Le plan du ministre Drainville en éducation accueilli avec scepticisme
Le ministre de l'Éducation du Québec, Bernard Drainville, a présenté ses priorités en point de presse jeudi matin.
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel
Trois mois après le début de son mandat comme ministre de l'Éducation, Bernard Drainville a présenté jeudi son « plan de match » pour redresser la situation dans les écoles du Québec.
Contrer la pénurie de personnel, revaloriser l'enseignement en français, rénover les écoles... Bernard Drainville a ainsi détaillé ses sept priorités. Des chantiers, assure le ministre, qui sont issus d'un travail étendu sur le terrain, durant lequel lui et son équipe sont allés à la rencontre des professionnels dans les écoles.
« On ne va pas tout régler du jour au lendemain. Mais il faut bien commencer quelque part. »
Confronté à une importante pénurie de personnel, le gouvernement veut entre autres rétablir une voie rapide
vers le brevet d’enseignement. Le ministre envisage ainsi de rétablir le certificat en enseignement de 30 crédits, pour permettre aux aspirants professeurs qui possèdent déjà un baccalauréat dans une matière enseignée d'obtenir leur qualification plus rapidement.
À l'heure actuelle, les candidats qui se trouvent dans cette situation doivent obtenir une maîtrise dite qualifiante
de 60 crédits, que certains prennent quatre, cinq, même six ans à compléter à temps partiel, en cours du soir
, selon le ministre.
Les sept priorités de Bernard Drainville
- Revaloriser la langue française, particulièrement à l'écrit
- Rétablir une voie rapide vers le brevet d'enseignement
- Offrir du renfort aux enseignants dans les classes
- Avoir des projets pédagogiques plus accessibles et plus nombreux
- Investir dans la formation professionnelle
- Rendre le réseau scolaire plus performant
- Rénover les écoles
Pour aider les enseignants, Québec compte ajouter du soutien en classe. Le gouvernement solliciterait entre autres les éducatrices en service de garde. Des projets pilotes ont été concluants, estime le ministre.
« Ça va contribuer à l'effort, d'avoir deux adultes dans la classe. Des professionnels, on va continuer à en ajouter. »
Il faisait notamment référence aux orthopédagogues, aux psychoéducatrices ou encore aux orthophonistes.
Le ministre compte également revaloriser l’enseignement du français et freiner le déclin du français écrit
. Cette semaine, La Presse révélait que le taux d’échec de l’épreuve de français au secondaire avait bondi depuis le début de la pandémie, des données obtenues par la suite par Radio-Canada.
Le gouvernement vise aussi à étendre les projets particuliers dans les écoles secondaires publiques, à améliorer le partage de données et à investir dans la formation professionnelle.
Le gouvernement souhaite également rénover et construire des écoles. Plus de 50 % des écoles sont toujours en mauvais ou très mauvais état au Québec, malgré les promesses du précédent ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge.

Entrevue avec le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, concernant ses priorités.
« Une liste d'épicerie »
Je travaille déjà sur le "comment"... Je vais vous revenir là-dessus
, a répondu à plusieurs reprises le ministre Drainville aux questions des journalistes qui cherchaient à avoir des précisions sur les moyens envisagés par Québec pour s'attaquer à ces chantiers prioritaires.
Un manque de détails que n'ont pas tardé à soulever l'opposition et les syndicats, qui ont accueilli avec un certain scepticisme l'annonce de mercredi.
La Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement (FQDE) a estimé qu'il manque des éléments à cette annonce. Le français écrit, c'est important, oui. Mais on s'attaque à ça comment? Par le nombre de périodes? Par des modifications au niveau du programme?
, a dit le président de la FQDE , Nicolas Prévost, en entrevue à Radio-Canada.
Pour sa part, la porte-parole de Québec solidaire en matière d'éducation, Ruba Ghazal, a dit qu'elle s'attendait à mieux de la part du ministre, silencieux pendant trois mois
.
« Après trois mois, on s'attendait à quelque chose de beaucoup plus costaud qu'une simple liste d'épicerie avec sept points. La CAQ dit que l'éducation, c'est la priorité. La moindre des choses, ce serait que le ministre nous arrive avec une vision. »
La Fédération autonome de l'enseignement (FAE) abonde dans le même sens. Il faudra voir comment M. Drainville va déployer tout ça
, a affirmé sa présidente Mélanie Hubert. Le diable sera dans les détails
, a-t-elle ajouté.
Le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Éric Gingras, a souligné par communiqué un bon tour d'horizon d'enjeux actuels qu'a présenté le ministre, avec beaucoup de chantiers à mettre en place
.
Cela dit, tout sera dans le comment et dans les moyens qui seront mis en place
, a ajouté M. Gingras.
Un plan non chiffré
En point de presse, le chef par intérim du Parti libéral du Québec et chef de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale, Marc Tanguay, s'en est lui aussi pris aux propositions de M. Drainville, dénonçant un plan non chiffré
.
Je constate que [la CAQ ] en est à la cinquième année de son mandat, et les résultats ne sont pas là. Bernard Drainville n'est même pas capable de dire combien il manque d'enseignants
, a-t-il déclaré.
« Ce qu'on reproche à ce plan-là, c'est d'être un gruyère, d'avoir de gros trous. Ça n'a pas de bon sens, ils sont dans leur cinquième année. On dirait que la CAQ vient d'être élue! »
Aux journalistes, Bernard Drainville a parlé de milliers
d'enseignants manquant, sans préciser le nombre. Il n'a pas non plus chiffré ses propositions.
La députée de Saint-Laurent et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, Marwah Rizqy, a accueilli favorablement l'annonce, notamment, des aides aux enseignants, mais dénonce un exercice de communication
de la part de Bernard Drainville.
Ce sont de bonnes priorités, mais il manque de viande autour de l'os. Comment va-t-on faire pour retenir nos enseignants? On en perd bon an mal an 20 à 25 %
, a-t-elle déclaré en entrevue à Radio-Canada.