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Le Centre de Loisirs culturels de Kapuskasing et ses femmes marquantes

Des personnalités marquantes du Centre de Loisirs.

Mariette Dallaire, Denyse Morin, Fracine Garon et Mariette Guilotte ont marqué chacune à leur façon le Centre de Loisirs de Kapuskasing.

Photo : Radio-Canada / Montage Cam Gauthier

Le Centre régional de Loisirs culturels de Kapuskasing fête le cinquantième anniversaire depuis son incorporation cette année. Coup d'oeil sur les contributions marquantes de quelques femmes qui ont porté l'établissement à bout de bras pendant cinq décennies.

L’une d’entre elles a littéralement élevé ses enfants au Centre de Loisirs culturels en y habitant pendant huit ans.

Une autre s’est occupée des artistes aux petits soins avec ses sucres à la crème.

Et alors que l’établissement se dirigeait vers une faillite, une femme d’affaires de la région l’a remis sur les rails et sous sa gouverne la plus grosse célébration de la Saint-Jean en Ontario a vu le jour.


D’une académie à un centre de loisirs

Mariette Guillotte se souvient comme si c’était hier des balbutiements du Centre régional de Loisirs culturels Inc., avec le souhait d'acheter le bâtiment qui abritait autrefois l’Académie Youville, une école secondaire privée.

Au début du Centre, j’étais une membre qui ramassait de l’argent, clame-t-elle.

« Les mauvaises langues au gouvernement nous disaient qu’un centre francophone "ne va pas pouvoir survivre." »

— Une citation de  Mariette Guillotte

Qu’est-ce qu’ils oubliaient c’est que la population de Kapuskasing à ce moment-là était 76 % francophone. À 76 %, c’est un gros chiffre ça, là, là, souligne la femme de 88 ans qui donne encore des cours dans l’ancienne école.

Une femme donne des cours de poterie.

Chaque mardi, Mariette Guillotte donne des cours de poterie au Centre de Loisirs.

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

Sa mission était donc d’aller de porte en porte afin d’amasser des fonds. Mme Guillotte avait plus d’un tour dans son sac en rassemblant non seulement les francophones, mais toute la communauté de Kapuskasing.

« On n’est pas francophone ou anglophone. On est du monde de Kap. Les amis [anglophones] ont dit: ''I wanna go to the Centre too. Je veux aller tisser au Centre. Je vais aller amener de l’argent.'' »

— Une citation de  Mariette Guillotte, bénévole au Centre de Loisirs culturels depuis 50 ans
Une femme nous montre des tableaux.

Les tableaux de l'ancienne école sont encore utilisés dans l'atelier des tisserandes.

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

J’aimerais ça, dire que c’est nous autres les francophones qui l’avons acheté. C’est le monde de Kapuskasing [anglophone et francophone] qui l’a payé, souligne l'artiste octogénaire reconnue autant pour sa poterie que pour ses courtepointes.


Une salle de spectacle dans le gymnase

Mme Guillotte nous montre que les traces de l’Académie d’Youville sont encore bien présentes dans l'établissement, qui est toujours situé au même endroit depuis 1974.

Les tableaux noirs des salles de classe sont encore utilisés dans l’atelier des tisserandes, les tables de laboratoire de la classe de science sont bien présentes dans la salle de poterie et le gymnase est devenu la salle de spectacle.

Des gens s'entraînent dans la salle de spectacle.

Les lundis soirs, la salle de spectacle redevient un gymnase pour les cours de kickboxing de Kim LaSalle.

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

Le choix de l’emplacement de la salle de spectacle causera par ailleurs bien des maux de tête à la future directrice générale Mariette Dallaire.

On a toujours eu des problèmes avec l’acoustique. On a essayé toutes sortes de choses. On a eu un spécialiste qui est venu pour le système de son, mais les murs de la salle sont en stucco. Du stucco, c’est dur, dur. Donc le son rebondissait sur les murs et revenait, précise Mme Dallaire, qui a dirigé le Centre de Loisirs entre 1985 et 2018.

Un chanteur à un souper-spectacle.

Étienne Drapeau à un souper-spectacle au Centre régional de Loisirs culturels. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

Elle admet que les chorales n’aiment pas ça aller chanter là. Quand c'est des spectacles d’humour, c’est plus facile.


Élever sa famille au Centre des loisirs

En 1980, le Centre des Loisirs culturels se dote d'une galerie d’art, d'un atelier de poterie et d'un deuxième étage avec des salles de conférence.

Après avoir quitté le Québec avec son mari René, Denyse Morin a trouvé un poste comme réceptionniste de soirée au Centre. Elle se souvient que l'administration avait pris un moyen inattendu pour tenter de faire baisser le coût des assurances.

