La mobilité et la pathologie du doute

Les coûts seraient d'environ 16 milliards pour un TGF et d'environ 50 à 100 milliards pour un TGV.
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Il y a eu les fusions municipales, le 400e, le Centre Vidéotron et le retour des Nordiques : à chaque époque son enjeu. En ce moment, à Québec, le dossier de la mobilité est devenu incontournable. Il est aussi plus polarisant que jamais, comme en témoigne encore la semaine qui se termine.
À Première heure, depuis lundi, nous sommes passés de l’expérience piétonne de l’avenue Cartier au projet de TGV entre Québec et Windsor. Et tous les jours ou presque, il est question du tramway ou du troisième lien. En fait, il est devenu presque impossible de parler de l’avenir de la ville sans parler de mobilité.
S’exprimer sur cet enjeu, c’est exprimer sa vision du futur de la capitale. Pourtant, il faut bien l’admettre : la réflexion sur l’avenir de la mobilité ne date pas d’hier. On en parle depuis 20 ans. Qu’est-ce qui a vraiment changé depuis?
Québec fait toujours la part belle aux automobiles, et le RTC
doit encore réduire ses services pour équilibrer son budget.Le temps nouveau
La différence, s'il y en a une, tient au contexte et au leadership politique qui n’ont rien à voir avec ce qu’ils étaient il y a 5, 10 ou 15 ans. Il y a la réduction des émissions de CO2, la nouvelle sensibilité face à l’étalement urbain, les nouvelles technologies, la transition énergétique.
La classe politique a changé. Moi, je pense que l'avenir est là
, a lancé le maire Bruno Marchand, en parlant des rues piétonnes, cette semaine. C'est le genre de déclarations qu’on entendait rarement ici il y a à peine quelques années.
Et le maire peut compter sur l’exemple d’autres élus qui tiennent désormais à peu près le même discours. De Montréal à Paris, c’est dans l’air du temps.
Il y a aussi la classe politique à l’Assemblée nationale ou à Ottawa. Elle change. Elle tend l’oreille. À tel point que les enjeux de mobilité de Québec sont devenus des enjeux nationaux. Demandez aux Montréalais s’ils ont aimé qu’on leur parle du tunnel Québec-Lévis presque tous les jours durant la dernière campagne électorale.
« Tramway, troisième lien, TGF, TGV... Les idées sont peut-être les mêmes, mais elles sont portées par une nouvelle vision de la mobilité, une vision qui a bouleversé le paysage de villes comme Berlin, Londres ou Copenhague. »
Le doute pathologique
Il y a un siècle, on parlait de la folie du doute
: c’est la formule qu’on avait trouvée pour décrire cette incapacité de prendre une décision en retournant constamment tous les arguments d’un côté ou de l’autre. Aujourd’hui, on parle d’un trouble obsessionnel, de doute pathologique ou d’hyperrationalisation.
On pourrait parfois croire que Québec en souffre. L’administration Labeaume ne prévoyait pas le partage du boulevard René-Lévesque pour faire place au tramway. Or, pour préserver des arbres et favoriser la circulation locale, certains ont vu l’idée d’un bon œil… Il aura fallu huit mois de consultation et de réflexion pour revenir à la case départ.
Après tout, le chef conservateur, Éric Duhaime, nous a bien rappelé en entrevue jeudi qu’une frange considérable de la population – une frange possiblement majoritaire à Québec selon les derniers sondages – souhaite carrément annuler le projet de tramway. L’annuler alors même que l’argent est sur la table, et après des années de discussions, de consultations, de maquettes, de propositions.
Cette semaine nous a rappelé, encore, qu’il est peut-être là l’écueil le plus important qui guette toujours la capitale lorsqu’il est question de mobilité. Cette difficulté de prendre une décision et de l’assumer par-delà la couleur politique, les intérêts particuliers ou la pensée à court terme.
Car parfois, comme le disait Antoine de Saint-Exupéry, l'occasion manquée est celle-là même qui compte
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