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Il y a 20 ans, la tragédie de Columbia

L'explosion, survenue le 1er février 2003, a été causée par une fissure dans l’aile gauche de la navette.

Capture d'écran de CNN montrant la désintégration de la navette spatiale Columbia.

Capture d'écran de CNN montrant la désintégration de la navette spatiale Columbia quelques minutes avant son atterrissage.

Photo : Getty Images / Mario Tama

La navette spatiale Columbia rentre d'une mission de 16 jours.

Au centre de contrôle de Houston, au Texas, les responsables de la mission STS-107 effectuent les vérifications de dernière minute. Tout se déroule comme prévu pour le retour de ce 28e vol en orbite de Columbia, le premier orbiteur entièrement opérationnel du programme américain de navettes, dont le baptême de l’espace remonte à mars 1981.

Il n’y avait jamais eu de problème sérieux lors du retour des navettes sur Terre, note Marc Garneau, le premier astronaute canadien qui avait participé à trois vols spatiaux et qui, au moment de l’accident, était depuis 2001 président de l’Agence spatiale canadienne (ASC).

Ainsi, par ce samedi matin ensoleillé, il n’y avait qu’un atterrissage de routine qui séparait les sept membres de l'équipage de leurs familles.

Le directeur des opérations à Houston donne au commandant de la navette, Rick Husband, le feu vert pour lancer les procédures de désorbitation et de rentrée dans l'atmosphère.

Les deux astronautes, en combinaison spatiale, s'affairent sur de l'équipement.

Capture d'image montrant le pilote William McCool et le commandant Rick Husband sur le pont de l'orbiteur, quelques instants avant la tragédie.

Photo : Reuters / NASA

Mais, 22 minutes avant l'atterrissage, les contrôleurs commencent à voir apparaître des anomalies dans les données récoltées par les capteurs de température des fluides hydrauliques situés à l'arrière de l'aile gauche de la navette. Puis, d’autres instruments s’affolent et indiquent cette fois une perte de pression des pneus, également du côté gauche.

Des employés du centre spatial devant deux grands écrans.

Les écrans du centre spatial de Houston, quelques instants après la tragédie.

Photo : NASA

Les événements vont ensuite se bousculer : les communications avec l'équipage sont interrompues et la navette disparaît des radars.

J’étais chez moi, ce samedi matin là, quand j’ai entendu à la radio que la NASA venait de perdre le contact avec Columbia, se remémore Marc Garneau.

« Ce fut un signal d’alarme immédiat dans ma tête parce que, comme vous pouvez l'imaginer, la rentrée dans l’atmosphère est une séquence très chorégraphiée de procédures. Perdre le contact avec la navette est quelque chose de très sérieux. »

— Une citation de  Marc Garneau, député fédéral et ancien astronaute

Au même moment, des personnes au sol observent des boules de feu et des débris tombant du ciel le long de la trajectoire de descente de Columbia. Il n'y a plus de doute possible, c'est la catastrophe : la navette s’est désintégrée au-dessus du Texas, tuant sur le coup les astronautes à bord.

Les sept membres de l'équipage sourient à la caméra.

Les membres de l'équipage de la mission STS-107 prennent la pose pour leur traditionnel portrait d'équipage en vol.

Photo : NASA

Quelque chose de très tragique s'était produit, c’était une journée très triste, confie Marc Garneau, qui connaissait tous les membres de l’équipage composé du commandant Rick Husband, du pilote William McCool, des spécialistes de mission Michael Anderson, David Brown, Kalpana Chawla et Laurel Clark, et du spécialiste de charge utile Ilan Ramon, le premier astronaute israélien.

Devant l’évidence de la tragédie, Marc Garneau décide de se rendre à l’Agence spatiale canadienne pour suivre la situation de plus près et répondre aux demandes d’entrevues des médias.

Le président George W. Bush communique avec les familles au cours de l’avant-midi et s'adresse à la nation en début d'après-midi.

