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Le métavers vu par le Montréalais qui a vendu son casque de réalité mixte à Apple

Un homme découvre son visage de son casque de réalité virtuelle.

Bertrand Nepveu a eu la piqûre pour l'immersion lorsqu'il a essayé pour la première fois le Power Glove, un accessoire lancé en 1989 qui permettait de prendre les commandes de jeux de la console Nintendo Entertainment System (NES).

Photo : Elaine Sophie

Stéphanie Dupuis

« Dans cinq ans, environ 80 % des gens auront un seul casque de réalité virtuelle à la maison. Dans 10 ans, chacun aura son casque individuel. » C’est la prédiction que fait Bertrand Nepveu, un Montréalais qui a vendu son entreprise d’appareils de réalité virtuelle (RV) et augmentée Vrvana au géant Apple en 2017.

Aujourd’hui cofondateur associé de Triptyq Capital, une entreprise qui investit dans les technologies du divertissement, Bertrand Nepveu est catégorique quant à sa vision du métavers.

« Je suis convaincu que le métavers va être la plus grande révolution industrielle du 21e siècle. »

— Une citation de  Bertrand Nepveu

Il s'avance même en disant que le casque deviendra un jour une extension de nous, comme le téléphone intelligent.

Pour Bertrand Nepveu, le métavers est le passage du web 2D au web 3D. Il avance même que, comme l’être humain évolue dans un monde 3D, sa matière grise sera [éventuellement] plus productive si on ajoute la spatialité.

Ce concept, Bertrand Nepveu y croit depuis longtemps, lui qui employait déjà le mot métavers au début des années 2000, bien avant qu’il ne devienne galvaudé, selon lui.

Pour l’anecdote, j’avais même acheté le nom de domaine metavr.se [au début des années 2000], s’esclaffe l’entrepreneur montréalais.

Le nirvana de Vrvana

À cette époque, Bertrand Nepveu et sa jeune pousse, Vrvana, développaient à Montréal le casque nommé Totem, qui combinait les réalités virtuelle et augmentée.

Ce qui distinguait Totem des autres appareils, c’était certes son apparence léchée à la Splinter Cell d’Ubisoft, mais c’était surtout la capacité à corriger en quelques millisecondes la distorsion de l’image causée par les lentilles optiques des casques de réalité mixte qui faisait sortir Vrvana du lot.

Montage photo montrant un homme découvrant son visage d'un casque de réalité virtuelle, à côté d'un personnage de jeu vidéo portant un casque avec des lumières vertes.

Pour l'un de ses casques Totem, Bertrand Nepveu voulait un style léché. Il s'est notamment inspiré de celui qu'on peut voir dans la série de jeux vidéo Splinter Cell d'Ubisoft.

Photo : Bertrand Nepveu/Ubisoft

Pour faciliter le passage de la réalité augmentée (RA) à la réalité virtuelle (RV), la technologie que son équipe et lui ont développée – et brevetée – utilisait une puce qui récoltait les données de la caméra du casque en temps réel et en basse latence : On prend les données de la caméra, on les envoie sur l’ordinateur, et on les renvoie sur le casque, sans la déformer. C’était ça, notre sauce secrète.

Bertrand Nepveu et son équipe de Vrvana ont impressionné plus d’une personne avec Totem au Consumer Electronics Show (CES) de 2017. Vrvana y a même remporté le prestigieux prix du meilleur produit Tom’s Hardware, ce qui a attiré l’attention de géants de la technologie… dont Apple.

Une photo du casque Totem, qui ressemble à des jumelles auxquelles est attaché un bandeau noir.

Le casque Totem permet à la fois de faire de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle.

Photo : Vrvana

Le géant à la pomme a racheté Vrvana la même année pour 30 millions de dollars américains (40,2 millions de dollars canadiens), et a fait déménager en Californie 9 des 12 ingénieurs de l’équipe, ainsi que leur famille.