Les gens ne savent peut-être pas, mais il y avait des gardiens de nuit au Centre de loisirs, assure-t-elle en précisant qu’ils vivaient dans un petit appartement de style bachelor [NDLR: studio] au deuxième étage.

Une femme dans un bureau au Centre de loisirs.

Denyse Morin prépare la fête de l'Halloween au Centre des Loisirs au milieu des années 1980.

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

Après la démission d'un gardien, Denyse Morin a immédiatement posé sa candidature.

« On était 93 personnes à appliquer pour devenir gardiens de nuit. Moi, je travaillais déjà au Centre de loisirs, je connaissais les airs et tout. Ç’a été plus facile [pour avoir l’emploi]. On est restés là huit ans. »

— Une citation de  Denyse Morin, ancienne employée

En huit ans, bien des choses changent dans la vie du jeune couple. La cigogne a frappé à la porte avec l’arrivée de René fils.

Une salle s’est libérée à côté du petit appartement et le conseil d’administration a donné son aval pour défoncer le mur afin que René père agrandisse leur logis.

Une femme donne un bain à un bébé.

Les enfants de Denyse Morin ont vécu plusieurs premières au Centre de Loisirs comme leurs premiers bains.

Photo : Avec la permission de Denyse Morin

Pour la famille Morin, rien de banal : le ménage de l’appartement se faisait avec la balayeuse de la conciergerie, quand Denyse faisait à manger, toute la clientèle du Centre le sentait et le petit René patrouillait dans le Centre dans sa petite voiture.

Loin de leurs proches au Québec, Denyse Morin et son mari n’ont jamais connu le fait d’avoir des grands-parents à proximité. Heureusement, ils en trouvent des dizaines au Centre.

C’était plaisant pour mon enfant de voir qu’il y avait beaucoup de petites grand-mamans qui prenaient soin de mon petit René [...] On avait une grosse maison, blague Mme Morin.

Elle a continué d'y habiter quelques mois après la naissance de son deuxième enfant, Jessica.

On était toutes la Mémère de ces enfants-là, se souvient Mariette Guillotte.


Une déficit de 400 000 $ à éponger

Après l’ajout du deuxième étage, les activités du Centre vont bon train, avec des artistes en résidence comme Maurice Gaudreault, ainsi que l’embauche d’enseignants pour donner différents cours culturels. Le nombre d’employés en conciergerie et à la programmation augmente.

On pouvait être facilement une cinquantaine d’employés. C’était incroyable comment il y avait un bon roulement dans ce temps-là, se souvient Denyse Morin qui est devenue secrétaire pour le Centre, alors que son mari était concierge et gardien de nuit.

Une affiche de campagne de financement.

En 1993, le Centre régional de Loisirs culturels demandait l'aide de la communauté pour aider à payer l'ajout d'un centre de conditionnement physique et d'un auditorium.

Photo : Radio-Canada

Mais dans la première moitié des années 1980, le Centre frappe un mur financier. Une assemblée générale extraordinaire sera nécessaire. Plusieurs employés se retrouvent du jour au lendemain sans emploi.

« Autant d’employés qu’on pouvait être, un moment on est arrivé avec trois employés pour faire pratiquement le même travail. »

— Une citation de  Denyse Morin, ancienne employée

Afin de sortir du gouffre, un premier locataire arrive : l’Université de Hearst y établit son campus de Kapuskasing. Le fardeau financier demeure cependant trop lourd.

Brandon Girouard et Marie-Mai.

Mme Dallaire a toujours fait briller les artistes locaux en première partie des spectacles. Avant de faire partie des Rats d'Swompe, le kapuskois Brandon Girouard a fait la première de Marie-Mai à la St-Jean. ( Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

La fermeture définitive du Centre régional de Loisirs est envisagée en 1985. Si bien qu’on en fait mention dans le comité de sélection de la nouvelle direction générale, souligne Mariette Dallaire, qui a obtenu le poste.

« Quand on m’a embauchée, le mandat premier qu’on m’a donné, c’était de combler le déficit. Il y avait un déficit de 400 000 $. »

— Une citation de  Mariette Dallaire, directrice générale de 1985 à 2018
Une femme d'affaires.

L'ancienne directrice générale, Mariette Dallaire a relevé le Centre régional de Loisirs culturels d'importantes crises financières.

Photo : Radio-Canada

Je me plais toujours à dire que, pour combler le déficit, on a fait toutes sortes de choses. On est allé acheter du Pepsi en spécial pour le revendre, clame Mme Dallaire, qui faisait ses profits au bar avec les bingos les dimanches soirs et les spectacles.

J’ai passé pour être un peu sévère parce que je surveillais toutes [les entrées et sorties d'argent]. J’ai toujours été impliquée jusqu’au moment de partir, 33 ans plus tard.