« À une époque où les vols spatiaux semblent presque routiniers, il est facile d'oublier les dangers des voyages dans l’espace [...]. Tous les Américains pensent aujourd'hui aux familles de ces hommes et de ces femmes qui ont subi ce choc soudain et ce deuil. […] Ceux que vous aimiez auront toujours le respect et la gratitude de ce pays. »

— Une citation de  George W. Bush, président des États-Unis
Le président George W. Bush prend la parole lors d'un service commémoratif.

Le président George W. Bush prend la parole lors d'un service commémoratif, le 4 février 2003, au Centre spatial Johnson de Houston, au Texas.

Photo : Getty Images

Si le monde est sous le choc, la NASA doit comprendre ce qui s’est passé.

La première étape consiste à collecter l'épave de la navette pour tenter de reconstituer le fil des événements. Les débris sont répartis sur une zone de 5129 km², ce qui nécessite la plus grande recherche de l'histoire américaine.

Image radar montrant la répartition des débris à la suite de la désintégration de la navette Columbia.

Cette image radar montre la répartition des débris à la suite de la désintégration de la navette Columbia (traînée rouge).

Photo : Getty Images / National Weather Service

À ce jour, pas moins de 38 tonnes métriques, soit 38 % de la navette, ont été récupérées, de même que les corps des sept astronautes. C’est à l’ex-astronaute canadien David Williams, devenu directeur des sciences de la vie à la NASA, qu’est revenue la lourde tâche de rassembler et d’analyser ces restes humains.

Des morceaux de débris de Columbia réunis dans un hangar du Centre spatial Kennedy en Floride.

Photo prise le 13 mars 2003 de morceaux de débris de Columbia réunis dans un hangar du Centre spatial Kennedy en Floride. Une équipe a reconstitué au mieux l'orbiteur dans le cadre de l'enquête sur l'accident.

Photo : NASA

Un morceau de mousse meurtrier

Dans son rapport déposé en août 2003, le Bureau d'enquête sur l'accident de Columbia conclut que l'explosion a été causée par une fissure dans l’aile gauche de la navette.

Extrait vidéo montrant un morceau de mousse frapper l'aile de Columbia.

Il est possible de voir dans cet extrait vidéo un morceau de mousse frapper l'aile de Columbia.

Photo : NASA

Le document explique que la brèche a été causée au décollage par le choc d’un bloc de mousse isolante qui s’était détaché du réservoir principal.

Selon le modèle présenté dans le rapport, les problèmes auraient commencé au-dessus de la Californie, alors que la navette filait à 23 fois la vitesse du son, souligne M. Garneau.

« C’est à ce moment que la partie avant de l’aile habituellement très protégée – le leading edge, en anglais –, abîmée par la mousse, a cédé à la chaleur de la rentrée dans l’atmosphère qui avoisinait les 1500 degrés centigrades, une température capable de faire fondre l'aluminium. »

— Une citation de  Marc Garneau, député fédéral et ancien astronaute

Ce n’était toutefois pas la première fois que des pièces de mousse se détachaient du réservoir externe pour heurter la navette.

Cela s’est produit lors de plusieurs missions précédentes. De retour sur Terre, les tuiles thermiques de la navette étaient réparées ou remplacées, note M. Garneau.

« Les responsables du programme savaient que la mousse se détachait, mais ce n'était pas perçu comme étant suffisamment dangereux pour revoir la procédure. »

— Une citation de  Marc Garneau, député fédéral et ancien astronaute

Il faut savoir qu’au début du programme, lorsque la navette était munie d’un bras robotisé (Canadarm), l'inspection de la navette était un exercice de routine, une fois en orbite.

La caméra inspectait plusieurs surfaces, dont les ailes, pour s’assurer que tout s'était bien passé. Malheureusement, il n'y avait pas de bras canadien dans cette mission. Ils avaient arrêté de faire les inspections parce qu’ils pensaient que ce n’était plus nécessaire, ajoute M. Garneau.

