Vers une meilleure mobilité des médecins et des infirmières entre les provinces

Il y a 125 000 postes vacants dans le système de santé au Canada.
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Un terrain d’entente semble être à portée de main entre Ottawa et les provinces afin de faciliter le déplacement d’infirmières et de médecins d’une province à l’autre.
On est optimistes et encouragés
, confie une source au sein du gouvernement fédéral.
Des discussions à ce sujet se poursuivent en coulisse, indépendamment de la rencontre des premiers ministres sur les transferts en santé qui aura lieu le 7 février à Ottawa.
Un document de travail dont Radio-Canada a obtenu copie offre un rare aperçu des solutions envisagées par les provinces pour pallier la pénurie d'infirmières et de médecins.
Le Plan d’action pancanadien pour s’attaquer à la pénurie de main-d'œuvre en santé vise à réduire les obstacles interprovinciaux pour les professionnels de la santé clés
, particulièrement les médecins et les infirmières.
Parmi les solutions sur la table :
- Reconnaissance mutuelle des licences entre les autorités fédérales et provinciales pour les professions clés afin de réduire les barrières interprovinciales.
- Octroi de licences temporaires (comme durant la pandémie) afin d'accélérer la reconnaissance des titres de compétence.
- Simplification et accélération du processus d’obtention de permis de pratique afin de réduire le fardeau qui pèse sur les candidats.
- Création d'une base de données nationales afin de regrouper les postes vacants, l'absentéisme, l’offre et la demande pour les professionnels de la santé.
- Évaluation normalisée pour reconnaître les diplômes obtenus à l’étranger.
C’est essentiel pour le bien-être des patients partout au pays, pour les travailleurs et pour le système de santé en général
, confie une source au fait des discussions. Ça se fera en collaboration avec Ottawa et les provinces.
Cette initiative réjouit Caroline Dufour, infirmière et enseignante à l’Université du Québec en Outaouais. Selon elle, une meilleure mobilité de la main-d'œuvre peut contribuer à remédier à la pénurie.
« Prenons l'exemple d'une infirmière qui a besoin de changer de province souvent parce que son conjoint est dans l'armée. Si elle peut avoir son permis rapidement, elle peut travailler là où elle est. »
Il y a 125 000 postes vacants dans le système de santé au Canada, fait remarquer Paul-Émile Cloutier, président de SoinsSantéCan, un organisme qui représente des organisations de soins de santé et des hôpitaux aux quatre coins du Canada.
Ces mesures démontrent qu’on peut avoir une certaine flexibilité pour répondre aux besoins des provinces sans mettre en péril la sécurité du patient
, souligne M. Cloutier.
Ce plan d’action est de la musique aux oreilles des professionnels de la santé qui souhaitent étendre leur champ de pratique à plus d’une province.
Le parcours de la combattante
Loukeva Albert est une infirmière clinicienne du Québec qui vit en ce moment à Vancouver. Cependant, il est impossible pour elle de faire son métier en Colombie-Britannique. Les barrières administratives pour faire reconnaître sa formation lui ont mis des bâtons dans les roues.
Je vous avoue que ça m’a un peu découragée
, confie-t-elle. Il y avait beaucoup d'étapes à compléter, ça prend des documents notariés. Ça prend beaucoup de temps.
Il faut d’abord déposer une demande de licence à l’Ordre des infirmières de la Colombie-Britannique, puis participer à des évaluations de connaissance des pratiques, de la déontologie et de la jurisprudence, qui sont différentes d’une province à l’autre, et présenter une vérification d’antécédents judiciaires.
Cette démarche complexe peut prendre de trois à quatre mois, alors que Loukeva Albert détient déjà un permis de pratique au Québec. Il me semble illogique de devoir franchir autant d’étapes comme ça dans un même pays
, soutient l'infirmière. On gagnerait à simplifier le processus.
Cependant, le temps joue contre elle. Mme Albert est à Vancouver pour un an seulement. Elle y accompagne sa conjointe, qui fait un stage en médecine. C'est sûr que ça aurait été super utile pour moi de pouvoir trouver un emploi comme infirmière ici, même si c'était seulement pour un an.
Finalement, épuisée par son travail d’infirmière durant la pandémie au Québec, elle a décidé de ne pas poursuivre les démarches en Colombie-Britannique. Ça ne valait pas vraiment la peine pour moi de me compliquer la vie et de payer les coûts occasionnés
, résume-t-elle.
Consensus en vue?
Le Plan d’action sur lequel travaillent le fédéral et les provinces pourrait aplanir plusieurs de ces barrières qui ont mis des bâtons dans les roues de Loukeva Albert.
Selon nos informations, la majorité des provinces sont d'accord pour éliminer les barrières interprovinciales qui empêchent les médecins et les infirmières de voir leurs compétences reconnues rapidement.
En juillet dernier, le Conseil de la fédération avait promis de collaborer avec les autorités de réglementation afin d’harmoniser davantage les normes professionnelles
.
Le Québec ne compte pas adhérer à ce plan d’action
L’Ontario vient de déposer un projet de loi en ce sens. De plus, nous avons appris que les provinces de l’Atlantique doivent se rencontrer le 30 janvier pour entreprendre les discussions sur une entente régionale de reconnaissance des compétences.
Selon nos informations, des représentants de plusieurs associations, syndicats et ordres professionnels ont contribué à l’élaboration du document, y compris la Fédération des ordres de médecins du Canada, le Conseil des médecins de famille du Canada, le Collège royal des médecins et l’Association médicale canadienne.
Toujours selon nos informations, le Québec ne compte pas adhérer à ce plan d’action afin de conserver sa pleine autonomie. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, préfère ne pas s'embarquer dans ce projet mammouth
, avait-il confié à l’émission Les coulisses du pouvoir en novembre. Si on essaie d’égaliser toutes les ressources humaines au niveau canadien, on en a pour 10 ans
, avait-il dit.