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Retour sur le 44e congrès de l’AQIP avec le président, Bill Sheehan

Présentation au congrès de l'AQIP.

Les membres de l'AQIP ont assisté à une présentation des principaux enjeux des marchés d'exportation en 2023.

Photo : Radio-Canada / Joane Berube

Tandis que s’annonce une saison de pêche perturbée par des marchés américains et européens frileux, l’Association québécoise de l'industrie de la pêche (AQIP) a choisi la stabilité en renouvelant le mandat de tous les membres de son conseil d’administration.

C’était la semaine dernière, à Québec, un premier vis-à-vis post-pandémique pour les membres de l’AQIP.

Le ministre des Pêcheries du Québec et le président  l'AQIP.

Même si plusieurs ombres planent sur l'industrie, l'atmosphère était bon enfant au sortir de la rencontre entre le conseil d'administration de l'AQIP et le ministre des Pêcheries du Québec, André Lamontagne.

Photo : Radio-Canada / Joane Berube

Élu président pour une première fois en janvier 2020, le vice-président de Gagnon et Fils, Bill Sheehan, vient de traverser trois saisons hors du commun dans le monde des pêches.

Personne, en 2020, ne prévoyait à quel point la COVID-19 allait bouleverser la planète entière.

Il se montre donc prudent quant aux projections pour la prochaine saison, même s’il reconnaît que le contexte est difficile. On peut penser à l'inflation, à la crise économique, à la guerre en Ukraine, à la COVID qui a encore des effets, précise-t-il. Il y a beaucoup de choses hors de notre contrôle avec lesquelles on doit composer, mais ce n'est pas la première tempête, certainement pas la dernière. On va s'adapter.

Et Bill Sheehan est bien placé pour le dire.

Quelques semaines après le début de son premier mandat, en janvier 2020, tout fermait. Pas de show à Boston, peu d'événements, la saison a commencé, pas de restaurant, pas de casino, pas de bateau de croisière, énumère-t-il. On s’attendait à une catastrophe. Oui, ç’a été une saison difficile, on n’a pas eu les prix qu’on aurait aimés, mais on n’a pas été le pire secteur touché.

Il admet toutefois que l’industrie devra se serrer les coudes cette année, même s’il demeure optimiste à plus long terme. C'est quand même des protéines, fait-il valoir. Il y a de plus en plus de monde sur la planète, puis tout le monde doit manger. On est dans des protéines qui sont quand même naturelles. On a un excellent produit.

Crabe des neiges en stock

Le congrès de l’AQIP se déroule toujours quelques semaines avant la grande foire commerciale de produits marins de Boston, qui permet généralement aux transformateurs d’évaluer l’état des stocks des différentes espèces.

Des crabes sont entassés dans une caisse, à la sortie des bateaux de pêche.

Selon Bill Sheehan, il est difficile de connaître l'état exact des stocks de crabe des neiges.

Photo : Radio-Canada / YVES LEVESQUE

L’inquiétude cette année tourne autour des stocks de crabe des neiges. Il y en aurait beaucoup, mais c’est difficile d’avoir les vraies données, commente le gestionnaire de E. Gagnon et Fils.

Il rappelle qu’en 2022, deux informations contraires circulaient sur le prix de la ressource.

D’une part, certains estimaient qu’il y avait beaucoup d’inventaires encore sur le marché et prônaient la prudence tandis que d’autres anticipaient une pénurie. On parlait de restreindre l'entrée du crabe russe aux États-Unis. Tout le monde pensait qu'on allait manquer de crabe et que les prix allaient continuer d'augmenter, mais ce n'est vraiment pas ce qui s'est produit.

Ce qui s’annonçait comme un marché de vendeurs est soudain devenu un marché d’acheteurs. D’autant plus que le fameux embargo américain sur le crabe russe n’a pas provoqué de pénurie.

Avant l’embargo, les Russes ont inondé le marché avec un crabe à bas prix. On a fait face à un marché baissier, raconte le président de l’AQIP. Les clients dans le marché baissier, au lieu d'acheter pour un an, vont acheter au compte-gouttes chaque semaine pour avoir du produit moins cher que la semaine précédente. C’est un peu ce qui s'est passé. On est entré dans une spirale descendante, donc les acheteurs en ont profité.

Le Seafood Expo North America, qui se tiendra cette année du 12 au 14 mars, devrait encore une fois orienter les prix.

Transaction à Boston, au Seafood Expo North America, le plus important marché de produits de la mer en Amérique du Nord.

