La nouvelle hausse du taux directeur est accueillie avec inquiétude à Ottawa et Gatineau
Les conséquences de la hausse des taux sont visibles. Certains ont de la difficulté à joindre les bouts. Julien-David Pelletier nous donne des détails sur la situation.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
La Banque du Canada a relevé son taux directeur à 4,5 %, mercredi. Il s’agit de la huitième hausse consécutive en l’espace d’une année. Selon des observateurs, cette décision risque de fragiliser l’économie des ménages à faible revenu qui vivent dans la grande région de la capitale fédérale.
La hausse de 25 points vise notamment, selon la Banque, à contrôler l’inflation qui a drastiquement augmenté avec la pandémie.
Or, cette dernière augmentation fait craindre le pire à Sophie Desautels, syndic autorisée en insolvabilité chez Raymond Chabot, filiale de Raymond Chabot Grant Thornton.
Avec l’augmentation des loyers, l’augmentation du coût de la nourriture, l'élastique est déjà tellement étiré que c’est vraiment difficile de se dire pour les gens : "Où est-ce que je dois couper?"
, lance-t-elle.
À l’Association Coopérative d’Économie Familiale (ACEF) de l’Outaouais, la nouvelle est reçue avec beaucoup de grincement de dents.
D’après Jordan Samuel Nganga, directeur général de l’association, son organisme implanté dans la région depuis 1966, est très sollicité depuis plusieurs mois. Si bien que ses conseillers doivent maintenant faire trois consultations budgétaires par jour, plutôt que deux pour répondre à la demande.
Quand ils [la population] n’arrivent pas à s’en sortir, ils se tournent vers nous et essayent de nous demander comment, au quotidien, ils peuvent s’en sortir
, dit-il.
Mme Desautels ajoute que sa firme connaît une hausse fulgurante de dossiers en insolvabilité des consommateurs depuis avril 2022.
On voit une crainte au niveau des clients. J’ai vu des gens vendre leur voiture, vendre leurs actifs pour essayer de vivre normalement pour payer l’épicerie. Il y a une crainte, il y a une angoisse au sein de la population pour le paiement de biens et services
, surenchérit-elle.
C’est notamment vrai pour Olivier Hussein, résident de Gatineau, qui, malgré son bon emploi, a été contraint de consulter l’ACEF
afin de mieux planifier son budget.Heureusement, je travaille en mode hybride, donc je me déplace en autobus pour me rendre au travail, donc j'économise là-dessus, mais il y a d'autres choses, comme le loyer, qui ont augmenté
, lance-t-il.
Cinq conseils pour faire face au coût de la vie :
- Faire un budget
- Prioriser ses dépenses
- Établir une stratégie de remboursement de dettes
- Ne pas utiliser une carte de crédit pour rembourser une autre
- Ne pas avoir peur de demander de l'aide
Source : Sophie Desautels, syndic autorisée en insolvabilité chez Raymond Chabot, filiale de Raymond Chabot Grant Thornton
Une politique budgétaire contestée
Mario Seccareccia, professeur émérite en sciences économiques à l'Université d'Ottawa, s’interroge sur la pertinence des augmentations répétées de la Banque du Canada. Selon lui, ce sont les ménages à faible revenu qui paient le prix fort au détriment des plus riches.
M. Seccareccia explique que la guerre en Ukraine et la pandémie ont chamboulé le commerce international
et par conséquent, ont entraîné le Canada dans une spirale inflationniste.
La réalité est que les salaires augmentent moins que les prix. Ce qu’on peut dire, c'est que le pouvoir d’achat de la [classe] moyenne au Canada baisse. Alors on doit se poser une question d’équité qui est : pourquoi intervenir pour empêcher l’augmentation des salaires, mais ne rien faire [sur] les revenus des entreprises [...] La Banque du Canada agit sur un groupe sans toucher l’autre
, martèle-t-il.
De son côté, la Banque du Canada estime que la situation devrait s'améliorer cette année.
La Banque s’attend à ce que les prix plus bas de l’énergie, l’amélioration des conditions de l’approvisionnement dans le monde et les effets des taux d’intérêt plus élevés sur la demande entraînent une baisse de l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation, qui devrait s’établir autour de 3 % au milieu de l’année et retourner à la cible de 2 %, en 2024
, indique-t-elle par voie de communiqué.
Avec les informations de Julien David-Pelletier et de Ismaël Sy