•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Tunisie : l’opposition appelle à l’union contre Saïed après un nouveau revers électoral

Les jeunes qui avaient porté l'actuel président au pouvoir en 2019 ont boudé les urnes cette fois-ci.

Une Tunisienne s'apprête à déposer son bulletin de vote dans une urne sous le regard d'une scrutatrice.

Les élections législatives en Tunisie ont suscité peu d'intérêt.

Photo : Reuters / ZOUBEIR SOUISSI

Agence France-Presse

La principale coalition d'opposants en Tunisie a appelé dimanche à former un front uni politique et syndical pour faire partir le président Kaïs Saïed après un taux d'abstention record lors d'un scrutin pour élire le nouveau Parlement.

Le Front de salut national (FSN) a appelé les autres partis d'opposition, la société civile et la puissante centrale syndicale UGTT à travailler main dans la main pour créer le changement par le départ de Kaïs Saïed et pour faire déclencher une élection présidentielle anticipée.

Selon Ahmed Nejib Chebbi, président du FSN, qui inclut le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, le maigre taux de participation de 11,3 % – selon des résultats préliminaires – annoncé pour le deuxième tour des législatives dimanche prouve encore une fois l'échec total de Kaïs Saïed.

Cela veut dire que près de 89 % ont tourné le dos à cette pièce de théâtre et refusé de participer au processus politique de M. Saïed, a-t-il dit.

Kaïs Saïed entouré de gardes du corps.

L'opposition a appelé la société civile et les syndicats à s'unir pour déloger le président Kaïs Saïed. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / Anis Mili / AFP

Perte de confiance

Le premier tour avait déjà été marqué par une abstention de presque 90 %, un record depuis l'avènement de la démocratie dans le pays berceau du Printemps arabe, où certains scrutins rassemblaient jusqu'à 70 % des électeurs dans la dernière décennie.

Je n'ai pas confiance dans la classe politique. Saïed pouvait faire un changement radical. Il [...] n'a rien fait, déplore Omrane Dhouib, un boulanger abstentionniste de 37 ans interrogé à Tunis.

L'élection de 131 députés (sur 161 sièges, dont 30 sont déjà pourvus au premier tour) représente l'ultime étape de réformes imposées depuis 18 mois par le président Kaïs Saïed afin de revenir à un système hyper-présidentialiste, similaire à celui d'avant la révolution de 2011 et la chute du dictateur Ben Ali.

Estimant le pays ingouvernable, M. Saïed s'est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021, puis a révisé la Constitution l'été dernier pour abolir le système parlementaire hybride en vigueur.

Les experts ont expliqué la faible affluence par divers facteurs, dont un mot d'ordre de boycottage du scrutin par les principaux partis politiques.

Malgré de profondes divisions qui l'empêchent de mobiliser dans la rue, l'opposition a dénoncé de façon unanime un processus qualifié de coup d'État et de dérive dictatoriale de M. Saïed.

Autre motif : la majorité des candidats étaient inconnus et sans affiliation politique.

Les rares électeurs ont donc fait des choix personnels.

Belhassen Ben Safta, un chauffeur de taxi de 60 ans, a voté pour ne jamais laisser à l'ancien système [Ennahdha] la possibilité de revenir. Ils sont responsables de notre misère.

À Gafsa, à une centaine de kilomètres plus au sud, Mohamed Tlijani et Ali Krimi, deux quinquagénaires, sont venus voter pour un cousin, estimant avoir le droit d'être représentés au Parlement.

Des manifestants tunisiens.

Le pays a connu plusieurs manifestations contre le régime du président Saïed. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Zoubeir Souissi

Selon des experts, une partie de la population qui partage l'aversion de M. Saïed pour les partis politiques approuve sa limitation des pouvoirs du futur Parlement. Celui-ci pourra très difficilement renverser le gouvernement et il lui sera impossible de destituer le président.

Vu le désintérêt de la population pour la politique, ce Parlement aura peu de légitimité : le président, tout-puissant grâce à la Constitution de 2022, pourra le dominer à sa guise, note pour l'AFP Youssef Cherif, expert du Columbia Global Centers.

La population souffre; l'inflation à plus de 10 %

L'attention des 12 millions de Tunisiens est ailleurs.

Je ne vote jamais. Tous les secteurs économiques souffrent et Saïed ne s'y intéresse pas, dénonce Mohamed Abidi, un serveur de 51 ans à Tunis.

Les Tunisiens ont vu leur pouvoir d'achat dégringoler avec une inflation supérieure à 10 % et endurent des pénuries de denrées subventionnées comme le lait, le sucre ou l'huile.

Pour les économistes, elles proviennent de ruptures d'approvisionnement, car l'État manque de liquidités pour régler ces achats centralisés.

La croissance est poussive (moins de 3 %), le chômage élevé (plus de 15 %), la pauvreté s'accroît et plus de 32 000 Tunisiens ont émigré clandestinement l'an passé.

Le pays décoté par Moody's

Motif d'inquiétude supplémentaire : des négociations avec le FMI pour un prêt de 1,9 milliard de dollars, clé d'autres aides étrangères, piétinent depuis des mois. Cela a amené l'agence américaine Moody's à dégrader samedi d'un nouveau cran la note de la dette à long terme tunisienne, jugeant plus élevé le risque d'un défaut de paiement.

Le blocage des pourparlers viendrait de désaccords entre le président Saïed et son gouvernement quant au programme soumis au FMI en échange de son aide.

M. Saïed hésite, selon les experts, à adopter des mesures impopulaires comme la levée des subventions sur les produits de base et la restructuration des entreprises publiques surendettées, dont les effectifs sont jugés trop nombreux.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...