Des procès mis en danger par les allégations d’ingérence contre Smith, croit un avocat
Des sources allèguent que la première ministre albertaine a fait pression sur le ministère de la Justice pour faire abandonner des accusations liées aux restrictions sanitaires.

Le blocage du poste frontalier de Coutts en février 2022 a donné lieu à une douzaine de procès pour différents types d'accusations.
Photo : La Presse canadienne / Jeff McIntosh
Selon un professeur de droit criminel, les procès liés aux restrictions sanitaires et au blocage du poste frontalier de Coutts pourraient être compromis par de nouvelles allégations d’ingérence politique de la première ministre albertaine, Danielle Smith, dans l’administration de la justice.
CBC/Radio-Canada a révélé mercredi que Danielle Smith a fait pression sur le ministère de la Justice pendant plusieurs mois pour faire abandonner des accusations en lien avec la COVID-19, particulièrement certaines liées à la manifestation anti-restrictions sanitaires de Coutts. Les manifestants avaient bloqué ce poste frontalier pendant deux semaines, en février 2022.
Le bureau de Danielle Smith répond que toutes ses communications avec le ministère de la Justice étaient appropriées. Il ajoute que la première ministre a respecté l’avis juridique que lui a fourni le ministère de la Justice et n’a pas gracié les contrevenants aux règles sanitaires.
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L’avocat et professeur de droit criminel Peter Sankoff, de l’Université de l’Alberta, estime qu’en raison de ces allégations, il est possible que les avocats de la défense de ces accusés tentent d’obtenir un arrêt des procédures.
C’est un problème. Ce n’est pas garanti que cela se produira, mais c’est possible
, estime-t-il.
Si j’étais un de ces avocats de la défense, je plaiderais que le véritable problème est que, étant donné qu'il y a eu toute cette publicité, les procureurs vont se plier en quatre pour prouver qu’ils ne sont pas impliqués
, explique le professeur de droit. Une fois qu’il y a cette atteinte à leur réputation, ce qui arrive ensuite ne fait pas de différence. C’est pour cela que c’est si troublant.
Selon lui, il faudra toutefois que des preuves solides soient déposées en cour pour qu’un juge accepte une demande d’arrêt des procédures.
Une question de transparence
Peter Sankoff estime qu’un gouvernement a le droit de décider de l’approche à adopter à propos des poursuites sous sa juridiction, mais il doit le faire publiquement. Il n’y a aucune loi qui dit qu'on doit mener à terme toutes les accusations qui ont été déposées
, souligne-t-il.
Peter Sankoff donne l’exemple de la décriminalisation de l’homosexualité en 1969 par le gouvernement fédéral.
Une fois qu’il a pris cette décision, il n’y a plus de raison de continuer avec ces accusations en cour. Il peut tout simplement les révoquer
, explique l'avocat.
Toutefois, tenter le fait d’atteindre ce but en coulisses est problématique, selon lui.
« C’est une chose de donner une amnistie à tout le monde et une autre de choisir des accusations individuellement et de faire pression pour qu’elles soient abandonnées. C’est une idée très problématique. »
À son avis, certains des gestes posés pourraient constituer un abus de confiance, ce qui, au sens de la loi, constitue un acte criminel.
Ces allégations d’ingérence dans le système de justice minent également la confiance des citoyens envers l'institution.
L'opposition réclame une enquête indépendante
Le Nouveau Parti démocratique de l’Alberta a de nouveau réclamé, mercredi, la mise sur pied d’une enquête indépendante, afin de faire la lumière sur cette affaire.
Je demande au procureur général, Tyler Shandro, d’agir. C'est à lui de mettre sur pied ce processus d’enquête indépendante
, a plaidé la députée néo-démocrate Rakhi Pancholi. Tyler Shandro, en tant que procureur général de l’Alberta, l’avocat le plus haut placé de la province, a plusieurs obligations, mais sa première obligation est de protéger l’administration du droit en Alberta.
La politologue de l’Université de Calgary Lisa Young estime qu’une telle enquête est devenue nécessaire.
« Je crois que, si Danielle Smith ne met pas sur pied une enquête indépendante pour blanchir son nom et celui de son équipe, cela va la hanter. »
Danielle Smith a par ailleurs publié une déclaration qualifiant de diffamatoire
l’article de CBC concernant un employé de son bureau qui critiquait, dans un courriel, les décisions du Service des procureurs de la Couronne au sujet des accusations liées à Coutts.
La première ministre appelle CBC à se rétracter et à s’excuser publiquement.
Le responsable des affaires publiques de CBC, Chuck Thompson, défend le travail journalistique effectué pour ces deux reportages.
En ce qui concerne le reportage publié jeudi dernier, il attribue de manière transparente les allégations à des sources de confiance et fournit du contexte à ces allégations
, explique-t-il dans un courriel. Comme c'est toujours le cas dans notre pratique, nous avons donné à la première ministre et à son bureau l’occasion de réagir et avons inclus sa réponse de manière évidente dans le reportage, notamment dans le sous-titre principal.