« S’ils avaient fait de telles inspections, ils auraient vu que l’aile gauche avait été heurtée et que sa protection thermique était endommagée. »

— Une citation de  Marc Garneau, député fédéral et ancien astronaute

De nombreuses recommandations

Dans son rapport, le Bureau d'enquête sur l'accident de Columbia émet 29 recommandations à la NASA, dont trois qu’il juge nécessaires avant de reprendre le programme de navette :

  • L’agence doit dorénavant procéder à une inspection visuelle approfondie du bouclier thermique d’une navette à l'issue de la phase d’ascension;
  • Elle doit aussi s’assurer qu’une navette de secours est prête à décoller au cas où des dommages irréversibles auraient été constatés;
  • Elle doit également abandonner toutes les missions n'ayant pas pour destination la Station spatiale internationale, celle-ci pouvant servir de poste de secours pour l'équipage. Une seule dérogation fut admise à cette règle afin de réparer le télescope Hubble.

Une navette n’a redécollé que le 26 juillet 2005, lorsque Discovery a pris le chemin de la Station spatiale internationale pour poursuivre sa construction. Le dernier vol d'une navette, celui d’Atlantis, a eu lieu le 8 juillet 2011.

Les risques d'un métier dangereux

Marc Garneau affirme que tous les astronautes connaissent les risques associés à un vol spatial, incluant ceux associés au retour sur Terre.

Chacun fait son calcul à sa façon du risque, dit-il.

« Il y a toujours un risque dans un vaisseau spatial. Il faut décider si on est prêt à l’accepter. Cette décision est basée en partie sur notre connaissance de la technologie de la navette, mais aussi sur notre préparation. Et en sachant que des gens compétents et consciencieux préparent la navette pour que le vol soit sécuritaire, ça nous donne un certain niveau de confiance que tout va bien se passer. »

— Une citation de  Marc Garneau, député fédéral et ancien astronaute
Marc Garneau aux commandes, à bord de la navette Endeavour.

L'astronaute Marc Garneau commande le Canadarm à bord de la navette Endeavour dans le cadre de la mission STS-97.

Photo : NASA

Mais le risque zéro n’existe pas. Le premier astronaute canadien le savait, mais il se considère chanceux : On est toujours partis et revenus à temps, on n'a jamais eu de problème.

« J'ai volé avec Challenger la première fois et avec Endeavour pour les deux autres. Je suis certain que les dossiers de ces missions montrent que les tuiles ont aussi été endommagées, mais rien d’assez sérieux pour compromettre les missions. »

— Une citation de  Marc Garneau, député fédéral et ancien astronaute

C’est peut-être la raison qui a mené les gestionnaires du programme à estimer que les dommages aux tuiles représentaient un risque acceptable.

L’autre catastrophe

Pas moins de 17 ans avant la tragédie de Columbia, l’orbiteur Challenger s’était désintégré dans le ciel de la Floride le 28 janvier 1986, seulement 73 secondes après son décollage.

Des photos prises par la NASA le 28 janvier 1986 montrant un panache enflammé s'échappant du propulseur à poudre droit de Challenger.
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Des photos prises par la NASA le 28 janvier 1986 montrant un panache enflammé s'échappant du propulseur à poudre droit de Challenger. La navette explose 75 secondes après son lancement.

Photo : NASA

Les sept astronautes de l'équipage de la mission STS-51-L ont été tués lors de l’accident provoqué par la rupture de l'un des joints des deux propulseurs à poudre accolés au réservoir principal d'hydrogène.

Selon le rapport d’investigation, le joint défectueux avait souffert de conditions climatiques particulièrement froides dans la nuit précédant le tir.

*Marc Garneau est député fédéral de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount depuis 2015. Il a été ministre des Transports et ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Justin Trudeau.

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