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Analyse

Retraites : le Québec sur les pas de la France?

Le ministre des Finances doit prendre une importante décision.

Eric Girard parle lors d'une conférence de presse.

Le ministre des Finances Eric Girard devra prendre une décision délicate quant à l'avenir du Régime de rentes du Québec. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Le sujet n’a pas encore vraiment fait la manchette, mais ce n’est sans doute qu’une question de temps. Comme c’est le cas tous les six ans, des consultations seront bientôt menées pour discuter de l’avenir du Régime de rentes du Québec (RRQ). En 2017, l’exercice s’était conclu par une importante bonification du régime, mais on abordera cette fois-ci un sujet plus délicat.

Parmi les propositions à l’étude cette année, l’une viendrait rehausser à 62 ans l’âge minimal requis pour commencer à toucher la rente. Une autre ferait passer cet âge à 65 ans. Une autre encore viendrait accroître la pénalité à laquelle font face ceux qui commencent à toucher leur rente avant 65 ans.

Dans tous les cas, les changements seraient mis en place progressivement, sur une période de 7 à 22 ans.

L’objectif de Retraite Québec est clair : retarder le moment où les Québécois commencent à toucher leur rente. On saura bientôt si c’est aussi celui du gouvernement.

Contrairement à ce qui se passe en France, l’objectif n’est pas ici de remettre sur les rails un régime déficitaire. Au contraire, la plus récente évaluation actuarielle du régime indique qu’il n’y a pas de raisons de s’inquiéter : il y aura suffisamment d’argent pour payer toutes les rentes prévues au cours des 50 prochaines années, et ce, sans avoir à augmenter le taux de cotisation actuel.

Pendant que la France s'entredéchire sur le report de l'âge de la retraite, le Québec aussi y songe. C'est l'une des propositions qui seront présentées aux citoyens lors de consultations publiques, le mois prochain.Le gouvernement Legault veut surtout accroître la santé financière des aînés et les encourager à rester plus longtemps sur le marché du travail. Un reportage de Marie-Josée Paquette-Comeau.

Au rythme où vont les choses, la réserve du régime de base pourrait même dépasser les 800 milliards de dollars… en 2071.

Si on songe à revoir les règles, c’est plutôt pour accroître la sécurité financière des Québécois à la retraite, soutient l’actuaire en chef de Retraite Québec, Jean-François Therrien, en entrevue à Radio-Canada.

Lorsqu’on demande notre rente à 60 ans, elle est réduite de 36 %. À 62 ans, elle est réduite de 22 % […] C’est significatif. Et c’est pour toute la durée de notre vie, jusqu’à notre décès. En d’autres mots, plus on retarde le moment de toucher sa rente, plus on finit par engranger une grosse somme.

Le document de consultation s’appuie sur deux constats : la moitié des personnes qui touchent une rente ont commencé à la recevoir dès l’âge de 60 ans et bon nombre d’entre elles l’ont plus tard regretté, à en croire un sondage effectué par Retraite Québec.

Déjà, des groupes de défense des retraités font valoir que bien des citoyens n’ont pas le luxe de retarder le moment où ils pourront toucher leur rente, notamment en raison de problèmes de santé. Le contexte économique actuel risque toutefois fort d’inciter le gouvernement à suivre l’une ou l’autre des propositions à l’étude.

Un remède contre la pénurie de main-d’œuvre?

Si Retraite Québec met en avant les avantages que les travailleurs auraient à retarder le moment où ils commenceront à toucher leur rente, le gouvernement aura sans doute en tête les effets qu’une telle réforme pourrait avoir sur le marché du travail.

Lors de la création du RRQ, l’âge minimal requis pour commencer à toucher sa rente avait été établi à 65 ans. C’est dans un contexte de chômage élevé, et alors qu’on voulait aider les jeunes à accéder au marché du travail, que l’âge d’admissibilité a été abaissé à 60 ans en 1984.

La situation a bien changé depuis. Le Québec a actuellement le plus faible taux de chômage à l’échelle des provinces canadiennes. Dans toutes les régions, les entreprises – petites et grandes – déplorent le manque de main-d’œuvre, et le gouvernement Legault a bien fait savoir que l’immigration n’était pas, à ses yeux, la seule solution permettant de contrer cette pénurie.

Au cours des dernières années, le gouvernement a annoncé des mesures pour inciter les aînés à rester plus longtemps sur le marché du travail, comme la bonification du crédit d’impôt pour travailleurs d’expérience, mais ces mesures demeurent modestes.

Selon Retraite Québec, le taux d’activité des personnes âgées de 60 à 64 ans est d’ailleurs inférieur au Québec (54 %) par rapport à l'ensemble du Canada (58 %). Compte tenu de l’ampleur des défis que pose le vieillissement de la population, il faut faire bien davantage, et pas seulement en modifiant les paramètres du RRQ.

Si plusieurs facteurs militent en faveur d’un rehaussement de l’âge minimal d’admissibilité à la rente sur papier, le sujet demeure délicat, comme on le voit en France.

 Des milliers de manifestants dans les rues de Paris.

Des milliers de manifestants dans les rues de Paris s'opposent à la réforme de la retraite qui passerait de 62 à 64 ans en 2030. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / BENOIT TESSIER

On se souvient aussi que la décision du gouvernement Harper de faire passer de 65 à 67 ans l’âge pour pouvoir toucher la pension de la Sécurité de la vieillesse s’était transformée en enjeu électoral en 2015. Une fois élu, Justin Trudeau avait annulé la décision de son prédécesseur. Résultat : on voit mal un chef politique fédéral s’engager à nouveau sur ce terrain à brève échéance.

La santé financière du Régime de rentes du Québec permet au gouvernement d’y aller de changements graduels, mais il faudra finir par trancher. Le ministre des Finances a certes une décision difficile à prendre, mais il pourra toujours se consoler en voyant ce qui se passe outre-Atlantique.

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