîneur, Alex Bard, à l’un des postes les plus importants de l’organisation en 2018, et ce, malgré des plaintes à propos de comportements inappropriés.
de Gymnastique CanadaM. Bard, connu comme l’un des entraîneurs les plus respectés du pays pendant des décennies, a finalement été poussé vers la sortie de l'organisation, en 2019.
Selon le témoignage de plusieurs personnes, l'entraîneur était connu pour des gestes inappropriés, notamment des comportements abusifs envers des entraîneuses, des baisers, des attouchements et des gestes suscitant la peur chez de jeunes gymnastes.
Dans leur lettre au conseil d'administration, les trois athlètes olympiques évoquent un autre cas, celui de l'entraîneur américain Christian Gallardo.
M. Gallardo a été engagé par Gymnastique Canada pour prendre sous son aile l'équipe nationale féminine, et ce, malgré des allégations d'inconduites qui ont fait surface contre lui aux États-Unis.
Cette décision d'embauche a causé de grandes inquiétudes au sein de l'équipe
, écrivent Kyle Keith Shewfelt, Rosannagh MacLennan et Ellie Black, dénonçant du même coup un processus d'embauche long et secret
qui débouche ultimement sur la nomination d'une personne controversée pour combler un rôle clé
.
Au-delà de ces allégations et du climat toxique, les trois athlètes signalent de graves problèmes organisationnels : manque de transparence, manque de suivi des dossiers, difficulté d'attirer et de retenir le personnel même en ce qui concerne des rôles clés auprès des athlètes, etc.
L'un des principaux reproches formulés à Ian Moss est de n'avoir pas pourvu le poste de directeur de la sécurité dans le sport depuis le départ d'Ellen MacPhereson, en 2021. Dans l'intérim, Ian Moss s'assure lui-même de recevoir les plaintes liées aux inconduites et de stimuler le dialogue à ce sujet, malgré le conflit d'intérêts évident
lié à son rôle de PDG .
La ministre des Sports derrière les athlètes
La ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, n'a pas tardé à réagir lundi à cet appel à la démission du leadership de Gymnastique Canada par des athlètes liés à l'organisation.
« Si les gymnastes sentent qu’il est nécessaire de faire un changement de leadership au sein de l’organisation qui les dirige, je soutiens cette décision qui semble être réfléchie, mûrie et légitime. »
Une organisation sportive appartient d’abord et avant tout à ses athlètes
, a-t-elle souligné.
Ça fait plusieurs mois qu’on entend des histoires liées aux abus ou des questionnements entourant la gouvernance dans la gymnastique — c’est pourquoi j’ai retiré le financement de Gymnastique Canada l’été dernier
, a aussi rappelé la ministre St-Onge.
En juillet dernier, elle a en effet gelé le financement de Gymnastique Canada afin de forcer l'organisation à s'inscrire auprès du nouveau Bureau du commissaire à l'intégrité dans le sport, chargé de prévenir la maltraitance et de recevoir les plaintes en lien avec des inconduites.
La ministre, qui affirmait à ce moment avoir indiqué personnellement à Ian Moss qu'il devait accélérer le processus d'adhésion, avait ainsi acquiescé à la demande de plus de 500 gymnastes. Ces derniers souhaitaient ce gel jusqu'à ce qu'une enquête sur les abus et les inconduites dans leur sport soit menée de manière indépendante.
Gymnastique Canada est l'une des plus grandes organisations sportives nationales du pays, avec plus de 310 000 athlètes inscrits.
Avec des informations de Louis Blouin
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