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Vers des services intégrés en santé mentale, en dépendance et en itinérance à Québec

Le projet du CIUSSS de la Capitale-Nationale vise à atteindre plus facilement les clientèles désaffiliées.

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photo générique Itinérants secteur rue St-Jean Vieux-Québec hiver itinérance, sans-abris

Photo : Radio-Canada / Carl Boivin

Le CIUSSS de la Capitale-Nationale veut améliorer la prise en charge des clientèles désaffiliées du centre-ville de Québec en offrant sous un même toit des soins et des services spécialisés en santé mentale, en dépendance et en itinérance. Malgré certaines réserves, ce projet est plutôt bien accueilli par le milieu communautaire, qui constitue souvent la dernière maille du filet social pour les « oubliés du système ».

Le futur centre de services intégrés verra le jour dans le bâtiment de la côte du Palais qui abritait autrefois les locaux de l’Armée du salut.

En plus d'y réinstaller des équipes d’intervention existantes, le CIUSSS compte y ajouter de nouveaux services, notamment de l’hébergement temporaire d’évaluation en santé mentale et en dépendance ainsi que des lits de convalescence pour personnes en situation d'itinérance.

Besoins grandissants

Lancé en collaboration avec nos partenaires communautaires, ce projet facilitera l’accès aux soins et aux services de santé dans un même lieu pour une clientèle hautement désaffiliée dont les besoins sont grandissants, indique Mélanie Otis, conseillère en relations médias au CIUSSS de la Capitale-Nationale.

L’ancien bâtiment de l’Armée du salut photographié de jour l'hiver.

Le futur centre sera aménagé à l’intérieur de l’ancien bâtiment de l’Armée du salut situé sur la côte du Palais, dans le Vieux-Québec. (Photo d’archives)

Photo : Radio-Canada

Ce projet de centre de services intégrés vise principalement à servir une clientèle du centre-ville de Québec plus difficile à atteindre. À l’heure actuelle, les personnes vulnérables et désaffiliées sont principalement prises en charge par les organismes communautaires, qui ont de plus en plus de mal à répondre à la demande.

« Il s’agit également d’une porte ouverte sur la rue, ce qui permettra de mettre à profit les expertises du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que des partenaires de la communauté. »

— Une citation de  Mélanie Otis, CIUSSS de la Capitale-Nationale

Le projet, espère le CIUSSS, complétera et bonifiera les services offerts par le communautaire, le tout dans une approche voulue collaborative.

Projet de centre de services intégrés

Exemples de nouveaux services qui seront offerts au 14, côte du Palais

- Urgence dépendance

- Désintoxication modérée

- Lits d’hébergement temporaire d’évaluation en santé mentale et en dépendance

- Lits de convalescence pour personnes en situation d'itinérance

- Espaces polyvalents destinés à favoriser une diversité d'approches communautaires et institutionnelles qui pourront évoluer en fonction de la progression des besoins dans la région

Complémentarité

Annie Fontaine, professeure agrégée à l'École de travail social et de criminologie de l'Université Laval, s’intéresse depuis de nombreuses années à l’intervention auprès des populations désaffiliées.

Ses projets de recherche portent notamment sur la collaboration intersectorielle dans les soins et services prodigués à ces clientèles aux besoins particuliers. Mme Fontaine souligne les avantages que peut apporter la mise en commun des atouts et de l’expertise des milieux institutionnel et communautaire.

Par exemple, le réseau public peut servir [les populations désaffiliées] avec des services spécialisés et combler des besoins que les groupes communautaires ne sont pas en mesure [d’offrir]. Les groupes communautaires ont un lien de proximité, une approche globale et un accueil des populations qui leur donnent vraiment un lien important, explique-t-elle en entrevue à Radio-Canada.

« La collaboration entre le communautaire et l'institutionnel est une occasion d'accroître l'accessibilité, la flexibilité et l’adaptabilité des services. »

— Une citation de  Annie Fontaine, professeure agrégée, École de travail social et de criminologie

Annie Fontaine accompagne le CIUSSS dans sa réflexion sur l’offre de services à implanter dans l’établissement de la côte du Palais. En dépit des avantages qu’elle présente, la collaboration comporte aussi son lot de défis, fait remarquer la professeure et chercheuse.

Annie Fontaine lors d’une entrevue accordée à Radio-Canada à l’extérieur, sur le campus de l’Université Laval, l'hiver.

Annie Fontaine souligne les avantages associés à la collaboration intersectorielle en santé.

Photo : Radio-Canada

On ne peut pas juste additionner puis mettre ces deux morceaux-là ensemble. Il y a des défis de différents ordres. Il y a d'abord une question de différence de culture organisationnelle, de philosophie d'intervention, qui peuvent s'accommoder l'une l'autre mais qui nécessitent une compréhension mutuelle qui ne se fait pas du jour au lendemain, note Mme Fontaine.

Le CIUSSS de la Capitale-Nationale a mené des consultations auprès des organismes communautaires du centre-ville de Québec dans le cadre du projet de la côte du Palais.

Agilité à préserver

Les intervenants communautaires rencontrés par Radio-Canada accueillent somme toute favorablement ce projet du CIUSSS. Ils sont toutefois soucieux de voir comment celui-ci arrimera ses services avec les leurs.

