Des Ontariens dénoncent l’âgisme normalisé

Selon l'Organisation mondiale de la santé, l'âgisme constitue un problème à l'échelle de la planète.
Photo : iStock / Obencem
La Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO) lutte depuis des années contre l’âgisme. Des Ontariens, dont certains membres de la FARFO, racontent des histoires personnelles teintées par cette discrimination.
La fédération a créé le Réseau de prévention de la maltraitance des aîné.e.s francophones de l’Ontario (RPMAFO) en novembre dernier. Ce Réseau se penchera notamment sur des questions telles que l’âgisme afin de sensibiliser le public et de travailler à l’élimination de ce problème.
- Une enquête menée auprès de 83 034 personnes dans 57 pays a révélé qu’une personne sur deux avait des attitudes modérément ou fortement empreintes d’âgisme, donc guidées par des stéréotypes et des préjugés basés sur l’apparence ou l’âge d’un tiers.
Source : Organisation mondiale de la santé, 2021
De l'âgisme sur la scène politique
Evelyn Dutrisac réside dans le quartier de Chelmsford, dans le Grand Sudbury. Élisabeth Allard demeure à Ottawa, dans le quartier d’Orléans. Jean-Rock Boutin de Hamilton est le président de la FARFO
. Tous trois ont subi de l'âgisme à une époque de leur vie.« Récemment, je me suis présentée comme mairesse pour la ville du Grand Sudbury. J’ai été attaquée parce que je suis une femme âgée. Il y avait des gens qui m'appelaient et disaient : "Est-ce que tu vas être là pour plus que quatre ans? As-tu pensé à ton âge?" »
Evelyn Dutrisac est une femme engagée dans sa communauté. Elle a travaillé en tant qu’enseignante et ensuite registraire à l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle a aussi fait plusieurs expériences en politique, notamment en tant que conseillère municipale du quartier Rayside-Balfour de la Ville du Grand Sudbury pendant six ans. Mme Dutrisac cumule 18 ans en politique municipale.
L’an dernier, elle a été candidate à la mairie. C’était sans compter l’âgisme dont elle a été la cible. Ça a été subtil dans des débats qu’on a eus aussi
, ajoute-t-elle. Ça m’a frappée comme un coup de marteau. Je n’avais jamais été attaquée comme ça auparavant.
L'impact de la pandémie
Pour Élisabeth Allard, qui a 81 ans, la pandémie a normalisé l’âgisme au sein de la population. On nous mettait en évidence de façon négative
, explique-t-elle.
« À ce moment-là, j’ai vraiment eu l’impression qu’on nous voyait comme des transmetteurs [des vecteurs de la COVID-19]. On allait faire notre épicerie, puis on se sentait observés. On nous regardait un peu de travers. On essayait de nous éviter. »
Mme Allard admet qu’au fil du temps, cette discrimination s’est estompée.
De son côté, Jean-Rock Boutin, président de la FARFOl’âgisme institutionnel, surtout dans les résidences de personnes autonomes
, dans le secteur médical. On est appelés "mon petit monsieur", dit-il. Des mots, des gestes [condescendants], qui envoient le message qu’on est moins autonomes.
« Parfois, c’est plus pernicieux. C’est pour ça qu’on met de l’avant des campagnes de sensibilisation. »
M. Boutin a aussi subi de l’âgisme en tant que membre de la communauté LGBTQIA+.
Dans la communauté, on se fait souvent rejeter, parce qu’après 35 ans, on est perçus comme des vieux. On intéresse moins [les autres].
Il rappelle que l’âgisme touche aussi les jeunes.
Les plus jeunes en subissent eux aussi les contrecoups
William Burton est le directeur général de l’entreprise de production de contenus numérique Le Réveil.
Pour arriver à bâtir son entreprise et sa notoriété, dès l’âge de 14 ans, M. Burton a saisi de nombreuses occasions de bénévolat auprès d’artistes du milieu culturel. Un passé dont il est reconnaissant, mais qui lui a également valu son lot de commentaires parfois discriminatoires en raison de son âge. Je ne te connais pas encore. Tu es peut-être trop jeune pour savoir quoi faire
, lui disait-on.
« Cela a fait mal [...]. Cela te fait ressentir que tu n’es pas valide et c’est très difficile à gérer en tant qu’adolescent. »
M. Burton explique avoir dû créer ses propres mécanismes de défense pour se protéger des remarques ou des gestes désobligeants liés à l’âgisme. Il faut trouver des stratégies pour faire des suggestions [contre l’âgisme]
, explique-t-il.
Les causes de l'âgisme
Mireille Norris est médecin en gériatrie à l'Hôpital Sunnybrook de Toronto. Elle estime que la société canadienne ne facilite pas le vieillissement.
On a toute une industrie qui essaie de nier la réalité de l'âge
, explique-t-elle. On essaie de paraître plus jeunes avec des interventions en chirurgie plastique, dont le botox, etc.
« Il y a des sociétés qui valorisent les personnes âgées, qui voient chez leurs aînés des ressources d'expériences très importantes pour aider à supporter la société. »
Pour la Dre Norris, il est important qu'il y ait une prise de conscience collective
pour éliminer l'âgisme. C'est vraiment important dans une société vieillissante d'avoir une vision plus centrée sur la personne et de surmonter les pensées discriminatoires
, dit-elle.