« C’était un rêve [d’entrer à Apple]. Je me sentais comme si on avait remporté la coupe Calder de la Ligue américaine de hockey, et que là, on s’en allait jouer dans la Ligue nationale. »

— Une citation de  Bertrand Nepveu

J’y allais très humblement. Je ne pensais pas, en arrivant en Californie, qu'on serait le premier trio, mais je me suis rendu compte rapidement qu’on n’avait rien à envier aux autres, qu’on était vraiment des experts dans notre domaine, ajoute le grand fan de hockey.

L’équipe avait du pain sur la planche dans les bureaux de Cupertino, car tout était à refaire : On utilisait beaucoup d’open source (logiciels libres), et l’une des signatures d’Apple est de tout faire à l’interne.

Œuvre pixélisée montrant un homme, assis, portant un casque de réalité virtuelle.

Lors de son passage à Apple, Bertrand Nepveu dit que son équipe et lui n'ont pas chômé en faisant des demandes notamment pour une dizaine de brevets.

Photo : Bertrand Nepveu

Tenu au secret industriel, Bertrand Nepveu ne peut pas s’avancer davantage sur ce à quoi pourrait ressembler le casque que prépare Apple et qui, selon plusieurs sites américains spécialisés, pourrait sortir au printemps.

Avant de quitter son poste de cadre chez le géant à la pomme au début de l’année 2021, notamment parce qu’il s’ennuyait de l’entrepreneuriat et de l’ingénierie, il avait réussi à négocier son rapatriement à Montréal, avec quelques collègues de Vrvana.

« En ce moment même, une petite équipe d’Apple travaille sur la technologie de la réalité virtuelle depuis Montréal. »

— Une citation de  Bertrand Nepveu

Encore aujourd’hui, ces personnes ne peuvent indiquer sur leur profil LinkedIn qu’elles travaillent sur le casque d’Apple, dit-il, faisant référence à la culture du secret de l’entreprise.

Environ un millier de personnes planchaient sur le casque de réalité virtuelle d’Apple lorsque Bertrand Nepveu a quitté le géant californien en 2021, d’après lui.

Une révolution qui sera signée Apple

Grand fan du cofondateur d’Apple Steve Jobs, notamment pour sa capacité à prendre quelque chose de compliqué pour le rendre simple, Bertrand Nepveu croit que l’arrivée de l’entreprise sur le terrain de jeu de la réalité virtuelle pourrait être le morceau manquant qui fera décoller une fois pour toutes le métavers.

« Je dis toujours que, quand Apple va se lancer dans la réalité virtuelle, ce sera un moment Macintosh. »

— Une citation de  Bertrand Nepveu

Lorsque l’ordinateur Macintosh est arrivé sur le marché, en 1984, il était en vente pour environ 2500 $ US (3350 $ CA). Ça a montré le potentiel d’un ordinateur en création. Après ça, tous les créatifs voulaient du Apple, malgré le prix, explique l’ingénieur.

Apple pourrait exceller là où d'autres ont des difficultés en ce moment. Meta, anciennement le groupe Facebook, tente d’être à l’avant-garde de la RV depuis plusieurs années.

L’entreprise enregistre de bons résultats avec son casque sans fil abordable Meta Quest 2, lancé en 2020. Elle a même lancé une version Pro de son appareil, plus performante et qui traque notamment le mouvement des yeux.

Le casque de réalité virtuelle Meta Quest Pro.

Le casque de réalité virtuelle Meta Quest Pro a été mis en vente pour 2300 $ le 25 octobre.

Photo : Meta

Mais malgré les millions de dollars investis, ses applications immersives, telles que Horizon Worlds, Horizon Workrooms et Horizon Venues, sont encore loin de concrétiser la promesse d’un monde parallèle virtuel complet.

Dans l’attente des AAA

D’autres produits exploitant la réalité virtuelle s’apprêtent à voir le jour cette année, comme le PSVR2 de PlayStation, toutefois destiné en exclusivité aux jeux vidéo.

On voit un casque de réalité virtuelle consistant en un anneau qu'on glisse sur la tête, et deux manettes qui ressemblent à des sphères incomplètes avec des boutons de contrôle.