Transaction à Boston, au Seafood Expo North America, le plus important marché de produits de la mer en Amérique du Nord. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Joane Bérubé

Là encore, des éléments comme un taux de change favorable ou l’absence, sur le marché américain, de crabe en provenance de Russie, pourraient aider les exportateurs canadiens.

Les Américains ne pourront pas non plus acheter du crabe de l’Alaska puisque cette année, la pêche a été suspendue en raison de stocks historiquement bas.

Pour Bill Sheehan, il faudra notamment attendre l’impact des hausses de contingent prévues dans le sud du golfe et à Terre-Neuve pour obtenir le portrait global. Les Russes sont en train d'envoyer tout leur produit au Japon à très bon prix. Terre-Neuve vendait beaucoup de crabes au Japon et si on enlève les Japonais de Terre-Neuve, avec une augmentation de quota, ça va faire énormément de pression sur le marché, puis les Américains vont en profiter , analyse le transformateur.

Il estime que le marché n’est plus aussi ouvert qu’il l’était et qu’un travail de mise en marché est à refaire. Avec la hausse des prix de 2022, beaucoup de restaurants ont retiré le crabe des neiges de leur carte. Bill Sheehan craint de surcroît qu’avec le gel de la pêche au crabe en Alaska, les Américains, qui sont très patriotiques, dit-il, boudent la ressource.

Le homard de plus en plus prisé au Québec

La vente du homard pourrait par contre aider les transformateurs du Québec, notamment ceux qui traitent plusieurs espèces, à tempérer les impacts de l’inflation et des ventes décevantes du crabe des neiges. Le crabe, ce qui est plus difficile, c'est qu'on fait un prix [aux pêcheurs] pour la saison. C'est difficile de rajuster. Avec le homard, le prix est ajusté à la hausse ou à la baisse chaque semaine. On suit les marchés , explique Bill Sheehan.

Une caisse pleine de homards.

Les perspectives sont meilleures pour le marché du homard. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Roxanne Langlois

De plus, au Québec, les usines vendent beaucoup de homards vivants. Ce qui est transformé, commente Bill Sheehan, on a le même risque que le crabe quand tu as de l’inventaire, mais vivant, tu l’achètes une semaine et tu le vends la semaine suivante.

Le Maine va demeurer un bon client, croit le président de l’AQIP qui relève que de plus en plus de homard canadien est vendu comme étant du homard du Maine. Le marché du Québec pour le homard vivant est aussi très intéressant, relève M. Sheehan.

« Si les États-Unis consommaient le même ratio de homards vivants que les Québécois, il n’y aurait pas assez de homards dans l’océan. »

— Une citation de  Bill Sheehan, président de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche

L’émergence des camions-restaurants est aussi un plus pour le marché local.

Une crevette nordique en déclin

Après un pic atteint en 2010, la crevette nordique est depuis en décroissance constante dans les quatre zones du golfe et de l’estuaire, malmenée par l’explosion de la population d’un important prédateur, le sébaste, et le réchauffement de l’eau.

Les principales conséquences sur l’industrie sont encore à venir. On parle de rationalisation des usines et les signes qu’on a, c’est que ça va encore diminuer, observe le président de l’AQIP.

La crevette nordique doit aussi affronter une compétition différente du crabe et du homard, qui demeurent des espèces du Saint-Laurent qui n’ont pas beaucoup d’équivalents sur les marchés mondiaux. Des crevettes, il y en a partout dans le monde, relève Bill Sheehan.

Selon le président, la saison s'annonce ardue, peu importe les espèces principales, le crabe, le homard et la crevette.

Il n’est pas exclu que dans cinq ans, les espèces phares du golfe laissent la place à d’autres comme le sébaste. Le président de l’AQIP rappelle que son père transformait à l’origine de la morue salée séchée. Il faut se rappeler, dit-il, que dans les années 1970, 80 % des usines transformaient du poisson de fond. Les usines du Québec se sont adaptées aux nouvelles espèces. Si le sébaste arrive, il remplacera la crevette dans les usines de crevettes.

C’est un travail d'adaptation continuel, comme le souligne le président de l’AQIP.

On fait beaucoup de travail en collaboration avec les pêcheurs. On n'a qu'à penser aux crabiers avec des cages à l’eau, les homardiers ont pratiquement tous des petits viviers à bord. Les produits sont vraiment plus frais qu'avant avec les méthodes de transport. Les gens reçoivent en ville, des produits d'une qualité et d'une fraîcheur exceptionnelle.

M. Sheehan rappelle que ces pratiques étaient pratiquement impossibles, il y a 25, 30 ans.

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