Décriminalisation des drogues illicites : la Colombie-Britannique est-elle prête?

La Colombie-Britannique espère réduire la stigmatisation entourant la consommation de drogues dures en la décriminalisant.
Photo : CBC
La Colombie-Britannique se dit prête à mettre en place la décriminalisation de la possession de petites quantités de drogues illicites dès mardi. En conférence de presse, lundi, les autorités ont confirmé que la majorité des policiers de la province sont déjà formés pour s'adapter à ces nouvelles mesures.
Le projet pilote, approuvé par Santé Canada, est d'une durée de trois ans et fera en sorte que les adultes qui possèdent de petites quantités d'opioïdes, de cocaïne, de méthamphétamine ou de MDMA ne soient pas arrêtés et ne puissent être acusés. Ces drogues demeurent toutefois illégales, et leur vente reste interdite.
La ministre de la Santé mentale et des Dépendances de la Colombie-Britannique, Jennifer Whiteside, a précisé que les deux tiers des 9000 policiers de la province ont déjà reçu une formation sur la décriminalisation et les ressources qu'ils peuvent offrir aux personnes en possession de moins de 2,5 grammes de drogues illicites.
Plutôt que d'être traités comme des criminels, ils seront traités avec des soins et de la compassion (...) ils recevront de l'information
, explique la ministre.
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Pour préparer la décriminalisation, la Colombie-Britannique affirme avoir notamment embauché du personnel de liaison entre la police et les services de santé et investi dans des programmes de réduction des méfaits.
La ministre de la Santé mentale et des Dépendances, Jennifer Whiteside, ajoute qu'une campagne d'information publique sera également lancée sur la décriminalisation.
La province en situation d'urgence sanitaire
Le projet pilote en vigueur dès mardi vise à faire face à la crise des surdoses dans la province, qui a forcé Victoria à déclencher l'état d'urgence sanitaire en 2016.
L'équivalent de 360 lits pour adultes et adolescents ont ainsi été créés au cours des 5 dernières années et de nouveaux centres de soins d'urgence spécialisés en santé mentale et en dépendances ont ouvert leurs portes.
Dans son dernier budget, la province a également annoncé 430 millions de dollars en investissements au cours des trois prochaines années pour enrayer la crise.
Une étroite collaboration entre la province et le fédéral
Durant le projet pilote, Ottawa et Victoria évalueront l’exemption pour s’assurer que la décriminalisation donne les résultats escomptés sans qu'il y ait de conséquences imprévues.
Le plan comprendra un tableau de bord d'informations qui sera accessible au public et mis à jour tous les trimestres, a indiqué la ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances, Carolyn Bennett. Les citoyens, dit-elle, sont invités à fournir des idées sur les variables qui pourraient être mesurées au cours du projet pilote de trois ans.
Pour sauver des vies, nous devons faire des changements de politique audacieux, dont la réduction des risques, ce que nos détracteurs dénoncent
, a déclaré la ministre fédérale en conférence de presse à Vancouver.
« Avec cette exemption, nous espérons réduire la stigmatisation et aider davantage de personnes à aller chercher des traitements qui peuvent leur sauver la vie. [...] Comme nous le savons, il n'y a pas de traitement possible pour une personne morte. »
La police et les spécialistes en santé optimistes
À la veille de la mise en place du projet pilote sur la décriminalisation en Colombie-Britannique, la chef adjointe Fiona Wilson, vice-présidente de l’Association des chefs de police de la Colombie-Britannique, rappelle que les policiers travaillent de pair avec la province depuis longtemps sur la réduction des méfaits, par exemple l'ouverture du centre d’injection supervisé il y a 20 ans.
Maintenant [avec la décriminalisation], nous pourrons nous concentrer sur ceux qui font le plus de tort, comme ceux qui vendent des substances toxiques
, affirme-t-elle.
Sur l’île de Vancouver, la police de Victoria et la régie de santé de l'île ont annoncé lundi la création d’une nouvelle équipe, la Co-Response Team (CRT). Cette équipe sera chargée de répondre aux appels liés à des problèmes de santé mentale, comme les surdoses.
Selon la régie de la santé, cette équipe pourra intervenir rapidement et redirigera les personnes en détresse vers les services dont elles ont besoin. Elle vise aussi à réduire le nombre de fois que ces personnes vulnérables se rendent aux urgences ou doivent faire face au système de justice.
La CRT
travaillera tous les jours de 8 h à 20 h à Victoria et à Esquimalt.Le Dr Brian Conway, directeur médical du Centre des maladies infectieuses de Vancouver, est quant à lui prudent. Décriminaliser, cela ne règle pas le problème. Ce sont quand même des gens très vulnérables qui vivent insécurité de logement, insécurité financière, soit une insécurité d'alimentation, dit-il. Ce sont ces choses-là dont il faut s'occuper.
Les membres des Premières Nations continuent d’être touchés de façon disproportionnée par la crise des drogues toxiques, souligne pour sa part le Dr Nel Wieman, médecin-chef par intérim de la Régie de la santé des Premières Nations.
Les membres des Premières Nations font face à des stéréotypes, au racisme et à la discrimination, notamment dans le système de soins de santé et dans l’appareil judiciaire. La décriminalisation aidera à atténuer la stigmatisation et la honte et à réduire les répercussions négatives d’accusations au criminel
, dit-il.
Les verts et les libéraux demandent plus
Par voie de communiqué, les libéraux de la Colombie-Britannique accusent le gouvernement d’être mal préparé.
Les efforts de réduction des risques tels que la décriminalisation ne constituent qu'une partie de l'approche globale nécessaire pour aider à mettre fin à cette crise qui continue de faire six morts par jour
, explique la critique en matière de santé mentale et dépendances Elenore Sturko. Non seulement le NPD n'est pas prêt à déployer cette politique non éprouvée, mais au cours des cinq dernières années, il n'a pas non plus mis l'accent sur la mise en œuvre et le financement de programmes de prévention, de rétablissement et de traitement.
« Les personnes souffrant de dépendance doivent pouvoir accéder immédiatement aux services dont elles ont besoin quand elles en ont besoin, et cela ne se produit pas sous la direction du NPD de David Eby. »
Le Parti vert demande quant à lui que le prochain budget provincial du 28 février puisse offrir des fonds pour la réduction des méfaits, l'approvisionnement sûr et des services en santé mentale et en dépendance.
Sa chef, Sonia Furstenau, soutient que les municipalités ont plus de questions que de réponses face à cette mesure et n'ont pas d'argent pour appuyer sa mise en vigueur.
Avec des informations de la Presse Canadienne et d'Amélia MachHour