Le casque filaire de réalité virtuelle PSVR2, dont le lancement est prévu le 22 février 2023, ne pourra être branché que sur une console de jeux vidéo PlayStation 5.

Photo : Sony

C’est d’ailleurs les studios de jeux vidéo AAA (superproductions) qui pourraient aider à faire décoller le métavers, d’après Bertrand Nepveu.

« On veut une masse critique, mais pour avoir une masse critique, il faut avoir des jeux AAA. »

— Une citation de  Bertrand Nepveu

Meta avait tout de même vendu 14,8 millions de Meta Quest 2 dans le monde [en juin 2022], ce n’est pas rien, surtout en comparant aux quelque 14,6 millions de consoles Xbox Series vendues [à pareille date], ajoute l’entrepreneur.

Une femme utilise un casque et des manettes de réalité virtuelle

L'Oculus Quest 2 a changé de nom pour le Meta Quest 2 lorsque le groupe Facebook s'est rebaptisé Meta en octobre 2021.

Photo : Sonny Costin/Oculus from Facebook

Il croit que l’arrivée d’Apple sur le marché des casques va encourager les géants du jeu vidéo comme Ubisoft à investir pour développer des jeux vidéo AAA pour la réalité virtuelle.

Après tout, l’industrie du jeu vidéo est dans le coup de la réalité virtuelle depuis longtemps, avec le Virtual Boy, par exemple, une première tentative de console immersive lancée par Nintendo en 1995.

Une photo montrant le Virtual Boy de Nintendo sur un fond blanc. Il s'agit d'une paire de lunettes rouge ressemblant à un masque de réalité virtuelle monté sur un trépied. Une manette de jeu y est branchée.

Le Virtual Boy avait la fâcheuse conséquence de donner des maux de tête et des haut-le-cœur à ses utilisateurs et utilisatrices.

Photo : Nintendo

Et que dire des Roblox et Fortnite de ce monde, des plateformes de jeux vidéo en ligne qualifiées par plusieurs spécialistes de métavers?

Et le Québec dans tout ça?

Au Québec, on a tous les talents pour créer un métavers ancré dans nos valeurs, affirme Bertrand Nepveu, soulignant le succès d’entreprises technologiques comme 7 doigts, OVA et Félix & Paul.

Deux hommes assis sur un divan sourient légèrement.

Paul Raphaël et Félix Lajeunesse ont cofondé le studio Felix & Paul en 2013. Le duo a notamment collaboré avec l'ex-président américain Obama, le réalisateur Wes Anderson et l'Agence spatiale américaine (NASA) pour créer des productions immersives.

Photo : Felix & Paul Studios

Un lac-à-l’épaule organisé avec des artisans et artisanes de l’industrie locale de la RV s’est soldé par la création, en septembre 2022, d’un manifeste québécois du métavers. (Nouvelle fenêtre)

« On veut avoir une porte dans le métavers, qu’elle reste ouverte, avec une infrastructure et des outils alignés sur nos valeurs. »

— Une citation de  Bertrand Nepveu

Le métavers de Facebook, c'est cool, mais les créateurs de réalité virtuelle doivent donner 50 % de leurs recettes à Meta. C’est une prison dorée pour faire beaucoup d’argent, dénonce-t-il.

Selon lui, si Internet est ce qu’il est aujourd’hui, c’est que personne ne possède 30 % de ce qui s’y fait. L’objectif du manifeste est, certes, de fédérer les artisans et artisanes du milieu, mais aussi de trouver un terrain de jeu décentralisé afin de se battre contre les grosses [entreprises] américaines.

Les signataires du document aimeraient également qu’un fonds d’expérimentation pour le métavers soit créé, avec d’importants investissements de la part du gouvernement.

Le Fonds des médias du Canada (FMC) a aidé les studios de jeux vidéo, on aimerait ça pour le métavers, insiste Bertrand Nepveu.

D’ici là, il ne reste plus qu’à voir si Apple propulsera le métavers cette année, comme l'espère l’entrepreneur.

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