L'amphithéâtre du Centre de loisirs.

Lorsque Mariette Dallaire a pris sa retraite, l'amphithéâtre a été nommé en son honneur.

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

Mariette parlait sans gêne du budget comme en témoigne une entrevue accordée en 1993 à Radio-Canada, à l’annonce d’un projet d’expansion de l’établissement qui comprendra complexe d’entraînement, deux terrains de squash, l’ajout d'un bar, d’une loge et d’une estrade qui comprendrait 204 places assises.

On a besoin d’argent du gouvernement de l’Ontario, on a demandé une subvention d’environ 560 000 $ et on attend du secrétariat d'État peut-être une centaine de mille dollars, le reste viendrait de la communauté et des fonds du Centre, affirmait-elle à l'époque.


Kapuskasing, reconnu pour son accueil des artistes

Nathalie Marchand, une résidente de Kapuskasing, suit ses artistes favoris dans les salles de spectacles de Rouyn-Noranda jusqu’à Hearst.

Elle a raté très peu de spectacles au Centre de Loisirs dans les vingt dernières années et constate qu’à Kapuskasing, les artistes font davantage mention de l’accueil qu’ailleurs.

Mario Jean, en fin de semaine, parlait de ses autres visites à Kapuskasing. Il a parlé d’une personne locale qui est allée le chercher à l’aéroport puis qu’il lui avait comptée une farce et que ça faisait partie de son spectacle, détaille-t-elle.

Une chanteuse chante à la St-Jean de Kapuskasing.

À la Saint-Jean, Marie-Mai a laissé couler quelques larmes en reprenant la composition de son père qui vient de Moonbeam. La chanson raconte les insuccès de sa carrière musicale seule à Montréal, loin de sa famille. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

C’est un cachet que tu ne trouves pas ailleurs parce qu’il se souvient du sucre à la crème de Francine [Garon] qui accueille souvent les artistes dans les loges. C’est beaucoup plus le côté familial qu’on retrouve ici dans nos petites communautés, relate Nathalie Marchand.

Lorsqu’on a interrogé Stef Paquette sur le sucre à la crème de Francine Garon, l’auteur-compositeur-interprète de Chelmsford salivait encore.

Comme artiste, c’est de petites touches de même qui nous marquent. On passe du temps sur la scène, mais c’est vraiment les petites touches personnelles que tu gardes en mémoire, souligne Stef Paquette, qui compte Kapuskasing et Oshawa dans les arrêts de sa tournée pour leur accueil.

Oshawa, eux autres, ils mettent ta photo sur une bouteille de vin fait maison. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est quelque chose. Cette personne a pris le temps de faire du sucre à la crème pour m’accueillir. Elle n’avait pas de besoin, on aurait fait le show quand même.

Un prix sur un mur.

Dans l'appartement de Francine, son prix de bénévole de l'année au 39e Contact ontarois est bien en vue.

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

Francine Garon a reçu maintes distinctions au fil des années pour son implication communautaire, mais ce sont surtout les remerciements de certains artistes qui l’ont particulièrement touchée.

Lors de son passage à la Saint-Jean de Kapuskasing en 2009, Garou lui a confié qu’après Bruxelles, Kapuskasing venait au second rang de la meilleure chaleur humaine lors d'un spectacle.

Éric Lapointe a été très gentil, malgré qu’il ne soit pas aimé par tout le monde, il est venu me voir et m’a demandé s’il pouvait en amener pour ses enfants, s'émeut encore celle qui a aussi dirigé pendant près de trente ans la troupe de théâtre du Centre, Méli-Mélo.

Elle se souvient aussi qu’à Contact ontarois, le groupe a cappella Qw4rtz faisait un arrêt à Kapuskasing seulement si Francine faisait ses sucres à la crème.

La dernière fois qu'elle en a fait pour un artiste était en mars 2020, juste avant la pandémie.

Des sucres à la crème.

Les sucres à la crème de Francine Garon ont marqué l'imaginaire de bien des artistes qui sont passés par Kapuskasing.

Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot

Stef Paquette se demande si les membres de son nouveau trio, les Bilinguish boys, pourront goûter à cette recette secrète même si Francine Garon a tiré sa révérence.

Est-ce que Francine va léguer sa recette de sucre à la crème pour le bienfait du Centre de Loisirs ou Francine a dit qu’elle va être enterrée avec sa recette? C’est ça, la grosse question que les artistes de l’Ontario veulent savoir, lance à la blague le président de l’APCM.

Il existe d’autres recettes, mais le mien est le meilleur, c’est ça?, répond Francine Garon en plaisantant.

Elle assure qu’elle partagera sa recette si le Centre de Loisirs culturels lui en fait demande.

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