Abus dans les sports : Kirsty Duncan accuse son gouvernement de ne pas en faire assez
Kirsty Duncan affirme qu'elle était bien au fait des problèmes d'abus dans les sports lorsqu'elle était ministre des Sports, en 2018.
Photo : La Presse canadienne / Jeff McIntosh
La députée libérale et ex-ministre des Sports Kirsty Duncan demande à nouveau une enquête publique sur les abus dans le sport. Elle accuse son propre gouvernement de ne pas en faire assez pour s'attaquer au problème.
Dans une entrevue exclusive à CBC
News, Kirsty Duncan estime que le gouvernement Trudeau n'a pas donné suite à ses efforts pour prévenir le harcèlement, les abus et la discrimination dans le sport au cours des années qui ont suivi son départ du Cabinet.Mme Duncan affirme qu'elle était au fait des problèmes dans le sport bien avant que la gestion par Hockey Canada des allégations d'agression sexuelle n'explose dans les médias l'année dernière.
« Cela ne devrait pas être un combat. Je demande la protection des athlètes et des enfants. Il n'y aurait jamais dû y avoir de résistance. »
Je ne resterai pas les bras croisés alors qu'il y a des athlètes, des enfants et des jeunes qui souffrent dans ce pays. [...] Et si je ne fais pas pression pour une enquête, cela signifie que j'accepte le statu quo. Et je ne serai pas complice.
Jeudi, la députée a annoncé qu'elle prenait un congé médical avec effet immédiat, sur les conseils des médecins, pour faire face à un problème de santé physique.
Kirsty Duncan n'a pas été reconduite au Cabinet par Justin Trudeau à la suite des élections de 2019. Elle a plutôt été nommée leader parlementaire adjointe du gouvernement. Le premier ministre a laissé tomber le poste de ministre des Sports à l'époque pour en transférer les responsabilités dans le portefeuille du ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault.
La lettre de mandat ministériel de M. Guilbeault, qui décrivait ses principaux objectifs politiques, le chargeait, entre autres, de favoriser une culture du sport sécuritaire.
D'autres priorités
En réponse aux questions de la CBC sur les progrès réalisés depuis, le bureau de Steven Guilbeault a fourni une chronologie des initiatives de Sport Canada en matière de sport sécuritaire.
Le ministère a notamment lancé un appel de propositions pour mettre en place un nouveau mécanisme indépendant pour la sécurité dans les sports en 2020. C'est finalement le Centre de règlement des différends sportifs du Canada, qui existe depuis avril 2004, qui a été chargé de la mise sur pied de ce mécanisme.
Une source gouvernementale de haut niveau connaissant le portefeuille de M. Guilbeault concède que d'autres priorités exigeaient plus d'attention
lorsqu'il était ministre du Patrimoine, comme la lutte contre les abus en ligne, la réglementation de la diffusion numérique en continu et la réforme du droit d'auteur.
Cette source qui désire demeurer confidentielle a déclaré à CBCcomprend totalement
le point de vue de Kirsty Duncan selon lequel on aurait pu en faire plus sur la pratique sécuritaire des sports.
Depuis 2016, notre gouvernement a travaillé avec la communauté sportive pour faire avancer une culture sportive respectueuse et répondre aux appels à l'action
, a pour sa part écrit le bureau du ministre Guilbeault dans un courriel à CBC News.
« Il n'y avait rien en place. Il n'y avait littéralement rien. Il ne semblait même pas y avoir de politiques. Certains avaient des politiques, d'autres non. Où était la surveillance? Où était la responsabilité? »
Interrogée par CBCJe peux vous dire que nous prenons la question extrêmement au sérieux.
C'est pourquoi nous avons investi 16 millions de dollars dans le dernier budget juste pour créer le Bureau du commissaire à l'intégrité du sport, parce que nous avons estimé qu'il était si important d'avoir ce mécanisme indépendant, explique Mme St-Onge. J'oblige également tous les organismes financés par l'État à s'y inscrire avant le prochain cycle de financement.
Toute organisation qui n'a pas protégé ses athlètes en s'inscrivant auprès de l'OSIC ne recevra plus l'intégralité de son financement. C'est l'outil le plus puissant dont je dispose. Donc oui, nous prenons cela extrêmement, extrêmement au sérieux.
Quelques semaines seulement après la nomination de Kirsty Duncan au poste de ministre des Sports en janvier 2018, une enquête de CBCplus de 600 victimes de moins de 18 ans.
News avait révélé qu'en 20 ans, au moins 222 entraîneurs impliqués dans le sport amateur avaient été condamnés pour des infractions sexuelles impliquantMme Duncan – elle-même une ancienne gymnaste qui a dit avoir subi des abus émotionnels et psychologiques lorsqu’elle était athlète – a déclaré avoir été ébranlée par ce rapport.
Elle a mis en place un certain nombre de mesures telles qu'une unité d'enquête indépendante et une ligne d'assistance nationale gratuite et confidentielle pour les victimes et les témoins d'abus dans le sport. Elle a également réuni les ministres du Sport des territoires et des provinces en février 2019 pour signer une déclaration visant à s'attaquer et à prévenir le harcèlement, les abus et la discrimination dans le sport.
Réticences au sein du gouvernement
En dépit d'un montant de 30 millions de dollars sur cinq ans annoncé dans le budget fédéral 2019 pour permettre aux organisations sportives canadiennes de promouvoir des sports accessibles, éthiques, équitables et sûrs
, Mme Duncan affirme qu'il existait un climat de résistance à la réforme, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du gouvernement.
Il n'y avait pas beaucoup d'intérêt au Parlement. [...] On m'a répondu que nous devions arrêter cette histoire de sport sûr et revenir à ce qu'était vraiment le sport
, a-t-elle déclaré, en faisant référence à la célébration des exploits sportifs.
Le bureau du premier ministre Trudeau a décliné la demande d'entrevue de CBC News.
Résistance chez Hockey Canada
Kirsty Duncan a déclaré qu'une lettre de trois pages envoyée par Hockey Canada à l'un de ses principaux conseillers en politiques reflète le ton de l'opposition à laquelle elle a été confrontée.
La lettre, rapportée pour la première fois par La Presse canadienne, a été écrite par Glen McCurdie, alors vice-président de Hockey Canada chargé des assurances et de la gestion des risques. Dans cette lettre, M. McCurdie exprimait ses préoccupations à l'égard de certaines politiques mises en œuvre par Mme Duncan.
Hockey Canada ne souhaite pas être encombrée par un système ou un processus qui nous lie les mains et ne nous permet pas de gérer une situation comme nous le jugeons nécessaire. Nous vous demandons simplement de garder cela à l'esprit alors que vous continuez à nous diriger dans une stratégie collective pour un sport sécuritaire
, pouvait-on lire dans la lettre de M. McCurdie.
Mme Duncan a déclaré qu'elle avait lu cette lettre pour la première fois l'été dernier, au moment où la controverse de Hockey Canada a éclaté.
« Hockey Canada a repoussé l'idée d'un enquêteur tiers et d'une ligne d'assistance pour un sport sécuritaire. Qui ferait cela? Qui ne voudrait pas qu'un enfant puisse prendre un téléphone et dire : "J'ai eu un problème?" »
Dans un courriel à CBC
, Hockey Canada a déclaré que la lettre de 2019 ne reflète pas la pensée ni la direction actuelle de l'organisation.Hockey Canada reconnaît que nous devons en faire davantage pour favoriser un environnement sécuritaire et positif pour tous les participants sur et hors de la glace
, a écrit l'organisation.
D'après un texte de Devin Heroux, de CBC Sports