Une des grandes forces du milieu communautaire, c'est sa flexibilité, sa souplesse. Or, on est devant des situations et des problématiques extrêmement complexes, et ça prend cette souplesse-là, ça prend cette agilité-là. Donc, comment les équipes du CIUSSS vont-elles pouvoir s'adapter à cette réalité-là? s’interroge le directeur de l'Alliance des groupes d'intervention pour le rétablissement en santé mentale (AGIR), Charles Rice.

Projet de centre de services intégrés

Services existants qui seront réinstallés au 14, côte du Palais

- Équipe mixte de suivi intensif dans le milieu avec un volet itinérance (SIM 6)

- Équipe de traitement antagoniste aux opioïdes (TAO) et bas seuil

- Programme intensif de réadaptation pour adultes (PIRA) – volet hébergement

- Équipe de liaison en itinérance

Pour que le maillage soit une réussite, il est selon lui essentiel de créer des lieux d’échanges et de discussions entre le CIUSSS et les organismes communautaires qui travaillent auprès des clientèles désaffiliées.

Apprendre du communautaire

Je pense que dans ce domaine-là, c'est le milieu institutionnel qui à apprendre de nous et non l'inverse. [...] On ne peut pas arriver avec une approche trop "top-down" où on va venir se faire dicter comment travailler, prévient M. Rice, dont le regroupement fédère 42 organismes dans la région de Québec.

« C'est comme un "work in progress", le projet du CIUSSS, [alors] on va se garder une petite gêne avant d'applaudir, mais je pense que c'est bien parti. »

— Une citation de  Charles Rice, directeur de l'AGIR

Le directeur de l'AGIR verrait d’un bon œil que le CIUSSS mette en œuvre des services institutionnels spécialisés adaptés à la réalité des personnes marginalisées et de la communauté.

Charles Rice lors d’une entrevue accordée à Radio-Canada l'hiver sur la rue Saint-Joseph Est, à Québec.

Charles Rice plaide pour des services spécialisés adaptés à la réalité des personnes désaffiliées.

Photo : Radio-Canada

Il cite l'exemple des approches innovatrices de la Coopérative de solidarité SABSA et de la Clinique communautaire de santé et d’enseignement SPOT.

À Québec, je trouve qu'on a réussi à développer des services "désaffiliés friendly", comme on dit, c’est-à-dire des services qui sont plus près du monde, parce que sinon, les gens ne vont pas dans les cliniques privées, confie Charles Rice.

Consulter les usagers

De son côté, l'organisme Point de repères, qui intervient entre autres auprès d’une clientèle aux prises avec des problèmes de toxicomanie, insiste sur l’importance d’inclure dans la programmation des services les personnes qui vont en bénéficier.

Il faut absolument que les gens soient consultés. Il faut que les gens soient capables d'apporter leur point de vue. Ce sont des services qui leur sont destinés. Il ne faut absolument pas l'oublier. Il faut que ces gens-là soient consultés, martèle le directeur général Mario Gagnon.

À l’instar de Charles Rice, il espère que les services offerts sur la côte du Palais seront adaptés aux usagers que les organismes communautaires vont orienter vers le CIUSSS.

Mario Gagnon accorde une entrevue à Radio-Canada à l’intérieur de son bureau.

Mario Gagnon mentionne que les besoins en services spécialisés de traitement des dépendances sont connus depuis fort longtemps à Québec. (Photo d’archives)

Photo : Radio-Canada

On parle beaucoup de seuil d'accessibilité. C'est intéressant de développer ce concept-là. On peut vraiment penser à une porte. Donc, comment fais-tu pour avoir une porte qui est très accessible en fonction, par exemple, des différentes problématiques que vit une personne en situation de dépendance? Dis-moi où elle est, la porte, puis arrange ton seuil de porte pour qu'il soit adapté aux personnes qu'on aide, explique Mario Gagnon.

Crise des surdoses

M. Gagnon ajoute qu’on ne peut que saluer la mise en place, enfin, de ce type de services par le CIUSSS. Le directeur général de Point de repères déplore toutefois la lenteur avec laquelle le réseau institutionnel réagit à la crise des surdoses.

« On est un peu découragés parce que ce problème-là était [signalé] depuis fort longtemps. Depuis 2004 qu’on demande une programmation de services à bas seuil. Ça commence à faire un méchant bail. [...] Il y a une lenteur qui s'explique mal dans le sens où on voit des gens décéder. »

— Une citation de  Mario Gagnon, directeur général, Point de repères

Il rappelle que la région de Québec a enregistré un nombre record de surdoses mortelles l'an dernier.

Une femme tient une seringue.

En 2022, 40 personnes sont mortes d'une surdose de drogue dans la région de la Capitale-Nationale, un sommet depuis le début de la crise des opioïdes. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / urbazon

Le CIUSSS attend la fin des appels de propositions en cours avant de se prononcer sur un échéancier et sur un budget pour la rénovation et le réaménagement du bâtiment de la côte du Palais.

La première portion des travaux, dont la mise en marche a été lancée au printemps 2022, devait coûter de 4,5 à 5 millions de dollars.

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